C’est un
livre essentiel de Jacques Sapir, sorti en 2016, sans doute le livre de
référence pour réfléchir à la notion de souveraineté, dans ses dimensions les
plus importantes. Ce livre ambitieux, foisonnant, mais également remarquablement
structuré, prolonge une série
de textes
de 2013,
et représente le meilleur plaidoyer existant pour rétablir pleinement la
souveraineté des nations.
La souveraineté est un fondement de la
nation
Ce livre est d’autant plus actuel aujourd’hui, que,
fondamentalement, rien n’a véritablement changé sur le sujet depuis 2016. Il enrichit
et prolonge la
série de textes publiés
sur son ancien blog début 2013, « Comment
sommes-nous dépossédés de la démocratie »,
tellement remarquables qu’ils sont les seuls textes que j’ai inclus à mon
glossaire de revues de livres importants pour comprendre la crise que nous
traversons. Allant plus loin que ces textes, qui tournent autour du conflit
entre la légitimité démocratique et la légalité envahissante et parfois tyrannique
des règles dont
notre époque est trop coutumière, il commence par souligner la place
fondamentale de la souveraineté.
Et cela s’explique notamment par le moment où le
livre a été écrit : « nous
vivons un moment souverainiste. La décision du président de la République, M.
François Hollande, d’instaurer l’état d’urgence à la suite des tragiques et
odieux attentats du 12 novembre 2015 à Paris le prouve (…) parce que la
liberté individuelle ne se construit jamais de manière individuelle, parce que
nous sommes avant toute chose des animaux politiques et que nous vivons en
société, il ne peut y avoir d’individus libres que dans une société
libre ». En effet, à cette époque, même
les moins souverainistes de nos dirigeants ont pris des libertés avec les
règles européennes, sur la liberté de circulation des individus.
Plus globalement, Sapir rappelle que « la souveraineté définit aussi cette
liberté de décider qui détermine les communautés politiques que sont les
peuples à travers le cadre de la Nation et de l’Etat. L’oubli d’une dimension
nécessairement sociale et collective de notre liberté caractérise le point de
vue ‘libéral’ », mais, en France, « la Nation et l’Etat se sont à la fois construits dans la lutte contre
les féodalités locales et contre les prétentions supranationales de la papauté
et de la religion chrétienne ». Le commun doit passer avant le féodal
ou le communautaire, contrairement à la pratique anglo-saxonne et explique
notre divergence sur le prosélytisme vestimentaire qui discrimine les femmes.
Prolongeant la
réflexion de ses notes de 2013, il souligne aussi son rôle démocratique : « La souveraineté est fondamentale à la
distinction entre le légitime et le légal (…) La prétendue primauté que le
positivisme juridique entend conférer à la légalité aboutit en réalité à un
système total, imperméable à toute contestation, et par essence
totalitaire (…) La liberté du
peuple dans le cadre de la Nation s’appelle justement la souveraineté. C’est
pourquoi elle est essentielle à l’existence de la démocratie ». De
manière très actuelle, avec le Brexit, il soutient que « parler de souveraineté ‘de gauche’ ou ‘de
droite’ n’a pas de sens, ou ne peut avoir qu’un sens caché, celui d’un refus,
de fait, de la souveraineté ». Le principe de la souveraineté est
justement de permettre de choisir des directions différentes.
Plus globalement, pour lui, « une collectivité politique suppose une
volonté affirmée de vivre ensemble ». Il souligne l’importance du « fait de parler la même langue »
dans le processus historique de constitution du peuple. Et ce peuple a besoin
de souveraineté pour exister car elle permet l’action collective même si
« l’existence d’un intérêt commun
n’efface pas (les) conflits, mais doit s’enraciner dans la compatibilité de
leurs modes de gestion (…) La constitution d’un peuple uni dans sa volonté
de vivre ensemble et de créer en commun, même si cette volonté peut être en
partie le fruit d’institutions qui ont construit des affects nécessaires, est
bien le point de passage obligé sans lequel la constitution d’une nation ne
peut qu’échouer », à mille lieues du projet de l’Union Européenne…
Avec ce livre, Jacques Sapir signe une réflexion
indispensable à la question de souveraineté, que toute personne qui s’y
intéresse a intérêt à lire. Dans les deux prochaines notes à son sujet, je
reviendrai sur les processus de remise en cause de la souveraineté,
particulièrement à l’œuvre en Europe, puis comment les débats de société sont
parfois utilisés pour l’affaiblir et comment l’éviter.
Source : « Souveraineté, démocratie, laïcité », Jacques Sapir, Michalon
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