Il y a une
semaine, Macron s’est défendu dans la
presse italienne d’un « éventuel
retard français ». Encore une fois, il
intervient sans véritable contradiction, refusant le légitime questionnement démocratique
qu’un dirigeant élu devrait accepter. Mais il montre surtout qu’il sait qu’il a tardé,
que cela se voit, et qu’il croit que nier l’évidence pourrait le servir... L’examen du calendrier n’est
pas tendre...
Ce qui
était su, et quand
Pour refaire
le film, je me suis basé sur l’excellent article de Pascal Marichalar,
chercheur au CNRS, qui a recensé les publications de Science pour faire son évaluation. J’ai également repris tous les articles de The Economist depuis le mois de janvier,
pour identifier ce que de simples journalistes savaient, et que des dirigeants
devaient a minima connaître un peu avant…
Cette analyse
est accablante. Dès la fin janvier, l’urgence est claire : le 30 janvier, l’OMS sonne l’arlerte et fait
du coronavirus « une urgence de
santé publique au niveau mondial », du fait de ce qui se passe hors de
Chine. Le 5 février, Science évoque une possible pandémie, du fait des patients
asymptomatiques, et pointe la nécessité de tester à grande échelle. Le 11, la
revue alerte sur le danger de manquer de tests et indique les alternatives à
mettre en place. Le 30 janvier, pour The
Economist, « les autorités de santé doivent faire un plan aujourd’hui (…) il y a de
grandes chances que (le covid) se répande autour du monde (…) ralentir sa
progression passe par l’isolement des cas dès qu’ils apparaissent, tracer et
mettre en quarantaine les personnes qui ont été en contact avec les victimes ».
Et de fait,
beaucoup de pays se préparent. Pascal Marichalar note que le manque de tests
« n’est pas une fatalité en Europe, comme le montre l’exemple de
l’Allemagne » : dès janvier, Berlin s’est organisé
pour pouvoir tester à grande échelle. Fin mars, le pays pouvait ainsi tester un
demi-million de personnes par semaine, ce qui joue un rôle dans le nombre
limité de morts. Georges
Kuzmanovic pointe également la nette avance de l’Espagne pour les tests Les
pays asiatiques ont également réagi vite, en testant à grande échelle, pour
identifier et isoler les personnes touchées. C’est la stratégie de la Corée du Sud qui s’appuie
sur des tests massifs et l’isolement des malades, tout comme Taiwan. Ils ont également
restreint les mouvements de personnes, le Japon interdisant début février la venue
de voyageurs passés à Hubei et Singapour toute entrée de personne passée en
Chine.
Le 25 février, la pandémie
est déclarée et le 28, l’OMS publie un rapport fruit de deux semaines passées
en Chine pour étudier la gestion de l’épidémie, en voie d’être contenue. Le
27 février, The Economist se fait
plus pressant, affirmant que « le virus arrive. Les gouvernements ont une quantité de travail énorme à
faire ».
Il recommande d’informer la
population, de ralentir la transmission de la maladie et de préparer le système
de santé à gérer l’afflux de malades. Ils rappellent le besoin d’isoler les malades et
identifier leurs contacts, de mettre en place la distanciation sociale, par la
fermeture des écoles, des lieux publics ainsi que des transports publics. Ils
pointent la nécessité de bien cibler les personnes âgées. Ils soulignent aussi l’apport
des nouvelles technologies utilisées en Asie.
Un manque
complet et coupable d’anticipation
Le contraste
avec le calendrier français est cruel. La France a attendu le 11
mars pour créer un conseil scientifique et le 24 mars pour créer un conseil
d’anticipation.
De telles instancse auraient du voir le jour au plus tard début février !
De même, nous voyons bien que les commandes de masques et de tests devaient
être passées en janvier, comme l’Allemagne, ou au plus tard début
février, moment où le risque de pandémie était clair. Le gouvernement ne donne
pas l’impression d’avoir pris au sérieux ces sujets avant mi-mars, une première commande de 250
millions de masques étant annoncée le 21, qui devient un milliard le 28, mais avec un calendrier
peu clair, à peine 2% arrivant sur mars… Idem sur les tests puisque
le cap des cinquante mille
par jour ne sera atteint que fin avril et les cent mille en juin !
Il faut aussi
rappeler que Macron a décidé de changer de ministre de la santé
mi-février ! Ensuite, la France a accepté la venue
de trois mille supporters de la Juventus à Lyon le 26 février puis refusé obstinément de
fermer nos frontières, contrairement aux autres pays ! Comme le note Pascal Marichalar, le 29
février, la majorité « détourne un
conseil des ministres exceptionnel dédié au Covid-19 pour annoncer
l’utilisation de l’article 49-3 » sur la réforme des retraites ! Pourtant,
la sortie du rapport de l’OMS la veille aurait du imposer à l’exécutif de se concentrer
sur le sujet initial, étudier le report des municipales, agir sur les commandes
de masques et de tests, lancer des initiatives pour augmenter nos capacités
d’accueil en réanimation, et mieux communiquer l’urgence de la situation auprès
des Français pour ralentir l’épidémie. Las, le 4 mars, France 2 diffuse une émission pour nous
rassurer, et le 6 mars, le président fait savoir qu’il sort et va au théâtre ! Les mesures annoncées le 12
mars étaient donc bien tardives.
Corine Lepage dénonce une
« politique d’imprévoyance
caractérisée », du fait de l’absence de commandes de masques, tests ou gels en
janvier. Elle critique également la communication du gouvernement entre le
« déni de gravité de la situation » ou les discours ubuesques
sur l’inutilité des masques et tests. Elle affirme aussi que les raisons de santé
publique ne pouvaient conduire qu’à un report des municipales, pointant les incohérences
d’un gouvernement critiquant les sorties de certains le jour où il envoyait des
millions de Français dans les bureaux de vote ! Et aujourd’hui, on constate tristement que
de nombreuses personnes ayant participé à sa tenue ont été contaminées. Dès la fin février, il
était clair que ces élections devaient être repoussées. Les maintenir était
effarant, pour ne pas dire plus.
Pas étonnant
que nous soyons 70% à ne pas
juger le gouvernement honnête et 75% à ne pas être rassurés et à penser qu’il
n’a pas pris les bonnes décisions au bon moment. L’exécutif devrait éviter
de la ramener sur sa prétendue prévoyance quand le calendrier l’accable. Car
outre le manque d’anticipation, il continue à nourrir le juste procès en arrogance
et en malhonnêteté.
Vous oubliez la stratégie du choc. Cette crise n'est pas une calamité pour tout le monde. Elle offre même des opportunités impensables il y a 3 mois comme la disparition du cash, ou le contrôle généralisé des déplacements des populations ( cf Orange ).
RépondreSupprimer@ Piedecou
RépondreSupprimerC'est juste. Cela fait partie des prochains papiers que je prépare...
Oui, c'est accablant. Le jour viendra où nos dirigeants vont payer très cher politiquement cette coupable imprévoyance qui a parfois confiné au déni de réalité. Ce que le puissant mouvement des Gilets jaunes n'a pu réaliser (mettre à terre le régime macroniste, parvenant seulement à l'ébranler), l'onde de choc dévastatrice créée par cette catastrophe sanitaire imprévue va certainement y parvenir.
RépondreSupprimerEt les clowns éructants qui interviennent ici régulièrement pour appeler à l'ouverture que coûte des frontières (alors qu'on interdit aux Français de faire plus d'un kilomètre de promenade lorsqu'ils sont confinés, sans parler de changer de région...), ou fustiger le protectionnisme au nom des "chaînes de valeurs" industrielles, où sont-ils ? On voit le prix à payer pour avoir consenti, sous prétexte d'ouverture des échanges et de "saine concurrence" internationale, un déclin de 20 % de notre emploi industriel en une décennie. Nous dépendons de fournisseurs chinois indélicats qui nous fournissent à prix d'or ou au compte-goutte des masques non-conformes ou des blouses protectrices qui se déchirent dès la sortie de l'emballage : https://twitter.com/AiphanMarcel/status/1246779009901498369
RépondreSupprimerKeynes avait déjà tout dit en 1933 sur les mérites de l'autosuffisance nationale ; sans même parler de List...
Vous titrez "Un manque complet et coupable d’anticipation", et nul ne va vous contester sur ce point.
RépondreSupprimerOn peut en effet reprocher aux milieux dirigeants d'avoir tardé à réagir et d'avoir minimisé, avec des conséquences catastrophiques.
Mais, si vous prenez un peu de recul, n'auriez-vous pas vous-même la même attitude sur d'autres sujets tout aussi, voir plus, importants ?
Voilà ce qui se passe aussi en ce moment :
https://www.causeur.fr/le-muezzin-et-les-cloches-175121
et votre minimisation permanente du sujet et de ce qui le cause, c'est à dire la politique migratoire (et vous avez à de nombreuses reprises ici minimisé les chiffres et refusé d'en discuter sérieusement et sans oeillères) n'y est pas pour rien non plus.
Il ne suffit pas de se payer de mots (le supposé modèle républicain qui permettrait magiquement de résoudre la quadrature du cercle) pour éviter les conséquences de la démographie ; pas plus que tous les plans coms de Macron ne fournissent masques ou médicaments au moment où on en à besoin.
Salutations herbayblicaines.
@ Marc-Antoine,
RépondreSupprimerLe bilan dans les EHPAD, dont je n’avais pas encore connaissance lors de l’écriture de ce billet démontre également l’horreur de la gestion de cette crise. Le papier de Médiapart sur les commandes de masques est totalement effarant. Bref, le bilan est absolument calamiteux.
@ Anonyme
C’est clair. On sous-estime également les dangers de la concentration de la production de certaines choses dans un seul pays ou par une seule entreprise. Ce sont des constructions très fragiles.
@ Anonyme 6h44
Je ne vois pas en quoi j’aurais minimisé quoique ce soit, moi qui ait parlé des dangers du communautarisme dès mes débuts comme blogueur en 2007 ou qui détaille de manière sérieuse le coût ou le poids sur les salaires des politiques migratoires.
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