Le gouverneur de la Banque de France est peut-être le
haut fonctionnaire le plus révoltant du pays. Voici un homme davantage
payé que le
président, sans plus de responsabilité que celle du gouverneur d’une banque
centrale balte, qui ne cesse de défendre les politiques d’austérité dont
même le FMI s’éloigne. Mais le pire, c’est qu’il
le fait avec la faiblesse argumentative de l’ifrap.
Porte-parole superficiel et révoltant de l’oligarchie
Mais quelle valeur donner à la parole d’un Inspecteur
des Finances quand on écoute François Villeroy de Galhau ? Un tel parcours
devrait inculquer un sens de l’Etat hors du commun et le pousser à parler à
notre intelligence. Mais non, celui qui est peut-être le haut fonctionnaire le
mieux payé de France (283
000 euros brut comme gouverneur de la Banque de France ainsi que 67 700 euros
d’indemnités de logement, sans compter d’éventuels compléments liés à ses
autres postes…) oublie les deux, complètement. Comment peut-on décemment avoir
été un
des premiers à demander des politiques d’austérité tout en étant largement
rémunéré par l’Etat ? Dans une telle position, il devrait au contraire défendre
le modèle français, démonter les
éléments de langage de l’ifrap ou de l’institut Montaigne.
Mais non, comme
l’a bien souligné Sébastien Grob dans Marianne,
celui qui est sensé être un des phares de la pensée économique, reprend au
contraire les
arguments les plus basiques et mensongers de l’ifrap. Le gouverneur de la
Banque de France soutient donc que « notre
modèle public est trop coûteux : 55% de notre richesse nationale dans les
dépenses publiques contre 45% chez nos voisins européens, avec à peu près le même
modèle », d’où des impôts et des dettes plus élevées ! Pour
lui, il convient donc de « mieux
maîtriser la dépense publique (et) passer du bouclier public à la confiance
privée » et demande une
stabilité fiscale. Pas besoin d’avoir fait l’ENA pour comprendre que sans
hausse d’impôt, il faudrait alors tailler dans les dépenses, bien plus qu’avec
une stabilité en volume.
Mais cette présentation des choses est totalement
malhonnête, à deux titres. D’abord, affirmer que « 55% de notre richesse nationale se fait dans
les dépenses publiques » est complètement faux. Si encore il avait
seulement évoqué 55% du PIB, son argument n’aurait été que contestable car
biaisé par une comparaison abusive, mais au moins, il aurait été juste
factuellement. Là, il est carrément faux. En effet, l’économiste
Christophe Ramaux a évalué que la dépense privée représente 200% du PIB,
qui ne mesure que la valeur ajoutée, relativisant grandement la part de la
dépense publique dans notre économie. Pire, le gouverneur a quand même le culot
d’avancer que nos voisins européens ont « à
peu près le même modèle ». Là encore, ce haut fonctionnaire se
moque du monde en disant cela.
Comme
je l’avais pointé en 2013, les comparaisons entre niveaux de dépenses
publiques sont largement abusives, tant les périmètres sont différents. Notre
système de santé, notre système d’éducation, et notre système de retraite sont
essentiellement publics, ce qui n’est pas le cas de bien de nos voisins, qui
ont, pour beaucoup, choisi de mixer répartition et capitalisation pour les
retraites. Aussi, comparer
des niveaux de dépenses sans prendre en compte les différences de périmètres
est profondément malhonnête. Il est assez effarant d’entendre un tel
discours dans la bouche du gouverneur de la Banque de France, sensé être un minimum
informé des tenants et des aboutissants des grandes questions économiques. Mais
parce qu’il ne peut pas ignorer cela, il s’agit sans doute d’un discours
politique.
En somme, ce haut fonctionnaire, très
bien payé par tous les Français, tient le même discours que l’ifrap, le
lobby le plus grossier de l’oligarchie ! Et son discours a une logique :
celle qui préside aux politiques qui sont menées depuis trop longtemps, de
recul du service public, de privatisation du bien commun, de déconstruction des
solidarités communes. Une faute professionnelle grave à ce poste.
Qu'il regarde la dette privée dans les pays "vertueux" :
RépondreSupprimerhttps://michelsanti.fr/neoliberalisme/les-legendes-urbaines-des-deficits-europeens?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=les-legendes-urbaines-des-deficits-europeens
Ce monsieur devrait apprendre à parler portugais ou suédois (pour ne prendre que ces 2 pays en exemple) au mieux de se contenter de parler un affreux globish (qui insulte la langue de Shakespeare ou Beveridge).
RépondreSupprimer- la Suède : la Suède avait une fonction publique et plus largement un secteur public assez calqué sur ce que les pays européens ont mis en place après la seconde guerre et sans compter les apports français notamment sur le recrutement de ses agents et leur déroulé de carrière.
La Suède a commencé une réforme en profondeur et en longueur (dans le temps) de son secteur public et de sa fonction publique. Elle s'est notamment posé la question : qu'est-ce qui doit rester à l'Etat (au sens large), qu'est-ce le secteur privé peut prendre en charge, qu'est-ce qui peut allier les 2 secteurs ?
Puis, elle a réfléchi à la carrière de ses agents de l'Etat en introduisant de la flexibilité mais aussi une sécurité pour ses agents dans leur formation, leur reconversion etc...
C'est assez idéal et cela a été idéalisé par certains pays mais il y a eu quand même des bugs et pas des moindres. La Suède a semblé avoir vu le coup venir en se gardant une prérogative importante : la possibilité de renationaliser, de refonctionnariser des secetrus, des activités passés au privé ou sous double timbre (service public géré selon les codes du privé) afin de reprendre la main en cas de dysfonctionnements ou autres.
Et il y a un exemple où elle a pratiqué ainsi : la douane !
En Suède, la douane avait en très grande partie passée au secteur privé notamment les transitaires, les logisticiens voire les entreprises engagées dans le commerce internationale. C'est à dire que les procédures, le paiement des droits etc...restaient des textes, des lois notamment européennes (code des douanes de l'UE) et nationales mais au lieu que ce soit des douaniers qui délivraient ces procédures et procédaient à la collecte c'était passé à ces sociétés. Jusqu'à certains contrôles. Ainsi, plein de poste de douane dégagés...sauf que la Suède s'est aperçu qu'il y avait des dysfonctionnements sérieux voire graves qui impactaient directement les règles de la concurrence, les normes, les droits de douane et pas mal de problèmes de contrebande (en fait la contrebande c'est aussi l'importation sans déclaration de marchandises tierces). Eh bien qu'a fait la Suède ? Elle a rebasculé la quasi totalité de la douane sous le contrôle de l'Etat, avec douaniers assermentés, agents d'autres administrations agissant en concertation avec les douaniers sur certains points précis. Le secteur privé s'est vu laisser juste certaines tâches définies dans les textes communautaires.
Entendez-vous par là critique les réformes de ces pays, ou proposer de les adopter ?
SupprimerPour l'essentiel, il me semble que la volonté de réformer l'Etat en France est basée sur un mensonge, celui d'un excès de dépense de fonctionnement de l'Etat par rapport à d'autres pays.
Ce n'est pas le cas quand on regarde les faits (il y avait eu une étude d'Olivier Passet pour le conseil d'analyse stratégique sous Sarkozy, qui le montrait clairement).
Dès lors, supprimer des garde-fous (statut de fonctionnaire notamment) reviendrait uniquement à donner les mains libres à ce qu'Herblay appelle l'oligarchie, qui a déjà une énorme influence.
Tout cela pour de mauvaises raisons, puisque basé comme l'indique le billet sur une analyse mensongère de la situation...Autant dire que ce n'est pas du tout à conseiller.
- Parlons du Portugal maintenant quasi un cas d'école !
RépondreSupprimerLors de la crise des subprimes qui a touché le Portugal au début des années 2010, les gouvernements de droite qui ont été élus ont pratiqué à fond la politique d'austérité. ils ont bazardé le service public et la FP qui au Portugal étaient très calqués sur le modèle français (bon...ramenés au nombre d'habitants et aux moyens et ressources). Ces gouvernements ont taillé comme des malades dans les effectifs, ils ont eu recours aux contractuels, ils ont encore plus accentué l'emprise du privé sur certain secteur (je pense à la santé), ils ont démonté des services publics dans des villes moyennes ou plus petites qui se trouvaient en zones rurales ou reculées (je pense dans le Nord) etc...Résultats : le Portugal s'est pris ouvertement des rappels à l'ordre de...la Commission européenne car en étant à ce point austère le gouvernement avait commencé à miner les fondements de la Constitution portugaise, ses institutions et ses fonctions régaliennes.
Le retour de la la gauche au pouvoir a freiné cette austérité, on est revenu pour pas mal de secteurs à une fonction publique avec recrutement par concours, agents assermentés etc...et contractuels sélectionnés sur leurs compétences et diplômes (j'ai une cousine dans ce cas). Et ça va mieux. Sauf qu'aujourd'hui le Portugal doit régler la question des contractuels embauchés n'importe comment au détriment de fonctionnaires (je pense à leur éducation nationale) qui sont allés devant l'Europe pour réclamer...le maintien de leur contrat ! Et l'Europe est bien em**** mais leur a donné raison aux contractuels !
Sylvie
Si vous voulez éviter de laisser les mains libres à ces gens, vous devriez travailler à rendre possible une ou plusieurs alternatives politiques.
RépondreSupprimerJe ne vois pas comment cela serait possible sans cesser de diaboliser 20% des électeurs, qui sont attachés à la souveraineté et à l'histoire de la France.
Les gens que vous appelez l'oligarchie doivent bien se marrer, à vous regarder défendre (au bout du compte) l'immigration de masse, qui ne les dérange bien sûr pas du tout.
Un accord trouvé :
Supprimerhttps://www.valeursactuelles.com/economie/coronavirus-les-pays-de-lue-saccordent-sur-un-plan-de-relance-apres-cinq-jours-de-negociations-121887
un clic de plus dans l'engrenage.
Fallait pas le laisser passer en 2017...