L’impression qui a dominé après le débat pour beaucoup était celle d’un pugilat qui n’apporterait pas grand chose tant les partisans des deux camps semblent figer dans leurs positions. Mais après avoir vu l’intégralité du débat, en essayant d’éviter tout biais dans mon jugement, et après mûre réflexion, grandit l’impression que Donald Trump a peut-être été meilleur que Joe Biden.
Président incorrect contre professionnel bien pensant
De manière très paradoxale pour un candidat sortant, Trump pourrait être resté le candidat de l’insurrection face aux élites politiques incarnées par Biden, et ses 47 années de mandats, souvent évoquées par le président sortant. Plusieurs fois, Trump l’a interpellé, assez habilement, en lui demandant pourquoi il n’avait pas fait ce qu’il propose aujourd’hui quand il était au pouvoir. En effet, si Trump est le sortant, un candidat comme Biden est dans une position délicate pour faire de nouvelles propositions. En outre, les grands sourires qu’opposait Biden aux déclarations intempestives du président pourraient donner l’impression qu’il le prend de haut, rejouant la partition de l’opposition un peu suffisante des élites en 2016 contre Trump, avec le succès que l’on sait… Et si ce dernier en profitait ?
En outre, Biden, très préparé et concentré sur ses notes, avait des discours très construits dits face caméra, souvent sans regarder le président sortant. Il était beaucoup plus théorique, évoquant de grands principes, très politiquement corrects. A l’opposé, Trump regardait son adversaire, et échangeait davantage, même s’il le coupait trop. Il avait un discours beaucoup plus pragmatique, affirmant que lui et les Républicains ont été élus pour 4 ans et non 3, et ont donc parfaitement le droit de nommer un juge à la Cour Suprême, Sur la fin du débat, l’énergie était côté Trump, qui semblait moins âgé que Biden, qui a fini par bafouiller. Etonnament, Trump répondait bien plus directement aux questions, même si la véracité de ses réponses est évidement soumise à question, alors que Biden a souvent refusé de lui répondre précisément, comme à l’animateur, préférant développer sur des questions de principes.
Sur le fond, quelques sujets ont été survolés. Sur l’Obamacare, Trump a pu attaquer le coût exorbitant du système pour ceux qui y ont recours, évoquant ses négociations avec Big Pharma, ce qui pourrait marquer des points dans les classes populaires. Sur la crise sanitaire, deux lignes se sont clairement dessinées, avec un Biden plus prudent et un Trump partisan du déconfinement, sa contamination étant somme toute logique. La ligne Trump pourrait convaincre davantage ceux qui ont besoin de travailler pour vivre, ses attaques sur le fait que Biden serait plus prompt à reconfiner pouvant marquer des points. Le discours de Biden sur le caractère inégal de la crise, s’il est juste et s’il propose quelques mesures (remise en cause des baisses d’impôt Trump et des niches fiscales qui permettent au président de payer moins d’impôts), butait sur son passif au pouvoir, comme l’a noté son adversaire…
Trump a fait évoluer son discours sur l’environnement, reconnaissant une part de responsabilité à l’action des hommes, et évoquant sa volonté d’offrir un air pu à ses concitoyens. Assez habile, il s’en est pris à la gestion des forêts en citant en exemple ce que fait l’Europe et a noté que les lois Obama avaient provoqué une forte augmentation du prix de l’énergie, ce qui l’avait poussé à les démanteler. Biden a attaqué Trump sur son bilan économique, en soulignant qu’il laisserait moins d’emplois au pays qu’il n’en avait trouvé et que le déficit avec la Chine avait augmenté. Trump a répliqué en soulignant que 10 millions d’emplois avaient été créés depuis le point bas du printemps. Biden a souligné que son pays a subi 20% des pertes de l’épidémie pour moins de 5% de la population mondiale, ce à quoi Trump lui a répliqué que les chiffres officiels russes et chinois n’étaient probablement pas totalement justes.
Au global, ce débat m’est apparu comme un débat entre le représentant des élites, Biden, très politiquement correct, plus construit jusqu’à être trop théorique, contre celui d’un pays en colère contre ces élites dans leur bulle, qui oublient la vraie vie, le coût d’Obamacare, le besoin de reprendre une activité ou le besoin de sécurité. En cela, Trump me semble clairement rejouer la partition de 2016, bien qu’il soit le sortant, plus pragmatique, sécuritaire et incorrect. Ce faisant, ne fait-il pas encore de ses faiblesses des forces face à un Biden qui ne propose pas grand chose à part de ne pas être Trump, même si ce n’est pas rien ?
Ce débat ne date que de quelques jours, mais il est déjà totalement dépassé. Tout tourne maintenant autour de la maladie de Trump et de son évolution dans les jours qui viennent. S'il s'en sort, il est possible que cette maladie le renforce comme ce fut le cas de Boris Johnson.
RépondreSupprimerAvec sa sortie d'hospitalisation, le scénario est idéal pour lui.
RépondreSupprimerVous êtes sûr ?
SupprimerAvec 57% d'intentions de vote, Joe Biden compte désormais 16 points d'avance sur le milliardaire républicain (41%), selon ce sondage.
https://www.lefigaro.fr/flash-actu/etats-unis-biden-accentue-son-avance-sur-trump-a-un-mois-de-la-presidentielle-20201006
Absolument sûr de rien, c'est clair. Les sondages semblent indiquer une sévère défaite, mais il semble que les sondages dans les états clés sont encore serrés, ce qui voudrait dire que le jeu pourrait encore être ouvert.
SupprimerEt plus globalement, je pense que l'histoire qu'il peut raconter suite à cette hospitalisation peut avoir du sens, cf le très bon papier de Laure Mandeville dans le FigaroVox :
https://www.lefigaro.fr/vox/monde/meme-le-covid-19-ne-peut-pas-changer-donald-trump-20201005
Si Trump n'avait pas été aussi fantasque, aurait il réussit a être Président, a se maintenir malgré les attaques? Je ne pense pas!
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