Même si les primaires du 17 mars, où
près de cinq cent délégués sont en jeu, restent une étape importante, les résultats de celles du
10 mars, après le Super Tuesday, semblent nous rapprocher
d’une victoire de Biden. Cela amène à s’interroger sur les raisons du nouvel
échec probable de Sanders, malgré un bon programme
économique,
qui fait écho à d’autres échecs de la gauche dite radicale.
Populaire
sur l’économie, moins sur le reste
Déjà, en 2016, bien des partisans
de plus de justice économique s’étaient enthousiasmés pour Sanders, qui
semblait alors une bien meilleure alternative que Clinton. La victoire de Trump a
renforcé cette analyse, avec le sentiment que le sénateur du Vermont aurait pu,
lui, l’emporter en novembre. Malgré son âge, proche de Biden, il a semblé pouvoir
l’emporter en 2020. Mais en dix jours, la Caroline du Sud, le Texas
et le Michigan (que Sanders avait emporté en 2016) ont choisi Biden, faisant de ce dernier
l’immense favori, même si le débat de dimanche et sa propension aux gaffes maintiennent
un semblant de suspense. Les démocrates ont toutes les chances de s’unir autour
de Biden en 2020.
Par-delà
l’erreur de fond, mais aussi probablement de tactique électorale, il faut se
demander pourquoi Sanders devrait échouer à nouveau. The Economist a publié un graphique très révélateur sur le soutien populaire à
certaines mesures de gauche. Loin d’être une faiblesse, contrairement à ce que sous-entendent trop
de média français, son agenda économique est une force : plus de 60% sont favorables
à la hausse des impôts pour les plus riches (Sanders propose un ISF au taux marginal de
8%), 60% soutiennent l’université publique gratuite et la moitié un Medicare pour tous, malgré son coût très
important. L’agenda économique « socialiste » convainc, même s’il est
qualifié de « cauchemar » par The Economist, pour qui un duel Trump /
Sanders était un « choix
épouvantable, sans bonne issue ».
De manière
intéressante, The Economist ne s’attarde guère sur les propositions qu’il qualifie de gauche et
qui sont moins populaires, probablement parce qu’elles sont bien plus proches de ses idées. Il
est pourtant intéressant de les analyser. Dans cette catégorie, on trouve
notamment deux propositions sur l’immigration : décriminaliser le passage de
la frontière (environ 35% de soutien), et fournir une assurance gratuite aux
immigrés illégaux (environ 20%). Même si les Etats-Unis sont un pays qui s’est
construit par l’immigration, il faut reconnaître que les étasuniens veulent
restreindre les flux aujourd’hui, ce que Trump a compris, à son avantage, mais
aussi au bénéfice du salaire des classes populaires.
L’écho avec
notre vieux continent est encore renforcé par la proposition de payer des réparations
pour l’esclavage, qui recueille moins de 25% de soutien (dont Sanders n’accepte que
l’étude).
Aussi horrible que soit l’esclavage, y-a-t-il du sens à vouloir réparer en 2020
les horreurs d’une pratique qui s’est terminée en 1865 aux Etats-Unis ?
Pourquoi la génération actuelle devrait solder, auprès des
arrières-arrières-arrières-arrières petits enfants d’esclaves ce que leurs ancêtres,
6 ou 7 générations plus tôt, avaient fait, d’autant que la question de la
responsabilité est complexe et qu’une bonne partie de la population a des
origines qui remontent probablement moins loin que 1865 ? Comment ne pas y
voir un parallèle avec le discours culpabilisant d’une certaine gauche
continentale sur le passé ?
En somme, le
probable échec de Sanders est instructif des deux côtés de l’Atlantique, par
les similarités qu’il peut avoir avec un Mélenchon ou même un Corbyn. Même si un agenda économique
tourné vers plus de justice sociale devient majoritaire, un manque de pédagogie,
d’autres propositions à rebours de l’opinion ou un porteur de cet agenda trop
imparfait, peuvent être un frein à sa victoire…
La gauche a oublié le peuple, la droite a oublié la nation. Et inversement ! On en sort pas.
RépondreSupprimerCher LH, je trouve votre constat juste pour l'Europe mais votre rapprochement avec Sanders exagéré. On est dans un vote de primaire démocrate et je doute que la question migratoire y joue le même rôle que dans une primaire républicaine ou une élection globale. Qui plus est, la sociologie de l'électorat démocrate est plutôt bobo/CSP des grandes villes. Je mettrais la remontée de Bidden sur un choix de type "vote Hollande aux Primaires en 2012". A cette époque, les électeurs de Gauche étaient dans un rejet violent de Sarkozy et voulaient se donner un maximum de chance avec un candidat au profil centriste. Ceci dit, l'élection US n'étant pas au suffrage universel direct, il n'est pas sûr que l'issue soit la même qu'en France en 2012, ne serait-ce que parce que la main tendue à Cuba d'Obama pourrait coûter cher en Floride à son ex-vice prez.
RépondreSupprimerJZ
@ JZ
RépondreSupprimerMême si j'y prête de l'attention, mon jugement peut être déconnecté de la réalité étasunienne. Mais ce qui me frappe tout de même, c'est que Sanders a beaucoup reculé dans les Etats de la rust belt (type Michigan), qui avait justement joué un rôle clé dans la victoire de Trump. Ne faut-il pas y voir le jugement des classes populaires blanches, qui veulent stopper l'immigration, qui ont basculé pour Trump en 2016, et que Sanders n'a pas complètement convaincu du fait de ses positions sur l'immigration, typique de la gauche continentale, qui plait aux nombreux bobos californiens mais qui ne plait pas aux classes populaires de la rust belt, signant son échec face à Biden ?
@LH:
RépondreSupprimerLa question est de savoir qui vote lors de ces primaires. En France,on sait que ce n'est pas le peuple.;) J'ai des doutes sur le fait que la majorité des électeurs inspecte en détail les programmes. J'ai personnellement tendance à penser que c'est la teneur d'ensemble très axée minorités/sociétal des débats démocrates qui n'a pas encouragé les classes populaires blanches à voter et que dès lors c'est forcément le plus antisystème des candidats qui en fait les frais.
Sinon, sur les questions de prise en charge par l'Etat de la santé/aide sociale, il faut savoir qu'aux States elles sont perçues à mots couverts par une partie du pays comme un impôt indirect payé par les WASP aux minorités. La place de l'identitaire dans le débat ne se limite pas aux seuls flux migratoires.
JZ
Le problème de Corbyn et de Sanders, c'est qu'ils appartiennent à des partis socio-démocrates et qu'ils sont minoritaires au sein de la direction de ces partis. C'est très clair dans le cas de Corbyn qui a échoué aux législatives parce que le Labour lui a imposé une stratégie anti-Brexit que, sans doute, il ne partageait pas.
RépondreSupprimerLa gauche antilibérale, pour être crédible, doit se débarrasser des eurobéâts et des néolibéraux qui sont nombreux, surtout d'ailleurs dans les sphères dirigeantes de ces partis (beaucoup moins à la base).
C'est la raison pour laquelle, étant de gauche, je suis hostile à une nouvelle union de la gauche qui ferait l'impasse sur les divergences importantes qui existent sur les questions du libre-échange, de la mondialisation et de l'attitude à avoir vis-à-vis de l'UE.
On me rétorquera que, sans alliance, la gauche radicale ne pourra pas rassembler. Je n'en suis pas du tout persuadé. En 2017, Mélenchon a réalisé un bon résultat en refusant les alliances qu'on voulait lui imposer en l'accusant de diviser son camp.
L'échec de LFI depuis lors est dû à son changement de stratégie et aux ennuis personnels de Mélenchon qui a donné une mauvaise image de lui et de son mouvement, par manque de transparence et de démocratie interne. S'il avait maintenu sa stratégie de 2017, il serait aujourd'hui le chef de l'opposition à Macron. Donc, il n'y a pas de fatalité à mon sens à ce que la gauche antilibérale échoue.
@ JZ
RépondreSupprimerPoints très justes. Mais un nouveau papier de The Economist montre que Sanders a beaucoup perdu lors de ces primaires sur les blancs des classes populaires qui ne sont pas allés à l’université, exactement l’électorat qui s’est ouvert à Trump en 2016 et qui n’était pas traditionnellement républicain, cette même catégorie d’électeurs, qui, depuis quelques temps bénéficie d’une montée de ses salaires. La question migratoire pourrait être un sujet, mais on peut y voir aussi un jugement économique.
@ Moi
Très largement d’accord avec votre analyse. Les unions de la gauche sont des pièges. Mélenchon n’était pas loin du but en 2017. Mais l’accumulation des passifs dans la gauche radicale est troublant.
@ Moi et LH:
RépondreSupprimerIl y a à l'extrême-gauche une préférence inconsciente pour le non-exercice du pouvoir qui permet de mieux cracher sur la gauche qui gouverne. Gauche qui gouverne qui n'est pas sans reproches mais à un moment donné il faut se donner les moyens de mettre les mains dans le cambouis. D'ailleurs le même genre d'inconscient est revenu côté frontiste entre les deux tours de 2017. Un autre problème structurel de la Gauche antilibérale, c'est que des partis d'accord sur l'essentiel n'ont jamais réussi à s'unir. On peut penser ce qu'on veut du PCF et de LFI mais on peut s'étonner en revanche que LO et NPA n'aient jamais réussi à s'unir. La Gauche de la Gauche la plus bête du monde.
@LH:
Les électeurs dont vous parlez sont sans doute des occasionnels des primaires venus votés parce que vaguement intéréssés par Sanders à un moment où Trump n'avait pas encore joué la carte ouvrière côté Républicain... et qui cette fois se sont abstenus. On peut dire sinon que le succès d'Obama représente une malédiction pour les démocrates. Il leur a donné illusion de pouvoir gagner une élection grâce à la seule mobilisation des minorités. Or un leader à la fois symbole et grand stratège marketing (réseaux sociaux, porte à porte...) ça n'arrive pas tous les jours.
JZ
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