La semaine dernière a permis une clarification du paysage politique en vue de l’élection présidentielle, entre l’annonce officielle et attendue de la candidature d’Eric Zemmour et la victoire de Valérie Pécresse lors des élections primaires de LR. Deux éléments qui viennent singulièrement compliquer la réélection d’Emmanuel Macron, qui est probablement le grand perdant de la séquence.
Un profond rejet des favoris
Il faut dire que le président des Hauts de France s’est comporté d’une manière effarante pendant toute cette année, mélange d’arrogance, d’égo ultra-boursouflé, et d’éléments de langage encore plus ahurissants que ceux utilisés par Jean-François Copé au sommet de sa langue de bois. Il a clairement présumé de ses forces, comme les résultats des élections régionales le montraient, lui qui a davantage perdu de voix que Valérie Pécresse. Et dire qu’il était le mieux placé pour battre Macron et qu’il le battrait, alors même que Zemmour lui dispute la troisième place dans les sondages n’était pas un bon argument. Faire mieux que Pécresse à cinq mois du scrutin n’a pas une grande valeur prédictive pour le jour J, comme le savent les Français, et paraître si sûr de lui tout en étant si loin du second tour fait très arrogant.
En somme, sa défaite est bien méritée. De manière amusante, les médias s’étaient enflammés un moment pour Michel Barnier, qui aurait été le favori des militants, avant que la bulle du vieux technocrate européen ne se dégonfle lors des débats. En somme, les militants LR ont préféré les deux outsiders, Pécresse et Ciotti, ce dernier réalisant des scores que personne n’anticipait au début, avec près de 40% des voix au second tour. Les militants LR ont finalement préféré de relatifs outsiders, même s’il faut souligner que sur le fond, les différences sont essentiellement cosmétiques, tous ces candidats acceptant le cadre de l’UE, et proposant une amplification des politiques oligarchistes qui ont fait tant de mal à notre pays. Le score du second tour révèle néamoins une nette progression de l’aile droite de LR.
Mais ce résultat est très dangereux pour Macron : Valérie Pécresse est probablement la candidate la plus proche du président sortant, au point d’être longtemps apparue comme une possible ralliée. Mais ainsi, elle chasse sur les les mêmes terres électorales, quand Ciotti aurait permis à Macron de récupérer les modérés de LR. Et si elle a penché à droite sur les questions de sécurité et d’immigration, malgré la crédibilité questionnable de LR sur le sujet après Sarkozy, c’est un sujet sur lequel elle peut mettre Macron en difficulté, tant son bilan est mauvais. Macron a probablement une proportion trop faible de forts soutiens pour ne pas être à risque de voir fuir la partie de ses soutiens modérés préoccupés par les questions sécuritaires, ou souhaitant aller plus à droite encore économiquement.
Et cela est d’autant plus vrai que l’irruption de Zemmour dans la campagne présidentielle a bouleversé la campagne. Sa seule présence renforce l’importance des sujets de sécurité, d’identité et d’immigration, sur lesquels Macron est clairement minoritaire et n’inspire pas la confiance. Son irruption fait qu’un bloc à droite de Macron rassemblant près de 50% des sondés s’est formé. Et par le fort rapprochement des discours de LR, du RN et de Zemmour, on peut penser que les reports de voix pourraient être très bons au second tour. En effet, l’apparition de Zemmour, et la modération de Marine Le Pen fait qu’aujourd’hui, la candidate du RN s’est très nettement recentrée, tenant un discours finalement plus mesuré que Zemmour et proche de LR. Tout ceci peut favoriser une grande fluidité des électeurs à droite.
Difficile de faire des prévisions quand on se souvient à quel point le paysage d’il y a cinq ans a évolué avant l’élection, mais cela incite à penser qu’il y a des surprises et que les sondages actuels seront déjoués, sans pour autant savoir dans quel sens. Comme Macron est devant, c’est une situation très inconfortable pour lui, qui a des chances d’en être la première victime, au premier, ou au second tour. Si Pécresse, Zemmour et Le Pen se sont rapprochés sur le fond, la forme fait qu’ils chassent pour beaucoup sur des terrains différents, maximisant leur score combiné, tout en favorisant les reports de voix en faveur de celui des trois qui serait en face d’Emmanuel Macron au second tour le 24 avril.
A moins que Macron ne s’effondre dans la dernière ligne droite, vampirisé par Pécresse, ce qui semble très peu probable du fait des tensions au sein de LR après son élection, ce qui se met en place favorise une défaite du président sortant. Pécresse devrait limiter la perte de l’aile modérée de LR tout en laissant une place suffisante à Zemmour, qui l’a poussé à se droitiser au point que les discours des candidats à droite de Macron se ressemblent fortement, formant un bloc dangereux pour Macron...
Xavier Bertrand a effectivement commis des erreurs stratégiques. Étant le favori des sondages, il aurait pu réclamer une primaire ouverte qu'il aurait eu des chances de gagner. Mais il a fait le choix inverse. Le refus de la primaire peut se comprendre, moi-même je n'y suis pas favorable, mais alors il aurait dû tenir bon et ne pas se rallier à une primaire fermée.
RépondreSupprimerTout le monde dit que Pécresse est un danger pour Macron. Franchement, je n'en ai pas l'impression. Nous verrons ce qu'en disent les sondages d'ici quelques jours, mais je ne serais pas étonné si elle connaissait le sort d'Anne Hidalgo avec laquelle elle a plusieurs points communs (femme parisienne, bourgeoise...). Pour l'instant elle n'est donnée qu'à 10 % au premier tour, et à 40 % au second tour face à Macron. C'est peu.
Bertrand a tout raté dans cette campagne et il paie sans doute son attitude très prétentieuse : on en a déjà un à l'Elysée, on ne va pas le remplacer par un autre prétentieux.
RépondreSupprimerSur Pécresse, je me dis que théoriquement, c'est un choix plus problématique pour Macron car elle chasse sur des terres proches, un peu plus à droite seulement : les vieux, les CSP+, à la base très proche de lui, même si elle cherche à se droitiser depuis quelques mois. Ciotti élu, Macron pouvait recueillir l'aile modérée de LR. Là, cela me semble plus difficile. En cela, elle pourrait le gêner. Après, je suis bien d'accord, le rebond actuel pourrait bien être très limité et elle peut finir comme Hidalgo. J'ai l'impression que tout peut se passer.
@LH:
RépondreSupprimerNe suis pas d'accord avec vous pour dire que c'est un choix d'outsiders. Il s'agit d'abord du choix de deux candidats se réclamant de Fillon, avec un des deux Zemmour-compatible assumé. C'est la somme de l'influence Zemmour et du sentiment de s'être fait voler la victoire de Fillon en 2017. Et dans le cas Pécresse le stratégie de rencontres de terrain de Patrick Stéfanini a joué.
Je ne pense pas Zemmour dangereux pour Macron. Maintenant que LR a une candidate, il va légèrement s'effriter tant son électorat bourgeois est sociologiquement plus proche de LR qu'une MLP à la coloration plus populaire.
En revanche, en dépit de procédés de comm' évoquant en partie Royal, Pécresse peut être une adversaire redoutable. Son "pilote de campagne" Stéfanini fut celui de Chirac, une grosse campagne de terrain est donc à prévoir. Et si Ciotti est bien géré il peut lui éviter une déperdition sur sa droite. Elle n'aura en plus pas le même déficit de présidentiabilité que MLP.
La faiblesse de Macron à ce stade est d'avoir parié gagner cette élection à Droite seulement alors que 1) s'il veut concurrencer LR sur le terrain réformiste on lui demandera pourquoi il n'a pas fait ça au pouvoir. 2) avec la potion amère LR de la réduction du nombre de fonctionnaires il a les moyens de rameuter pas mal d'électeurs de Gauche qui ne voulaient pas revoter pour lui. Les petites carences de connaissance des dossiers vus chez Pécresse dans la primaire peuvent aussi être un atout pour Macron s'il s'en saisit.
JZ
Sinon je n'ai pas oublié quand le soir de la victoire sarkozienne de 2007 Pécresse parlait de Mai 81 de la Droite. J'avais alors pensé "pourvu que ça ne se finisse pas de la même manière"...
SupprimerJZ
@JZ
SupprimerLes derniers sondages semblent vous donner raison puisque Pécresse vient de gagner 7 points, passant à 17 % dans un sondage tout récent. Mais ce n'est peut-être qu'un effet « primaire » temporaire : Hamon était monté dans les sondages au lendemain de la primaire de gauche, puis il était redescendu... Donc, attendons un peu avant de tirer des conclusions.
Si Pécresse remonte et que Zemmour descend, Marine le Pen va remonter aussi et le seuil du second tour va repasser au-dessus des 20 %. Il faudrait donc, non seulement que Pécresse conserve son acquis de la primaire, mais au-delà qu'elle progresse encore dans les sondages pour avoir une chance de se qualifier.
@Moi:
SupprimerEntre temps y a eu sécession de LR anti-Ciotti.;) Mais globalement: l'électorat "à la Droite de Macron" procèdera-t-il avec une logique libérale au fur et à mesure de l'approche du scrutin ? A savoir qualifier au second tour le meilleur/la meilleure pour battre Macron? Si c'est le cas, Pécresse a quand même des points faibles moins saillants que les deux autres.
JZ
Un exemple d'idiots utiles du zemmourisme. Le maire socialiste de Rouen fait voter pour savoir si la statue de Napoléon, en restauration depuis un an, doit revenir ou être remplacée par une figure féminine. Il propose Gisèle Halimi qui effectivement est une très grande Dame. Mais est-ce une raison pour déboulonner une figure certes controversée à l'étranger par la faute de la propagande anglo-saxonne mais qui rassemble les Français? D'ailleurs Ciotti s'est bien sûr proposé pour récupérer la statue...
RépondreSupprimerJZ
@ JZ
RépondreSupprimerTout de même ! Personne n’imaginait Ciotti au second tour au début. Et Pécresse semblait derrière Bertrand et Barnier au démarrage. Il est intéressant de voir que les militants LR ont finalement refusé de suivre les sondages et n’ont pas mis au second tour les favoris du petit milieu médiatique.
Comme je le dis, Zemmour ne sera probablement pas dangereux pour Macron directement, dans le sens où je l’imagine mal atteindre le second tour, pour la raison que vous soulignez et que j’ai pointé dès le début. Mais plutôt indirectement, en renforçant l’importance de thèmes où Macron est très minoritaire, ce qui pourrait contribuer à le faire perdre.
Pécresse, je ne sais pas. D’un côté, elle pourrait peut-être vampiriser l’électorat Macron en étant plus neuve, en ayant l’avantage d’être dans l’opposition. Mais pour peu qu’elle ne soit pas très bonne en campagne et qu’elle gère mal Ciotti (en faire, comme elle vient de le dire, ce que Pasqua était à Chirac est une déclaration particulièrement stupide), et si le soufflé post-élection retombe, comme cela est souvent le cas, elle peut retomber. Et s’il y a des phénomènes de vote utile, comme elle est à la jonction de Macron et Zemmour, si elle retombe, le cercle vicieux peut être redoutable.
Macron a beaucoup de faiblesses : son bilan, son arrogance, le fait d’avoir une candidate proche de lui idéologiquement, et surtout un soutien limité. J’ai l’impression que tout est possible.
Je ne pense pas qu’il y ait une unité de l’électorat à droite de Macron. Il y en a 3 : un Macron compatible qui peut le trouver pas assez à droite sur les questions de société et pas assez réformiste. Un Ciotti-Zemmour, avec la même sociologie (vieux, plutôt CSP+) et un Marine Le Pen, plus populaire. Mais ce qui peut se passer, c’est que les reports soient très bons entre ces électorats, du fait d’un accord de fond sur les questions migratoires et de sécurité, qui disqualifient Macron.
@ Moi
Bien d’accord sur l’effet primaire. En effet, l’effet vote utile finirait par être défavorable à Zemmour dans ce cas et MLP remonterait sans doute
@LH:
Supprimer> Personne n’imaginait Ciotti au second tour au début. Et Pécresse semblait derrière Bertrand et Barnier au démarrage.
Vous basez sur quoi le "semblait"? Sur les sondages de sympathisants alors que c'était un vote militant, non une primaire ouverte? Pour moi ce n'est pas un pied de nez aux médias, juste un vote reflet de ce qu'est l'électorat LR aujourd'hui. Pour savoir s l'effet primaire retombe, il faut savoir si Pécresse peut occuper durablement la position du "vote utile" (ou plutôt: celle de la candidate avec moins de points faibles que Zemmour et MLP). Si elle est élue, je ne serais pas enchanté : avec sa potion amère austéritaire le pays sera parti pour au moins trois ans de croissance molle à la japonaise. Sur le régalien, ce sera encore de la gesticulation sarkozyste avec Ciotti avec Beauvau et l'électorat frontiste sera encore déçu. Et on remplacerait l'arrogance Macron par un parisianisme de droite symétrique du parisianisme de gauche à la Hidalgo.
JZ
Bien d'accord sur Pécresse : ce serait la poursuite des politiques des 20 dernières années sur beaucoup de sujets. Et puis, les LR qui jouent du muscle sur la sécurité et l'immigration pour ne pas faire grand chose derrière, on connaît : Darmanin, Sarkozy...
SupprimerJe me base juste sur la description de la campagne des primaires : elle n'était pas la favorite. Elle a fait une meilleure campagne que "sleepy" Barnier et Bertrand, et ses postures extravagantes.
Mais quand je la vois faire de Ciotti son Pasqua, je me dis qu'elle n'est pas très bonne...
Quand je lis ça je crois que l'on peut déjà mettre de côté Zemmour, finalement aussi hors sol que ses adversaires :
RépondreSupprimerhttps://www.lexpress.fr/actualite/politique/zemmour-lache-par-un-de-ses-premiers-conseillers-il-est-deconnecte-du-reel_2163288.html
Intéréssant aussi de voir l'auteur pointer qu'en diabolisant une certaine France comme lepénisée et raciste on oublie que l'abstension y est souvent le premier parti juste devant le FN. Ce qui relativise les exclamations médiatiques sur la France qui serre à Droite, exclamations qui ne sont que l'effarement d'un microcosme voyant que le pays ne pense pas comme lui. Car immigration ou pas cette France-là n'aspire pas à la dérégulation.
JZ
C'est là que MLP a ses chances en restant la candidate du bloc populaire, Zemmour s'adressant finalement d'abord à l'autre bloc, du fait de ses positions sur l'économie.
SupprimerRegardez VP comme elle est antipathique. Chirac disait, en grand connaisseur, "Valérie tu ne sais pas embrasser". Par contre en lécheuse de pompes de Macron elle sera excellente.
RépondreSupprimer