Cette semaine, la nouvelle est tombée : le patron du CAC40 le plus visible et militant sur l’engagement sociétal de son entreprise a fini par être démis de son poste de président par son conseil d’administration, après avoir déjà perdu la direction générale quelques semaines plus tôt. Que penser de cet événement, qui ne va pas contribuer à améliorer l’image du système économique actuel ?
Qu’est-ce qui a été limogé avec Faber ?
Les résultats du groupe apportent de l’eau au moulin de cette interprétation. En effet, jusqu’en 2019, Danone a plutôt affiché de bons résultats, cumulant une croissance légèrement supérieure à la moyenne, une marge opérationnelle passée de 12,6 à 15,2% de 2014 à 2019, et des dividendes en croissance de 23,5% en 3 ans. En revanche, les résultats de l’année 2020 ont déçus, Danone souffrant par rapport aux autres entreprises de grande consommation, pénalisée par son exposition à la fermeture des bars et restaurants, où il réalise une part importante, et très rentable, de son chiffre d’affaire dans l’eau minérale. Mais ce faisant, la performance sur cette année semble expliquable et même légitime. Faber n’est pas responsable de la crise sanitaire qui a fait légèrement trébucher son groupe.
Le recul de 15 à 14% de la marge opérationnelle et la baisse très limitée du CA peuvent donner l’impression d’une réaction inconsidérée et excessive d’actionnaires incapables de prendre du recul sur les résultats de l’entreprise par rapport aux autres groupes comparables, moins exposés à la fermeture des bars et des restaurants en 2020. Néanmoins, il faut aussi noter que certains choix de Faber semblaient contestés, que ce soit ses réorganisations, ou certains de ses achats d’actifs. Si vouloir relocaliser Danone est clairement le bon choix, vouloir le faire avec une réduction de 20% des frais de structure peut aussi sembler contradictoire : si globaliser fait faire des économies d’échelle, alors déglobaliser devrait logiquement en faire perdre, les fonds s’étant même opposés à cette réorganisation.
Plus globalement, de ce qui transparaît, on peut se demander aussi s’il ne s’agissait pas plus simplement d’une lutte de pouvoir entre des actionnaires activistes désireux de pouvoir imposer leur volonté quand ils le souhaitent, et un patron qui ne voulait pas être leur simple exécutant, d’autant plus qu’il ne les avait pas mal servis dans le passé. Entre une conjoncture difficile, et sa trop grande indépendance, le sort de Faber était probablement scellé. Caprice d’actionnaires despotiques à courte vue, ou vraie divergence stratégique pas injustifiée ? PDG charismatique représentant un monde des affaires plus humain ou chef à la direction imparfaite ? Il est difficile de trancher définitivement la question sur la base de coupures de presse ou de simples rapports annuels et communiqués de l’entreprise.
Mais aujourd’hui, il me semble tout de même que cet épisode témoigne encore une fois de la prise de pouvoir des actionnaires activistes au sein des grands groupes. Quand un patron leur résiste, ils le font renvoyer. Ne rappellent-ils pas ici qui est le véritable patron ? Un état de fait d’autant plus inquiétant qu’ils ne se soucient que d’une seule chose, à mille lieues de la raison sociale adoptée par le Danone de Faber : extraire toujours plus d’argent des entreprises dont ils ont des parts.
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