Papier publié en avant-première sur le FigaroVox
Si le plein retour dans le giron public d’EDF est une bonne nouvelle pour ceux qui pensent qu’il s’agit d’un service public qui ne gagne rien à être privatisé, l’annonce surprise du gouvernement doit être remise en perspective pour plusieurs raisons. D’abord, l’État ayant conservé plus de 80% du capital, cela ne changera qu’à la marge son influence. Mais surtout, cela ouvre la voie à des opérations capitalistiques dangereuses, et surtout, cela passe à côté du problème du marché européen de l’énergie.
C’est le marché de l’électricité qu’il faut reprendre en main
Et avec un État aussi capable d’imposer à EDF de racheter une autre entreprise (les turbines de centrales nucléaires d’Alstom, ou Areva) on peut aussi craindre que cette nationalisation facilite une éventuelle relance du projet Hercule qui avait été négocié avec la commission européenne. En effet, cette nationalisation complète lève des freins aux projets de poursuite de démantèlement d’EDF, ou à tout projet arbitraire du gouvernement et des régulateurs européens. On aussi peut estimer que l’Etat a une lourde part de responsabilité dans le manque d’investissement d’EDF pour les centrales, outre ses revirements sur la stratégie nucléaire. Et enfin, l’État a une part forte de responsabilité dans certains choix totalement aberrants, comme l’Autorité de Sûreté Nucléaire qui pointe qu’EDF a énormément recours à des prestataires extérieurs pour l’entretien des centrales, pour faire des économies…
Pour couronner le tout, il faut rappeler que la prétendue libéralisation du marché de l’électricité en France a eu deux conséquences majeures. D’abord, la découpe d’EDF en deux, Enedis en étant séparé pour gérer le réseau. Et également la vente « à prix d’ami » d’une partie de l’électricité produite par EDF à ses « concurrents » pour créer une concurrence réglementée assurant suffisamment de profits à des nouveaux venus qui n’ont jamais eu à créer le réseau ou à produire le moindre Kwh. Et cette quantité a été revue à la hausse il y a quelques mois pour limiter les hausses de tarif des fournisseurs alternatifs… Bref, EDF est le pilier du « marché » de l’électricité, mais un pilier vampirisé par des concurrents qui vivent sur son dos, ainsi que par son actionnaire principal, qui se comporte comme un fond d’investissement privilégiant les dividendes aux investissements nécessaires dans un tel secteur…
Pour finir, le mode de fonctionnement actuel fait reposer le prix de l’électricité en partie sur celui du gaz et aboutit à des prix assez extravagants, puisqu’avec l’envolée du prix des hydrocarbures, les prix s’envolent plus encore en France qu’en Allemagne alors que nous y avons beaucoup moins recours pour produire notre électricité. C’est ainsi que les règles fixées avec l’UE auraient produit une envolée de plus de 70% du prix de l’électricité en trois ans sans l’intervention du gouvernement, qui a laissé faire une hausse de plus de 20% déjà lourde pour bien des ménages. Dans le shéma d’il y a vingt ans, la France aurait dû traverser la crise énergétique actuelle bien moins touchée que ses voisins. Le schéma byzantin et technocratique actuel ne y produit les prix spots parmi les plus élevés du continent !
Plus que la nationalisation complète d’EDF, ce qu’il fallait faire, c’était mettre fin à cette concurrence totalement artificielle, et reprendre notre destin énergétique totalement en main, loin des règles aberrantes issues de cette UE technocratique et très poreuse aux lobbys. D’ailleurs, ce serait sans doute bien plus efficace pour assurer une transition énergétique pleinement alignée à l’intérêt général.
Vous dites qu'il fallait mettre fin à cette concurrence dans le marché français de l'énergie.
RépondreSupprimerSans doute, mais dans ce cas, il deviendrait totalement inacceptable pour les pays étrangers de laisser EDF participer à leur propres marchés.
Et cela signifierait renoncer à 40% du chiffre d'affaires d'EDF, qui est réalisé à l'étranger.
Pas sûr que le champion français y gagnerait, encore moins les consommateurs français, privés des tarifs plus compétitifs pratiqués par certains concurrent d'EDF
Il est juste question de dégager des parasites qui ne produisent RIEN à part des factures. Cela n'a rien à voir avec de la concurrence!
Supprimer@LH:
RépondreSupprimerUn exemple de la novlangue contemporaine. S'agissant du pouvoir d'achat certains médias parlent des classes moyennes oubliées. Mais la classe moyenne est une notion des 30 Glorieuses vide de sens aujourd'hui: il y a ceux et celles sur la pente plus ou moins abrupte du déclassement du fait de la mondialisation et du double effet du low cost (oui c'est moins cher mais ça produit aussi de la précarité chez les boites qui le fournissent)... et les autres.
J'ai aussi lu des choses sur la supposée réplique française du phénomène des salariés qui démissionnent. La DARES parlent de démissions de CDI. Du coup on peut penser que ceux qui la pratiquent disposent d'un minimum de "sécurité". Mais normalement dans un mécanisme de marché libre les boites devraient utiliser le levier salarial pour retenir ces salariés (idem pour les pénuries d'emplois dans la restauration). Mais c'est à croire que certains veulent les avantages du libéralisme sans les inconvénients.
Sinon, je croyais (en tout cas c'est ce que nous disait LR;)) que l'élargissement de l'UE c'était fini. Mais à la candidature ukrainienne s'est ajoutée celle de l'Albanie et la Macédoine du Nord (tension à prévoir avec la Grèce pour la seconde). Piètre leader, Biden est le vainqueur involontaire des évènements: l'épisode ukrainien renforce l'atlantisation de l"UE. Pendant ce temps Poutine fait ce qu'il a toujours su faire: convertir une situation pas forcément favorable en opportunité géopolitique. Les départs russes massifs vers Israël ont ainsi des chances de renforcer les liens entre la Russie et l'Etat Hébreu. Le sommet avec Turquie et Iran serait l'occasion d'acheter à l'Iran une technologie de drones supérieure à la sienne. Il est aussi à noter que ce monde émergent dont nos élites vantaient il y a peu les opportunités pour légitimer la dérégulation n'a pas lâché Poutine, l'axe des BRICS demeurant intact.
JZ
@ Anonyme
RépondreSupprimerEn effet, cela revient à prendre le risque qu’EDF perde l’accès à des marchés étrangers. C’est un risque qui vaut le coup d’être pris. Après, pour des pays qui n’ont pas la même notion du service public, et qui n’ont pas focément de champion national opérant en France, cela ne changerait pas grand-chose, et ils pourraient voir d’un bon œil le fait de profter du savoir faire d’une entreprise publique française qui aurait retrouvé son lustre.
Les tarifs plus compétitifs des concurrents : plus le temps passe, plus on voit que c’est une illusion. Cela dépend de la subvention que donne EDF à ses concurrents à leur fournissant à vil prix une partie de sa production. Et plus globalement, l’intérêt tarifaire finit souvent par tomber passées les offres promotionnelles ou avec les mouvements du nouveau « marché »…
@ JZ
Bien vu, l’axe des BRICS semble au contraire se renforcer. Il sera intéressant de voir ce que les intiatives pour dédollariser le monde aboutiront à créer. Et si les USA se renforcent, Biden est au plus bas : plus impopulaire pour Trump, ce qui promet pour 2022 et 2024…
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