La manœuvre est habile. La proposition d’un fonds de
500 milliards d’euros, financé par un emprunt commun donne la double illusion
d’une mutualisation des dettes et d’un plan fort de sortie de crise pour l’UE,
sous la classique impulsion franco-allemande. Mais le conte de fées européen, certains osant parler de
moment hamiltonien, en référence à la construction des Etats-Unis, n’est pas si rose…
Beaucoup d’euros pour pas grand chose
Bien sûr, le chiffre de 500 milliards donne l’impression
d’un « effort colossal », pour reprendre les mots de la chancelière
allemande. Mais
il faut relativiser. D’abord, le PIB de l’UE tourne autour de 15 000 milliards
d’euros. Le fonds proposé n’en représente que 3%, quand des pays mettent en un
an 10 ou 20% du PIB sur la table pour relancer leur économie. Pire, cette
enveloppe est un complément au budget 2021-27 de l’UE, pour sept longues années.
En réalité, ce fonds représente à peine 0,5% du PIB de l’UE sur la période !
Pour remettre les choses en perspective, l’Allemagne a engagé, seule,
pour 995 milliards d’euros d’aides publiques validées par Bruxelles. Sa quote-part théorique du
fonds est 135 milliards, à peine plus de 13% de son propre plan de soutien
décidé pour 2020 ! Et encore, elle en récupèrera la majeure partie. La
France, seule, a engagé 80% de son montant total en 2020, environ 400 milliards
d’aides publiques pour lutter contre la crise, en comptant les garanties
d’emprunt.
En clair, ce n’est pas ce fonds qui va rééquilibrer
les plans de soutien à l’échelle de l’UE, tant les écarts sont importants, ainsi que le soulignait
Margrethe Vestager il y a quelques jours. Entre une perspective longue (2021-2027) et le fait
qu’in fine, dans le magma des plans, il sera toujours difficile de savoir ce
qui sera véritablement venu en addition, il est probable que ce plan ne changera
pas grand chose. En effet, cet argent viendra-t-il vraiment en pure addition
des fonds initiaux. En se projetant aussi loin, n’y aura-t-il pas forcément des
effets de substitution ou d’habillage ? Cela est d’autant plus clair que les 27 ne sont pas parvenus
à s’entendre sur le budget de l’UE en février dernier, avec de nombreux pays
réclamant une baisse. En effet, on peut imaginer un budget 2021-2027 comportant
le fonds de 500 milliards, mais dont la progression serait moitié moindre du
fait de coupes ailleurs. Ce ne serait pas la première fois que les dirigeants de l’UE
réaliseraient un tel bonneteau…
En outre, in fine, les pays finiront par rembourser
ce qui a été dépensé. Bien sûr, il y aura des contributeurs nets, qui paieront
plus qu’ils ne toucheront. Si ce sera le cas pour Berlin, cela le sera aussi
pour nous. Se gargariser comme Bruno Le
Maire du financement possible de notre santé est illusoire tant il est évident que ce
nouveau fonds coûtera au final plus aux Français qu’il ne nous rapportera. Si
nous en garantissons 100 milliards, nous en toucherons sans doute 10 à 20 de
moins. Macron propose donc à nouveau de faire un chèque à l’UE, après avoir déjà dit être
prêt à augmenter notre contribution ! Plus globalement, il ne faut pas être naïf et la
crise de la zone euro nous a bien montré que les fonds déversés à un moment sont
souvent le prélude à une austérité violente : le texte mentionne déjà
qu’ils seront conditionnés à l’application « des politiques économiques saines et un programme de réformes
ambitieux »…
Ensuite, même si Berlin et Paris
proposent un emprunt commun pour financer ce fonds, nous restons loin d’une mutualisation des
dettes.
D’abord, il faut rappeler que la dette publique globale des pays de l’UE était
de l’ordre de 12 000 milliards en 2018 et qu’on peut anticiper qu’elle atteindre
rapidement 15 000 milliards, ce qui relativise la taille du fonds, moins de 4%
de l’ensemble des dettes publiques de l’UE. En outre, il ne s’agit pas d’un
partage des dettes publiques nationales pour en baisser et en mutualiser le
coût, comme le proposait
l’institut Bruegel en 2011, mais uniquement d’une mutualisation
ponctuelle pour financer un fonds de relance suite à la crise du coronavirus. En outre, les règles de
fonctionnement, tant sur les dépenses que sur le remboursement, ne sont pas
fixées, et elles devraient bien calmer toute dérive fédéraliste si l’on en croit les
premières réactions de quelques pays dits frugaux.
Et si Merkel et l’Allemagne étaient les
gagnants ?
Pour finir, il ne faut pas oublier que ce plan n’est qu’une
proposition de Berlin et Paris, qui doit encore être finalisée et validée à
l’unanimité des 27. Il y a fort à parier que si un accord parvenait à être trouvé, ce qui
impose de se mettre d’accord avec les pays contributeurs du Nord, les limites
aux engagements des différents pays seraient très claires et le partage du
gâteau serait l’occasion de dures négociations où la France n’est pas la
meilleure. Cela est d’autant plus préoccupant que le projet de budget 2021-27
de l’UE de la commission prévoyait une baisse du budget de la PAC de 14% en
février. Si
la France doit consacrer son énergie à défendre le projet de fonds de Macron,
qui nous coûtera de l’argent, nous restera-t-il le capital diplomatique pour
défendre le budget de la PAC, alors que les pays qu’il faudra convaincre
pourraient bien être ceux-là même qui seront les premiers à demander cette
baisse ?
Tout ceci permet de grandement relativiser
l’importance du geste de Merkel. Les sommes sont finalement
très limitées et les premiers mécanismes comportent déjà des verrous solides,
que les négociations à 27 ont de fortes chances de renforcer. Nous sommes très loin de la révolution fédéraliste que
certains espèrent. Et outre le fait de ne pas tant céder, la chancelière peut gagner à
ce plan. D’abord, en assurant une forme de statut quo européen en évitant une crise terminale de l’UE
avant sa fin de mandat, que la situation en Italie rend possible. Elle semble en donner
assez aux pays du Sud pour calmer des gouvernements, certes très critiques
dernièrement, mais pas fondamentalement hostiles à l’UE. Et ainsi, elle pourra probablement
conserver les avantages de l’Allemagne
dans cette construction si dysfonctionnelle, contre quelques milliards qui ne remettent
pas en cause un bilan positif pour Berlin.
Ce faisant, on pourrait même se demander si
l’Allemagne ne joue pas très finement sa carte européenne, dans un jeu
diplomatique où Merkel est le
« gentil flic » et la cour de Karlsruhe le « méchant ». Fin avril, Berlin était
enfermé dans le rôle du méchant qui abandonne les pays du Sud à leur malheur,
au point de vraiment pousser les Italiens à la rupture. En trois semaines, après la douche froide de
Karlsruhe,
le chaud de ce plan rééquilibre la position de l’Allemagne. Certes, elle ouvre
la voie à un budget européen en hausse, alors qu’il était orienté à
la baisse en début d’année, mais le coût additionnel serait limité et, en apaisant la tension sur
les marchés, elle limitera le besoin d’action de la BCE et pourrait obtenir des
contre-parties favorables à l’Allemagne. Depuis dix ans, la main de
fer de l’Allemagne profite du velours de la main de Merkel. Cet épisode pourrait en
être une nouvelle illustration…
Avec cet accord, Merkel gagne à bon compte le
maintien d’un statut-quo qui favorise
son pays
tout en redorant son image, écornée par l’opposition aux
coronabonds.
Si Macron se replace sur le centre de la scène, il faudra faire le compte de
tout ce qu’il a cédé au final, financièrement et sur la PAC notamment. Car trop
souvent, à la fin, Berlin est le gagnant des négociations, au détriment de
Paris…
Oui, j'ai l'impression que Merkel cherche à corriger l'effet Karlsruhe.
RépondreSupprimerTout ça ne change pas grand-chose, je suis d'accord, mais ça améliore l'ambiance, et ça permet à l'Italie d'émettre des obligations souveraines à des taux meilleurs :
https://www.lefigaro.fr/conjoncture/les-taux-italiens-profitent-du-plan-de-relance-franco-allemand-20200522
"Et si Merkel et l’Allemagne étaient les gagnants ?"
RépondreSupprimerDepuis Maastricht, cette Union Européenne ne fonctionne qu'au bénéfice quasi-exclusif de l'Allemagne. Il est donc logique qu'elle cherche une fois encore à sauver l'édifice communautaire en péril.
Vu de France, on a quand même l'impression qu'empêcher l'écroulement du "projet européen" devient à chaque fois un peu plus difficile ...
Une tribune intéressante d'Edouard Husson dans le Figaro :
RépondreSupprimerhttps://www.lefigaro.fr/vox/monde/le-plan-merkel-macron-avant-tout-un-episode-dans-une-querelle-entre-allemands-20200525
Êtes-vous une femme à la recherche du fruit de l'utérus, vous voulez entendre les voix des enfants dans votre maison mais vous n'avez plus pu tomber enceinte, inquiétez-vous car le Dr Ajayi vous aidera à avoir un bébé à vous, j'étais confronté situation similaire lorsqu'un homme témoigne de la façon dont le grand lanceur de sorts Dr Ajayi l'a aidé à ramener sa femme bien-aimée à la maison après 9 mois de séparation. boire pour moi que j'ai pris et en trois mois j'étais enceinte de jumeaux, je suis maintenant une fière maman. contactez le Dr Ajayi le lanceur de sorts pour toute situation de vie, c'est un homme bon. Viber ou WhatsApp: +2347084887094 ou Email: drajayi1990@gmail.com
RépondreSupprimer