Entretien donné à Front Populaire
Nous avons commémoré hier le 51ème anniversaire de la mort du général de Gaulle. De nombreuses personnalités politiques ont tenu à marquer leur filiation avec le fondateur de la Cinquième république. Une récupération qui ne trompe pas Laurent Herblay, qui tient le blog gaulliste libre depuis 2007 et auteur de l’essai « Le néolibéralisme est un oligarchisme ».
Front Populaire : De nombreuses personnalités politiques se sont rendues à Colombey cette année. Quelle place accorder à ce genre de procession en année électorale, entre hommage réel, folklore, théâtre et récupération ?
Laurent Herblay : Cette année marque probablement le summum des tentatives de récupération les plus grossières et extravagantes. Nous avons assisté aujourd’hui à un bal tragique des imposteurs du gaullisme, qui a rassemblé la fine fleur de l’anti-gaullisme : extrême-droite, socialisme et centrisme. Entendre Marine Le Pen à Bayeux sous-entendre que son mouvement est le plus proche des idées du Général de Gaulle est extravagant. Sans s’arrêter uniquement au fait qu’en 1965, le candidat de son père avait appelé à voter Mitterrand au second tour, en dehors de ces dates anniversaires, le RN verse encore dans l’antigaullisme primaire. On peut rappeler ici le passif de Louis Alliot, qui a publié sur son site un hommage à celui qui avait tenté d’assassiner le Général. Et il y a encore quelques années, Marine Le Pen avait carrément pris la plume pour rassurer certains de ses soutiens, émus de la présence de Florian Philippot à Colombey, sur le fait que le FN n’était pas gaulilste. Et si Anne Hidalgo honore sa mémoire comme maire de Paris, exploiter nationalement cette date est ridicule de la part de celle qui porte les couleurs du parti de François Mitterrand. Enfin, même s’il est chef du gouvernement, Jean Castex aurait pu se faire plus discret alors qu’il gouverne au nom d’un centre qui a le plus souvent combattu le Général sous la Cinquième République.
FP : Parmi les personnalités politiques sur place, il y avait tout le bataillon LR (Barnier, Bertrand, Ciotti, Juvin, Pécresse). Ce parti est-il encore, comme il le prétend, le dépositaire de l’héritage gaullien ?
LH : Bien sûr, en tant que descendant direct, certes très lointain, des mouvements gaullistes, LR prétend pouvoir être dépositaire de l’héritage gaulliste. Mais la décennie au pouvoir de 2002 à 2012 a été marquée par trop de renoncements et de trahisons fondamentales du gaullisme. Il est impossible de se prétendre gaulliste quand on s’est assis sur le vote des Français du référendum de 2005 pour ratifier sa copie conforme trois ans après, sans référendum. Comment se prétendre gaulliste quand on a opéré un rapprochement avec une OTAN devenue totalement anachronique, que même le contexte de la Guerre Froide ne suffisait pas à rendre acceptable au Général ? Comment se prétendre gaulliste quand on a laissé tant de belles entreprises françaises se faire racheter, puis dépecer, comme Arcelor ou Péchiney ? Enfin, comment se prétendre gaulliste quand on se fait si thatchérien sur l’économie, abîmant notre pays pour tenter vainement de l’adapter à la globalisation ?
FP : À gauche (Montebourg, Hidalgo) comme à droite, l’événement a été utilisé comme une arme anti-Zemmour, lequel ne s’est d’ailleurs pas rendu sur place. Comprenez-vous cette guerre d’héritage ?
LH : En choisissant de ne pas se déplacer, Zemmour a été le plus malin. Ainsi, il évite la récupération grossière de ses adversaires et se donne de facto le beau rôle. Il est totalement ridicule de voir des politiciens qui ont tant trahi l’héritage du Général vouloir utiliser son souvenir contre Zemmour, malgré ses propos sur Vichy et Pétain, car lui n’y était pas. Ils auraient mieux fait de ne rien dire, y compris sur Zemmour, car les procès en gaullisme venus d’eux n’ont strictement aucune crédibilité.
FP : Voyez-vous un candidat gaulliste parmi les prétendants à la magistrature suprême ?
LH : Deux candidats me semblent s’inscrire largement dans l’héritage gaulliste dans la plupart de ses dimensions : Georges Kuzmanovic et Florian Philippot. Les deux défendent un renouveau démocratique, une France indépendante et forte, et une vraie justice sociale. Florian Philippot se faisait beaucoup d’ennemis au FN quand il allait à Colombey et qu’il en faisait encore partie. Et Georges Kuzmanovic a placé sa candidature sous le double signe du Général et de Jaurès. Nicolas Dupont-Aignan a pour lui une fidélité exprimée depuis longtemps au Général, mais son évolution des cinq dernières années me semble l’en avoir éloigné de l’esprit, auquel Philippot et Kuzmanovic me semblent plus fidèles.
D'accord avec vous sur Philippot et Kuzmanovic. Ne devraient-ils pas s'entendre pour présenter une candidature unique?
RépondreSupprimer« Entendre Marine Le Pen à Bayeux sous-entendre que son mouvement est le plus proche des idées du Général de Gaulle est extravagant. »
RépondreSupprimerJe ne trouve pas que ce soit si extravagant que ça et je dirais même que ce n'est pas très éloigné de la vérité. Le dernier parti politique qui s'inscrivait dans la filiation gaulliste est le RPR qui s'est dissous dans l'UMP. Le pauvre Jacques Chirac aura été au gaullisme ce que Brejnev a été au communisme : un syndic de faillite. Quant à ces pitoyables LR, il est clair qu'ils n'ont plus grand chose à voir avec le gaullisme historique.
Par ailleurs, à propos de Marine Le Pen, il est un peu ridicule de rappeler qu'il y a 56 ans (!), le "candidat de son père" a appelé à voter pour François Mitterrand (ce que J-M. Le Pen a désapprouvé). Pourquoi pas aussi le candidat de son grand-père ? Faut-il rappeler que Marine Le Pen a exclu son père du Front National ?
@ Antoine
RépondreSupprimerLe chemin est long.
@ Marc-Antoine,
Ce que je rappelle surtout (et je mets le lien vers une source), c'est que MLP précisait que son parti n'était pas gaulliste il y a quelques années pour rassurer ceux de ses militants qui étaient anti-gaullistes. Et elle le faisait par écrit.
C'est une présentation biaisée. La lettre de MLP (datée de janvier 2014) s'adressait aux pieds-noirs qui représentent la composante la plus anti-gaulliste de son électorat (à cause de l'abandon de l'Algérie française). À l'époque, MLP écrivait : « je ne pense pas que le FN soit un parti gaulliste au sens d’une adhésion totale à la politique menée par le général de Gaulle durant sa présidence de 1958 à 1969, date de son échec au référendum. » Au sein de la droite nationaliste, la manière dont De Gaullle a réglé la question algérienne reste une pomme de discorde.
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