samedi 13 juin 2020

Les propos racistes privés doivent-ils être poursuivis ?






Nouvelle menace sur la vie privée



Bien sûr, les forces de l’ordre se doivent d’être exemplaires, même si leur condition sociale a durement souffert depuis plus de dix ans, et si elles sont confrontées à des violences directement ciblées contre elles. Le monopole de la violence doit imposer une retenue, qui est probablement celle de l’immense majorité des forces de l’ordre en France. Malheureusement, il faut bien constater que le gouvernement a laissé faire des dérives absolument révoltantes dans la répression du mouvement des Gilets Jaunes, avec un nombre de blessures graves indignes d’un pays comme le nôtre, dans un contraste saisissant avec le passé, en 1968 ou 2005. De ce fait, une attention plus grande est portée aux comportements des forces de l’ordre, ce qui a poussé le ministre à saisir la justice pour des propos racistes tenus par des policiers sur un groupe privé Facebook rassemblant plusieurs milliers de personnes.



Bien évidement, je condamne le racisme, ayant plusieurs fois pris la plume pour dénoncer certaines déclarations. Malgré tout, au risque de ne pas être bien compris, je pense que la saisie du ministre de l’intérieur pose un vrai problème, très actuel : celui du droit et du respect de la vie privée. Bien sûr, que des membres des forces de l’ordre, qui ont le monopole de la violence légitime, tiennent des propos racistes est inquiétant et révoltant. Mais il faut remettre les choses à leur place, tant cette affaire peut provoquer des raccourcis ridicules. D’abord, les huit mille personnes du groupe Facebook ont une valeur très relative. Seules quelques centaines, ou même dizaines, pouvaient être actives. Ensuite, sur le premier groupe, certains avaient dénoncé les propos racistes d’autres membres. Combien tenaient des propos racistes, et de quelle nature, certains propos rapportés étant bien loin du délit ?



Plus globalement, ne faut-il pas distinguer le traitement du comportement public de celui du comportement privé ? Bien évidement, des propos racistes de membres des forces de l’ordre tenus en service doivent être sanctionnés, de manière raisonnable. Mais n’est-il pas profondément problématique de vouloir sanctionner des propos, même racistes, tenus de manière privée ? On pourrait peut-être poser la question du statut d’un groupe Facebook, même privé, à partir du moment où il atteint une certaine taille. Mais finalement, même dans un groupe privé de 8000 personnes, combien avaient vraiment vu ces propos ? Et s’il n’y a eu que quelques personnes exposées, cette affaire ne concerne que des propos tenus dans un cercle privé, rappelant le cas du Slip Français il y a quelques mois.



Et là, un tel raisonnement pose problème. Si de tels propos pouvaient être sanctionnés, jusqu’où serait-t-il possible d’aller judiciairement dans le futur ? Une vidéo faite par des convives, des collègues ou de la famille lors d’un repas privé dans laquelle on distingue clairement des propos racistes d’une personne pourraient-ils être eux-aussi sanctionnés ? Qu’est-ce que cela implique pour Facebook ? Cela signifie-t-il qu’ils ont une part de responsabilité ? Devraient-ils alors mettre en place des mouchards traquant les dires et les écrits de leurs utilisateurs pour repérer d’éventuels propos racistes et les effacer ou exclure l’utilisateur ? Bien sûr, je pousse le raisonnement un peu loin, mais il me semble tout de même que l’annonce du ministre de l’intérieur ouvre encore la voie à des dérives qui posent de vrais problèmes.



S’il est naturel de s’émouvoir de la tenue de propos racistes de la part des forces de l’ordre dans ces deux groupes, il me semble que cette séquence pose aussi d’autres questions. D’abord, celle du recul de la vie privée avec les plateformes numériques, où le privé peut trop facilement devenir public. Et naturellement, comment distinguer la sphère publique de la sphère privée et les devoirs qui y sont associés.

10 commentaires:

  1. Vous dites :

    "Bien sûr, après le glaçant assassinat de George Floyd, la lutte contre le racisme revient à la une."

    Sauf erreur, rien ne montre à ce stade que la mort de Floyd soit due au racisme du policier.

    De même, votre article porte sur de supposés propos racistes de policiers.
    Mais les propos cités dans les articles dont vous donnez les liens, s'ils sont grossiers et violents, ne sont pas racistes.

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    1. "Sauf erreur, rien ne montre à ce stade que la mort de Floyd soit due au racisme du policier."

      C'est pas la question. Le flic lui a compressé pendant 8 minutes le système sanguin passant par le cou. Que le gars soit assassiné de la sorte, blanc, gilet jaune ou noir, ça reste un assassinat.

      Le flic en question avait déjà fait l'objet de plaintes graves antérieures, ce mec mérite la taule.

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    2. Oui, mais ça n'est pas la question.

      Les manifestations qui ont lieu aux Etats-Unis ou en France disent que les policiers ont agi par racisme, et c'est aussi ce que dit Herblay du cas Floyd.

      Or, dans le cas Floyd il semble que rien ne permet de le dire, et dans le cas Traoré on a plutôt des éléments en sens contraire, puisque 2 des 3 gendarmes étaient antillais.

      Il est quand même remarquable que des manifestations et l'expression d'une hostilité envers la majorité, aux US et en France, aient lieu pour de fausses raisons.

      Il est aussi remarquable qu'Herblay (comme d'autres) en soit influencé dans l'ouverture de son billet.

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  2. Le problème pour les policiers mais aussi pour l'ensemble des fonctionnaires et plus peut-être pour certains comme les magistrats, les douaniers, les inspecteurs des affaires sociales (pour ne citer que ces professions), ils sont tenus par des règles déontologiques et de droit qui font que lorsqu'ils rentrent chez eux, quand ils sont en vacances, quand ils surfent sur le net ou s'inscrivent sur une réseau social même sous forme privé...ils restent des fonctionnaires et à cet égard s'ils ont le droit d'association, d'être sur tel ou tel site ils ne sont pas des citoyens comme les autres, particulièrement police, gendarmerie, douaniers, magistrats qui prêtent serment au TGI. Ils ne peuvent pas s'exprimer comme ils veulent. Les policiers, les magistrats, les gardiens de prison ou encore les militaires sont tenus par un code de déotonlogie à part des règles des autres fonctionnaires. Là au cas présent les propos sont passibles du tribunal avec des peines pouvant aller jusqu'à la prison, pour n'importe quel.le citoyen.ne. Pour les policiers,la peine peut aller plus loin avec une sanction administrative dûe à al profession exercée. Par ailleurs, même si le compte était privé, il peut être accessible, diffusable et communicable à d'autres par d'autres avec le risque de le rendre public au final. Donc dans ce cas, il y a effectivement problème.

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    1. Oui, les saltimbanques qui utilisent l'écriture inclusive ont "effectivement" un gros problème avec la liberté d'expression. Merci de le rappeler.

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  3. @ Anonyme 13 juin et 11h05

    Je n’ai jamais dit que le policier était raciste. Et sur les propos du groupe Facebook, j’ai écrit dans le papier que certains propos rapportés étant bien loin du délit…

    Bien sûr, le problème principal, c’est le meurtre d’une personne humaine. Après, aux Etats-Unis, dans un pays où les noirs sont en bonne partie les intouchables de la société, et où leur condition tend à se dégrader, il n’est pas illégitime que ce genre d’acte provoque de telles manifestations. Mais elles n’ont aucun sens en France, où la situation n’a rien à voir.

    @ Anonyme 12h19

    Je reste hostile aux sanctions pour des propos tenus en privé, car le faire revient à ouvrir la voie à une société monstrueuse.

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    1. Les noirs ne sont pas les intouchables de la société aux US.

      Les manifestations aux US sont semblables à ce qu'elles sont en France, dans la mesure où elles sont tout aussi peu justifiables dans les deux cas.

      Elles montrent la facilité avec laquelle on manipule l'opinion sur ces questions.

      Mais je comprends bien que vous tenez à tout prix à vous persuader qu'il y aurait une différence de nature dans les phénomènes entre France et US, pour vous auto-convaincre de l'existence d'une solution miracle au problème du vivre-ensemble, le "modèle républicain".

      La seule solution viable au problème du vivre-ensemble, c'est en fait le vivre-chacun-chez-soi.
      Tout ira mieux quand vous finirez par le comprendre, si la lumière finit par se faire dans votre esprit passablement embrumé.

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    2. En particulier, je ne peux que reprendre ce que j'ai déjà dit : rien ne prouve, plus généralement, qu'il y ait une violence particulière de la police américaine envers les afro-américains.

      Ils sont proportionnellement plus présents parmi les personnes tuées par la police que dans la population.
      Mais ils sont aussi plus présents, dans des proportions comparables, dans les auteurs de crimes violents, que ce soit dans les condamnations ou dans les enquêtes auprès des victimes.

      Donc, il n'y a pas de sur-violence des polices US à leur égard.

      L'accusation de racisme de la police, qui joue le rôle que vous voyez en ce moment aux US et qui a aussi conduit il y a quelques années à un tireur en série abattant 5 ou 6 policiers, ne repose en fait sur rien de concret dans les statistiques. Donc il n'est par exemple pas justifié de dire BLM.

      Ce mouvement ne repose, ici comme là-bas, que sur le ressentiment des minorités envers la majorité, et la volonté idéologique de zozos hors minorités de les appuyer plus ou moins.

      Mais ce ressentiment existe, il existe dans tous les pays ayant fait l'erreur de laisser se développer des minorités importantes, et on ne voit guère comment il disparaitrait puisqu'il se transmet comme tout sentiment de ce type via l'éducation privée ; et aussi, de plus, par le discours majoritaire, dans tous les pays d'occident.

      Vous même, en reprenant le cliché de gens qui seraient les intouchables blabla parce que cela vous arrange, vous y aidez.

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    3. "La seule solution viable au problème du vivre-ensemble, c'est en fait le vivre-chacun-chez-soi."

      Ceux qui nous disent cela aujourd'hui étaient colonialistes hier et défendaient une idée aussi absurde que l'Algérie française. En fait, ils la défendent encore aujourd'hui. Ces contradictions suffisent à discréditer leur discours.

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  4. @ Anonyme 15h29 & 16h29

    « Les noirs ne sont pas des intouchables » dites-vous : il n’y a aucun raisonnement ni même aucun fait pour ne serait-ce qu’essayer de démontrer ce que vous avancez. Contrairement à moi, qui renvoie à un article entier consacré à la question, comprenant de nombreuses sources et de nombreux faits. Mais de toutes les façons, vous ne souhaitez pas discuter. Vous vous comportez comme les indigénistes (certes pour des idées différentes).

    Les manifestations aux USA reflètent un mal-être légitime devant la dégradation de la condition noire là-bas. Elles ont de la légitimité pour qui se penche un peu sur la question. En France, les choses n’ont rien à voir.

    Votre raisonnement sur la sur-violence des polices US à l’égard des noirs est un peu court tout de même. Mais comme d’habitude, vous avez recours à une manœuvre dilatoire en inventant un argument que je n’ai pas avancé afin de le démonter. Aux USA, il y a une légitimité à la colère des noirs tant ils sont maltraités. Ce n’est pas le cas de la France.

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