A première vue, l’idée peut sembler saugrenue, tant la percée de Zemmour a accentué l’avance de Macron au premier tour, et tant il a semblé affaiblir Marine Le Pen, qui a perdu son statut d’opposante inéluctable du président sortant. Mais bien plus que par l’incertitude sur la composition du second tour, par l’effet qu’il a eu sur les thématiques de campagnes, Zemmour affaiblit Macron.
Macron prend-il le chemin de Jospin ?
Et si la campagne de 2022 prenait des airs de celle de 2002 ? Alors, après cinq années au pouvoir, un homme trop sûr de lui, sous-estimant ses adversaires, pensant être dans le camp du bien, soutenu par bien des média, et appliquant à la lettre l’agenda oligarchiste d’une UE sous influence anglo-saxonne, avait perdu une campagne gagnée d’avance. Il était notamment tombé sur la question sécuritaire, et l’opposition du vote populaire à sa personne. Bien sûr, la situation n’est pas la même : Macron n’a pas une majorité désunie qui va présenter plusieurs candidats contre lui, il peut sembler avoir relativement bien traversé la crise sanitaire, et l’opposition qui lui fait face peut ne pas sembler représenter un vrai danger pour lui. Mais justement, parce que tout a été trop facile pour lui jusqu’à présent, 2022 est un piège.
Le premier piège, c’est une popularité finalement faible. Qu’il soit au-dessus de Sarkozy et Hollande au même stade n’est pas suffisant : le premier a été défait par le second sans enthousiasme, et ce second est devenu si impopulaire qu’il a été le premier président sortant à ne pas se représenter. De meilleurs sondages ne sont que modérément rassurants, d’autant plus que six français sur dix au moins continuent à exprimer un fort rejet de la personne et de sa politique, dont une moitié extrêmemement hostile. A contrario, les enthousiastes ne sont pas très nombreux, comme l’ont montré les élections municipales, puis régionales. Macron est dans la position paradoxale et dangereuse d’un sortant impopulaire pourtant favori par défaut, malgré le fort rejet qu’il suscite. Qui plus est, son avance devient mince au second tour.
Pire pour lui, la dynamique de la campagne place les sujets migratoires et sécuritaires en haut des préoccupations des Français. Il est assez incroyable d’entendre les candidats à la candidature LR faire un concours de propositions pour restreindre les flux migratoires, allant jusqu’à remettre en cause les règles de l’UE, pour 4 des 5 prétendants. Par delà le manque de cohérence avec le bilan 2002-2012, ils tiennent des propos que Marine Le Pen n’ose souvent plus tenir. Et si l’on en croit les sondages, le bloc à droite de Macron réunit près de 50% des sondés aujourd’hui. Et ce bloc est d’autant plus dangereux pour le président sortant qu’il est proche idéologiquement : maintien dans l’UE, à quelques règles près, oligarchiste économiquement et très clairement à droite sur l’immigration et la sécurité.
Et ces sujets sont de gros points faibles dans le bilan de Macron, qui, s’il utilise Darmanin pour tenter de se couvrir et essaie de durcir son discours, il reste clairement moins à droite que ce bloc, et que la population française plus globalement. Si ce sujet devient le facteur clé de l’élection, alors Macron pourrait bien être mis en minorité, qu’il affronte un candidat LR, Zemmour ou Marine Le Pen au second tour, car il apparaîtra toujours trop mou et faible sur ces questions. L’indistinction grandissante du groupe LR-Zemmour-Le Pen sur ces sujets est très dangereuse pour Macron car on peut penser que cela favorisera les reports, quel que soit le finaliste qui affronterait Macron au second tour. Les différences sont devenues très ténues sur ces sujets aujourd’hui, comme l’ont montré les débats de la primaire LR.
Bien sûr, officiellement, Macron est présenté vainqueur de Zemmour ou Le Pen, mais la marge est devenue très faible, et aussi négligeable que largement rattrapable alors qu’il reste cinq mois de campagnes. La question migratoire s’impose d’autant plus facilement que l’actualité charrie son lot d’informations suffisantes pour inquiéter, à juste titre, les Français, entre la frontière biélorusse ou les innombrables reportages sur les migrants qui traversent la Manche. Le bilan chiffré de la majorité est accablant sur la question. Bien sûr, la macronie espère probablement un bon report des voix qui se seront portés sur la gauche au second tour, mais la teneur de ce quinquennat, oligarchiste, autoritaire, amateur et prétentieux ne permettra qu’un report partiel de ces voix, même face à un adversaire très à droite.
Plus globalement, il faut se souvenir que les prévisions faites cinq mois avant le second tour ont une valeur très limitée tant elles sont généralement infirmées par la réalité. Voilà pourquoi Macron devrait se méfier, Et s’il ne le fait pas, ce qui est plus que possible, la surprise sera violente, le 24 avril, et pourquoi pas dès le 10, ce qui pourrait bien réjouir une majorité des Français…
Vous dites que l'écart au second tour entre Macron et un autre candidat est faible, or le rapport Macron/MLP est d'environ 55-45, et il est plus important face à Zemmour. Quant à LR, je doute fort que son candidat puisse passer le cap du premier tour. Le mieux placé est Bertrand, mais il est tellement nul [j'ai un peu regardé le débat hier soir] qu'il n'a que très peu de chances de convaincre les électeurs au-delà des 13% qui lui sont attribués dans les sondages, un chiffre qui ne décolle pas depuis des mois.
RépondreSupprimerAlors certes, avec un rapport de 55-45% avec MLP, l'écart est bien plus faible qu'en 2017. Mais MLP est elle-même tellement nulle qu'elle risque fort de ne pas être à la hauteur lors du débat du second tour, comme ce fut le cas en 2017. Sans compter qu'elle aura contre elle tous les médias qui s'efforceront de la torpiller.
Vous avez raison sur un point : l'importance des sujets régaliens dans la campagne comme en 2002, mais pour le reste, la situation politique est très différente, et Macron n'est pas Jospin. Plus à droite, il peut plus facilement prendre en compte ces thématiques que le PS qui a toujours été dans le déni.
@ Moi
RépondreSupprimer55/45, c'est le maximum. C'est descendu à 52/48 à un moment. Et tout cela était avant la focalisation sur les sujets migratoires et sécuritaires, où Macron est particulièrement faible. En outre, cinq mois de campagne, c'est long : à combien était Jospin à ce stade ? Je crois depuis quelques temps que MLP peut battre Macron si c'est la configuration du second tour, pour les raisons que j'avance. Vous oubliez qu'en 2017, l'écart était de plus de 30 points. Maintenant, l'écart varie entre 4 et 10 points, soit 2/3 à plus de 85% du chemin fait. Le 24 avril 2022 peut être le 21 avril 2002...
En effet, elle est mauvaise (je le dis depuis toujours), mais Macron est loin d'être bon, et l'opposition de la majorité des médias peut la servir, cf Trump aux USA. Après, d'accord pour dire qu'elle peut aussi tout perdre par sa nullité et sa paresse dans la dernière ligne droite.
Macron a déjà perdu sur ces thématiques. C'est trop tard pour se droitiser : il ne rattrapera pas grand monde et risque d'en perdre au moins autant...
@LH:
RépondreSupprimer>Macron est loin d'être bon, et l'opposition de la majorité des médias peut la servir, cf Trump aux USA.
Vous semblez oublier le système des grands électeurs donnant un poids disproportionné par rapport à leur population à des fiefs républicains. Système qui a permis à Bush fils de gagner en étant minoritaire en voix. En plus je me demande si Zemmour (qui semble marquer le pas) n'est pas un idiot utile du macronisme. En poussant les candidats LR sur la Droite, il risque indirectement d'atténuer les réticences de la Gauche à voter Macron si l'adversaire est LR. Quant à MLP, les électeurs du Gauche feront quoi qu'ils disent ce qu'ils ont toujours fait: le barrage au FN au service du système. Il n'y a qu'à voir la diabolisation subie par Montebourg. De plus, vous oubliez que contrairement à Hollande et Sarkozy Macron bénéficie de la transition de pouvoir à Berlin: il a obtenu une latitude sur les 3% que les 2 autres n'ont pas obtenue d'une Merkel visant la réélection. Et du coup Macron peut un peu "arroser" les jeunes d'argent public.
Jospin? C'est pas comparable. Oui il y au eu le régalien mais aussi... 1) l'incapacité à offrir des postes au MRG pour éviter la candidature Taubira. 2) le focus sur les classes moyennes et la négligence de classes populaires/travailleurs pauvres qui attendaient autre chose que les 35 heures. 3) la négligence vis-à-vis des délocalisations alors en cours. 4) le caractère méprisant de la phrase "l'Etat ne peut pas tout" accompagnée d'un proposition utopique de régulations au niveau mondial car soi disant ce n'était plus possible au niveau national. 5) le "mon projet n'est pas socialiste". 6) la hausse du coût de la vie ayant accompagné le passage à l'Euro. De plus, Jospin s'est ensuite ridiculisé en tentant de revenir comme candidat en 2007 après s'être retiré de la vie politique. Et il n'a jamais fait preuve d'autocritique.
JZ
@ JZ
RépondreSupprimerIl est juste que Trump a largement perdu le vote populaire, mais il faut aussi dire que ce n’est pas ce qu’il recherchait, puisque cela n’est pas déterminant. Je pense au contraire que Zemmour affaiblit Macron. Son discours très droitier recentre Marine Le Pen, qui apparaît en contraste modérée, d’autant plus que les candidats LR se sont droitisés. Aujourd’hui, MLP n’a pas plus à droite que LR sur l’immigration et la sécurité, et Zemmour est le plus à droite. Et si la gauche appelera sans doute à voter Macron, je ne suis pas si sûr que la gauche radicale, en comptant LFI dedans, le fasse si clairement, cf 2017, d’autant plus que MLP tient un discours relativement modéré.
D’ailleurs un récent sondage indique que MLP ne suscite le rejet que de 49% des Français, sensiblement moins que Zemmour. Cela peut être suffisant pour gagner en 2022 face à un Macron que la campagne pourrait bien abîmer : n’oubliant pas que les sortants sont souvent lessivés dans la dernière partie de la campagne.
https://fr.news.yahoo.com/sondage-marine-pen-%C3%A9crase-eric-040001896.html
La description de Jospin correspond beaucoup à Macron. 1, Il a échoué à tuer le PS et LR, n’a pas fait bouger les lignes fortement, il aura donc des concurrents sur son créneau de la continuité, alors même que les Français ne sont pas convaincus par cette continuité. 2, Il néglige lui aussi les classes populaires et moyennes, qui vont souffrir de la hausse du prix de l’essence. 3, Il incarne les délocalisations (Alstom, Alcatel, Technip, Whirlpool avec son aveu tout jospiniste…) 4, en matière de mépris et de laisser-faire, il dépasse Jospin. 5, son projet, start up nation, globalisation, compétitivité, est repoussant. 6, lui aussi affronte un pic d’inflation.
Enfin, je vous invite à écouter l’interview de MLP sur France Inter ce matin. Bien sûr, elle se prend les pieds sur sa mesure d’exonération d’IR des moins de 30 ans, mais sur le reste, en se posant en défenseur de la liberté, du libre-choix, de la confiance face à un Macron autoritaire et menteur, même les journalilstes de FI étaient à court d’arguments. La posture qu’elle prend me semble assez redoutable, et pour une fois, elle la tient plutôt bien.
https://www.youtube.com/watch?v=kYBC1_OGeZg
Comment pouvez-vous dire que Macron a échoué à "tuer" le PS et LR alors que Xavier Bertrand est à 13% et Anne Hidalgo à 5% ? Il est bien évident que ces deux partis n'allaient disparaître complètement, mais l'érosion continue à grande vitesse. Le PS risque d'être au-dessous de la barre des 5%, ce qui va accélérer son déclin.
RépondreSupprimerZemmour, de Gaulle, Pétain...
RépondreSupprimerhttps://pbs.twimg.com/media/FE-XoFRWQAMx_Bl?format=jpg&name=small
@ Moi
RépondreSupprimerQuand on est mort, on ne présente pas de candidat. Mon point faisait référence à la capacité de nuisance des partis dont est issu le macronisme : le PS et LR, qui existent toujours. La pensée oligarchiste restera divisée au premier tour, comme la majorité plurielle de 2002.
"Quand on est mort, on ne présente pas de candidat."
SupprimerLe PCF est mort depuis 30 ans et il présente un candidat. Le pouvoir de nuisance n'est plus le même lorsqu'on fait moins de 5 %...
Un candidat à moins de 5% (Taubira), a sans doute suffi pour éliminer Jospin du second tour en 2002
Supprimer« Un candidat à moins de 5% (Taubira), a sans doute suffi pour éliminer Jospin du second tour en 2002 »
SupprimerCertes, et même un candidat qui fait 0,5% peut avoir une incidence sur une élection... Mais c'est un autre sujet. Je réagissais à votre phrase : « Il (Macron) a échoué à tuer le PS et LR », pour moi il n'a pas échoué, c'est juste qu'en politique, un parti même mort politiquement, peut encore présenter un candidat. C'est ce que fait le PCF depuis des décennies. Je ne crois pas que Macron ait pu espérer faire disparaître complètement le PS et LR, son but est de les remplacer et il a réussi.
Mais le PCF n'est pas complètement mort, il est juste moribond. Je crois juste que nous avons chacun une définition différente du terme "mort" appliqué à un parti politique. J'ai une interprétation très littérale, où "mort" signifie disparition, alors que vous avez une définition de la mort moins littérale. En fait, nous sommes d'accord sur le sens, mais nous n'employons pas les mêmes mots
Supprimer« Et si la campagne de 2022 prenait des airs de celle de 2002 ? Alors, après cinq années au pouvoir, un homme trop sûr de lui, sous-estimant ses adversaires, pensant être dans le camp du bien, soutenu par bien des média, et appliquant à la lettre l’agenda oligarchiste d’une UE sous influence anglo-saxonne, avait perdu une campagne gagnée d’avance. »
RépondreSupprimerJe suis très surpris par cette comparaison avec 2002. selon moi, la campagne de 2022 n'a rien à voir avec celle de 2002. De plus, vous sous-entendez qu'à l'époque Jospin aurait perdu une élection gagnée d'avance ce qui est loin d'être le cas, d'autant plus qu'il affrontait le président sortant, vieillissant mais encore assez populaire, et qu'il a sérieusement souffert de la concurrence créee par la candidature de Chevènement. Je ne vois pas, dans cette élection, qui pourrait jouer le rôle d'un Chevènement qui viendrait torpiller la candidature de Macron.
Bien sûr, tout n'est pas pareil. Ce sont les points que je souligne qui me rappellent 2002. Et d'une certaine manière, Pécresse ou Bertrand ou Barnier pourraient jouer le rôle de Chevènement, en mordant sur l'électorat de Macron...
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