Les évolutions des indices boursiers sont effarantes.
En début de semaine, le
Nasdaq effaçait son recul de début d’année pour atteindre de nouveaux plus
hauts historiques, en progression de plus de 40% par rapport au point bas de mars !
Jeudi, tous les marchés
subissaient une forte correction. Mais au global, le rebond reste fort depuis mars.
Une évolution très révélatrice.
Orchestre sur le Titanic ou fracture de la
société ?
La situation actuelle est pour le moins paradoxale.
D’une part, tous les jours ou presque, les nouvelles du front économique
deviennent de plus en plus inquiétantes, avec
un recul du PIB maintenant prévu à 11% en France pour 2020, une troisième
révision à la hausse du déficit et de la dette et des
chiffres de destruction d’emplois complètement inédits. Et de l’autre,
après un plongeon digne des pires krachs boursiers de la mi-février à la
deuxième moitié de mars, avec un recul de plus 35%, les grands indices ont
affiché une hausse de 35 à 50% depuis le point bas atteint dans la deuxième
moitié de mars, avant la correction de jeudi. De manière étonnante, ce
grand écart extravagant n’interroge pas tant que cela alors que les marchés sont
à des niveaux élevés, le
Nasdaq étant à son plus haut historique.
On peut y voir un phénomène de bulle. En effet, en
2008, quand les marchés actions se sont effondrés, les avoirs ont été
transférés sur d’autres placements rémunérateurs, et notamment les dettes
souveraines. Mais en 2020, les dettes
souveraines ne rapportent plus rien : 0% en France à dix ans, 0,1% en
Grande-Bretagne et 0,6% sur les bons du Trésor étasuniens… Pire, le bund
allemand s’affiche à -0,3%, alors qu’il était tombé à 3% début 2009 (et 2,2%
pour les bons du Trésor) ! Ce n’est pas tout de vendre, mais les
alternatives ne sont guère attrayantes pour les marchés, bien moins qu’en
2008-2009. En outre, faute de pouvoir jouer sur les taux, les banques centrales
ont dégainé plus rapidement et plus fort la création monétaire, noyant les
marchés sous les liquidités et poussant les cours à la hausse.
Cette mise en perspective et le niveau élevé des
cours en plein milieu de la pire récession économique qu’ait traversée le monde
depuis la Seconde guerre mondiale peut laisser penser que la seconde vague de
la crise pourrait bien être financière... C’est ce que peut également indiquer
le mouvement d’humeur de jeudi, avec le recul de 6,9% du Dow
Jones. Il y
a clairement une bulle et elle risque donc d’exploser, même si le contexte
financier global, taux au plancher, création monétaire des banques centrales,
et profits élevés des entreprises explique en partie cela. Et justement, ce qui
intéressant avec la
baisse de jeudi, c’est que les marchés ont réagi à l’absence de baisse des
taux de la Fed. S’il n’est pas inutile et injuste qu’une banque centrale ne
suive pas leurs attentes, l’ampleur de la réaction peut aussi indiquer que ce
n’est pas habituel et qu’ainsi, pression est mise pour que la Fed baisse les
taux…
Et plus globalement, ce que dit également ce
contraste entre les bourses et l’économie réelle, où
les soupes populaires attirent malheureusement un nombre record de personnes,
c’est la fracture de nos sociétés. Cette crise frappe plus durement les plus
faibles et les plus précaires, qui ont pu perdre leurs emplois ou une partie de
leurs revenus. Le caractère précaire des emplois de la nouvelle économie est
malheureusement devenu une dure réalité pour beaucoup. Et parallèlement,
certains secteurs ont été peu touchés, comme
l’indiquent les résultats financiers des GAFAM au premier trimestre. Enfin,
parmi ceux qui l’ont été fortement, on peut parier que les plus gros s’en
tireront mieux. Malheureusement, l’immense décalage entre les marchés et
l’économie reflète aussi une réalité de nos économies…
Cette crise démontre d’autant plus l’augmentation
des inégalités qu’elle l’accélère. Le décalage entre l’évolution des marchés
financiers, même s’ils restent perfusés à des politiques qui les favorisent,
atteint un niveau totalement extravagant. Il faut espérer que cela accélère la
prise de conscience du besoin d’un changement très profond de nos systèmes
économiques.
Mais tout ça n'a rien d'étonnant puisque ça fait maintenant des années que l'économie réelle est décorrélée des marchés financiers et on sait parfaitement pourquoi : c'est l'action des banques centrales qui détermine les marchés et non l'économie réelle.
RépondreSupprimerReste à savoir combien de temps ça peut durer, sachant que ça dure depuis déjà pas mal de temps, et que ça peut continuer encore longtemps, tant que les banques centrales alimenteront les marchés de leurs liquidités.