Cela fait quelque temps que
j’alerte sur la valorisation totalement excessive de Tesla. Après une
baisse début 2019, du fait des pertes du premier semestre, l’action s’est
reprise depuis l’été et a pris 80% depuis le 1er janvier à des
niveaux effarants. Vendredi soir, Tesla valait 137
milliards de dollars, après une pointe à 178 milliards. Comme un écho à la crise
de la tulipe de 1637 aux Pays-Bas…
Des
chiffres qui donnent le tournis
Les
optimistes évoquent sa position et l’amélioration de ses résultats pour
justifier une telle valorisation. Mais pour qui prend un peu de recul, elle
reste totalement extravagante, pour ne pas dire délirante. Pour rappel, en
2019, Tesla a vendu plus de 360 000 voitures, fait un chiffre d’affaires de
24,6 milliards de dollars, et réalisé une perte d’un peu moins d’un milliard,
après deux trimestres légèrement positifs. Et aujourd’hui, Tesla
vaut plus que Volkswagen (CA 10 fois plus élevé, résultat de 7%), que BMW
et Daimler ensemble (5 millions de voitures, CA 10 fois plus élevé, résultats
de 10 et 6% respectivement) ou que Ford et GM réunis (plus de 300 milliards de
CA et 20 milliards de profits) !
Cet écart de
valorisation boursière est d’autant plus effarant que la
croissance du CA automobile a ralenti, à 12% sur l’année (contre 7% pour le
groupe Volkswagen), et seulement
2% sur le dernier trimestre. En effet, la hausse des volumes s’effectue
avec une baisse des ventes des modèles les plus chers. Pire, la
marge dégagée recule en valeur sur un an pour cette même raison. Bref, dans
une industrie peu rentable, où Tesla peine à faire un profit (le meilleur
résultat trimestriel a atteint 2% du CA), et alors que sa croissance a
considérablement ralenti, difficile de justifier un
tel enthousiasme et la valorisation extravagante de Tesla par rapport à des
entreprises bien mieux établies qu’elle.
Pourtant, les
marchés ont propulsé l’action vers de nouveaux records. Bien sûr, l’ouverture
de l’usine en Chine peut permettre à Tesla d’accélérer son développement dans
le pays, et le Model Y doit aider Tesla à gagner de nouveaux consommateurs. L’annonce
par Elon Musk d’un objectif d’un demi-million de voitures vendues en 2020
semble crédible, puisque
l’entreprise en a vendu 112 000 au quatrième trimestre, tout en
représentant une accélération de la croissance par rapport à 2019. Mais pour
qui analyse froidement ces prévisions, cela pousserait le chiffre d’affaires
autour de 30 milliards et, à dépenses opérationnelles stables, permettrait de
dégager un profit autour d’un milliard de dollar.
Mais cela ne
justifie en rien une valorisation de 137 milliards, dans une industrie où les
marchés valorisent les constructeurs entre 4 à 7 fois leurs profits. Même
en suivant les projections de Morgan Stanley, à 2 millions de voitures en 2030,
et 8,3% de résultat net, Tesla dégagerait 10 milliards de profits, comme
BMW en 2018, qui vaut moins de 50 milliards… Problème : Tesla réalise déjà
près de la moitié de ses volumes hors des Etats-Unis et la concurrence se
renforcera fortement cette année. En outre, les constructeurs allemands ont les
moyens de dépasser Tesla techniquement, alors que le constructeur californien
va probablement devoir passer la seconde en dépenses marketing…
Plus
réalistement, si Tesla vend un million de voitures, fait 60 milliards de CA et
3 milliards de profit, cela justifierait une capitalisation boursière de 20
milliards, soit un cours de l’action autour de 100 dollars ! Bref, l’envolée
actuelle n’a absolument aucun sens, même en étant optimiste. La question
n’est pas de savoir si le cours de l’action va s’effondrer, mais seulement
quand.
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