Papier publié en avant-première sur Marianne
C’est une des dernières décisions majeures de l’UE : l’interdiction prévue en 2035 de la commercialisation des voitures à moteur therrmique (à l’exception des modèles ultra-haut gamme). Une décision qui cache trois angle-morts majeurs : un angle-mort écologique, tant les voitures électriques sont loin d’être la panacée, un angle-mort pour notre souveraineté, notamment à l’égard de la Chine, et un angle-mort économique, tant cela favorise les multinationales sur les consommateurs.
Les paradoxes d’une transition économique
Les chiffres sont assez incroyables. En 2021, Stellantis a ainsi réussi à augmenter son chiffre d’affaires de 14% malgré une baisse de 20% de ses ventes ! Et le groupe a quasiment triplé ses profits, à 13,4 milliards d’euros, affichant pour la première fois une marge opérationnelle nette supérieure à 10%. Et au premier trimestre, le chiffre d’affaires de Stellantis a encore progressé de 12% avec des ventes en baisse de 12% ! Outre Rhin, c’est le groupe Volkswagen qui bat tous les records de rentabilité, avec un résultat opérationnel en hausse de 73% au premier trimestre, dépassant également le cap des 10% du CA, malgré un chiffre d’affaires stable, avec des ventes volume en haisse de 14,5% ! En clair, la hausse du prix moyen des véhicules vendus a dépassé, et plus que compensé, la perte de volume. La transition écologique, loin de peser sur la rentabilité des constructeurs, est une formidable aubaine, d’autant plus que les contraintes sur les composants permettent de jouer sur l’offre pour mieux orienter la demande…
En effet, les différentes règles mises à l’œuvre par l’UE ont notamment permis une envolée du prix moyen des voitures, bien des constructeurs finissant par arrêter leurs plus petits modèles (finis les Peugeot 108, Citroën C1, Renault Twingo à terme) tant les règles qui leur sont imposées les renchérissent et les rendent moins intéressantes pour les consommateurs. C’est le paradoxe des règles de l’UE que de pousser à une envolée du poids des véhicules, comme le note Nicolas Meilhan depuis des années. Berlin a bien défendu les intérêts de ses producteurs de grosses berlines et gros SUV, en donnant une forme de bonus aux vendeurs des voitures les plus lourdes… Pourtant, la hausse du poids des véhicules contrebalance une grande partie de la baisse globale des émissions par véhicule, étant donné qu’un véhicule de 1500 kilos demande forcément plus d’énergie pour avancer qu’un véhicule de 1200 kilos...
Pire, la transition vers l’électrique a aussi pour effet d’exclure du marché neuf un nombre grandissant de consommateurs, qui n’ont pas les moyens de s’acheter une citadine électrique neuve à plus de 20 000 euros ou une compacte neuve à plus de 35 000 euros… Et la baisse des volumes ralentit la transition... Et cette transition pose des problèmes pour l’Europe. En effet, la chaine de valeur des véhicules électriques est très différente de celle des véhicules thermiques, et repose, pour une grande partie, sur des ressources (métaux) ou des savoir-faire (batterie) où l’Europe est assez mal positionnée. Cette transition est aussi l’occasion pour les constructeurs chinois de remettre en cause la domination de l’Occident. Autant dire qu’en décidant d’aller plus vite que tout le monde, encore une fois, l’UE risque de sacrifier ses intérêts économiques, dans le premier secteur industriel, rendant l’écologie punitive pour nos économies.
Pire encore, il y a débat sur la pertinence écologique de cette transition. On peut pointer d’abord le caractère encore moins écologique de la production d’une voiture électrique, qui nécessiterait deux fois plus de CO2 que les voitures thermiques, en faisant un coûteux investissement dans un premier temps. En outre, nous aimerions être sûr que sont bien pris en compte toutes les externalités environnementales négatives de la production de ses composants, jusqu’aux métaux dont beaucoup sont produits dans des conditions peu reluisantes. Et parce qu’une partie des composants viennent de l’Empire du milieu, cela signifie que l’énergie électrique utilisée pour les produire vient souvent du charbon…. Pour couronner le tout, se pose la question de l’origine de l’énergie électrique utilisée pour faire rouler ces véhicules : en Allemagne, une bonne partie vient du charbon, encore une fois un mirroir aux alouettes environnemental.
Bref, la transition accélérée vers la voiture électrique pourrait bien être une fausse bonne idée de dirigeants qui font porter arbitrairement les plus gros efforts de décarbonation sur l’automobile individuelle. Les industriels y voient surtout une occasion d’augmenter leurs profits sans se soucier du bilan environnemental pas si glorieux, ainsi que sur les risques majeurs que fait porter cette transition sur nos économies et la dépendance que cela risque d’établir avec une Chine moins naïve…
Si on vous suit, alors faut des trains au mazout ?
RépondreSupprimerJe vous signale que l'électrique a besoin de "terres rares" qui se trouvent partout, pas qu'en Chine, alors que le pétrole ou gaz, c'est Russie et pays arabes, dans tous les cas il y a une chaine de valeur internationale.
RépondreSupprimerSauf que la Chine en produit 60 à 80% des terres rares dans des conditio7 de production déplorables et qu'une usine ne se monte pas comme cela en Europe...
Supprimer@ Anonymes
RépondreSupprimerLes trains électriques, en France, me semblent une très bonne solution, en conservant notre service public.
Bien d'accord sur le fait que les chaines de valeur des hydrocarbures et des terres rares imposent largement de passer par l'international. D'où l'intérêt de minimiser notre dépendance...
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