La déclaration de Fabien Roussel a déclenché une vive polémique, amplifiée par la bulle médiatique qui a demandé aux uns et aux autres de réagir à ses déclarations. Il faut dire que sa formulation est provocante et on peut penser qu’il donne de l’eau au moulin de l’exécutif, qui veut encore s’attaquer aux allocations chômage. Mais sur le fond, le candidat du PCF n’a-t-il pas raison ?
Traiter les causes plutôt que les conséquences
Le propos de Roussel est clair : ce ne sont pas les travailleurs et ceux qui touchent les allocations qu’il oppose, mais « la gauche du travail » et « la gauche des allocations ». Bien sûr, quand on ne creuse pas, ces termes peuvent sembler un peu nébuleux. Mais il est tout de même frappant de constater à quel point ses partenaires de la NUPES déforment ses propos pour le critiquer. Tout ceci montre la triste superficialité et quête de buzz de notre époque. Jamais Roussel n’a opposé travailleurs et chômeurs, jamais il n’a dit que les allocs sont indignes. Ces attaques révèlent aussi le caractère profondément sectaire d’une partie de la NUPES qui refuse la moindre remise en question, alors même que ses résultats aux législatives ne sont pas si exceptionnels, et une intolérance assez révoltante au simple débat d’idées.
Invité sur Sud Radio lundi, Fabien Roussel a pu préciser plus encore ses propos, auxquels l’immense majorité de la NUPES devrait souscrire : il préfère que les Français aient un travail, bien payé et dans lequel ils s’épanouissent, plutôt que d’être au chômage. Et naturellement, il n’est pas contre les allocations, mais il veut juste que la gauche incarne plutôt un retour au plein emploi que d’être seulement le camp qui défend les allocations, sans pour autant les remettre en cause. Une position qui, exprimée de la sorte, devrait en fait réunir l’ensemble de la gauche, à part une partie d’EELV sans doute. Mais sa déclaration est peut-être gênante pour la gauche. En effet, sous Mitterrand, Jospin et Hollande, la gauche française a perdu de vue le travail et la recherche du plein emploi pour se recroqueviller sur une relative défense des allocations. Le point d’orgue a été la candidature de Benoît Hamon, et son revenu universel.
En réalité, Fabien Roussel est la mauvaise conscience de cette gauche qui a renoncé au plein emploi, s’est résolue au chômage, et ne trouve plus que dans la défense des allocations sa raison d’être. Sur le fond, son message est extraordinairement juste. Même le programme de Mélenchon n’était pas très clair sur la question de l’emploi. Et il a sans doute raison de dire que sans une capacité à définir un programme qui permettrait de revenir au plein emploi, elle ne gagnera pas. Bien sûr, le patron du PCF est pour l’instant un peu court sur les moyens qui permettraient de revenir au plein emploi. Et sans une sortie de l’UE et de l’euro, il est difficile de voir comment cela pourrait bien être possible, mais il a au moins le mérite de poser une bonne question. La gauche actuelle est résignée à l’égard des conséquences de la globalisation et se contente un peu trop de tenter de maintenir un système qui soigne ses maux.
Mais pour aller plus loin et être crédible dans cette voie, il faudra que Fabien Roussel aille plus loin dans ses propositions. La persistance du chômage de masse dans notre pays doit beaucoup au marché unique européen mis en place il y a 30 ans, au libre-échange anarchique que pratique l’UE et à une monnaie non adaptée à notre économie. Sans véritable remise en cause de ce cadre qui correspond finalement à l’UE, son constat est amené à rester lettre morte, comme le discours d’Alexis Tsipras dans sa campagne électorale victorieuse… Il faut équilibrer notre commerce extérieur, notamment avec nos partenaires européens et la Chine pour retrouver le chemin du plein emploi et mettre fin à la désertion fiscale des multinationales pour financer des services publics saignés depuis trop longtemps.
En somme, le propos de Fabien Roussel est extrêmement juste : ce qu’on appelle la gauche en France s’est résignée à défendre les allocations plutôt que de proposer un chemin cohérent pour revenir au plein emploi. Et c’est probablement ce qui a signé ses dernières défaites. Mais il gagnerait à l’exprimer plus clairement, et plus encore, à proposer un programme cohérent pour y revenir, et ce ne peut être qu’hors de l’UE…
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RépondreSupprimerC'est un peu fort de dire que la NUPES est superficielle et fait le buzz alors que c'est Fabien Roussel, avec ses petites phrases provocatrices, qui cherche à faire le buzz et qui tient des propos superficiels. Car qui a-t-il de plus inutile que de dire qu'on préfère le travail au chômage, la paix à la guerre, la santé à la maladie ? En parlant de « gauche des allocs », il savait bien comment ses propos seraient pris : comme une attaque contre les allocations, et c'est pour ça qu'il les a prononcés, ne soyez pas naïf. Ce monsieur est juste un démagogue.
RépondreSupprimerÀ force de tirer sur la corde de l'assistanat (pour tous), elle finira par casser.
RépondreSupprimer@LH:
RépondreSupprimer>En somme, le propos de Fabien Roussel est extrêmement juste : ce qu’on appelle la gauche en France s’est résignée à défendre les allocations plutôt que de proposer un chemin cohérent pour revenir au plein emploi. Et c’est probablement ce qui a signé ses dernières défaites. Mais il gagnerait à l’exprimer plus clairement, et plus encore, à proposer un programme cohérent pour y revenir, et ce ne peut être qu’hors de l’UE…
Je pense que Roussel a un métro de retard: l'assistanat, c'était Sarkozy 2007 et ce dernier n'a fait que proposer une variante blairiste des allocations une fois au pouvoir. Si je devais remettre une pièce concernant les difficultés de la Gauche... Elle ne se rend pas compte que sur le sociétal elle a gagné et qu'elle n'aurait pas besoin de surenchérir de façon idéologique: les LGBT sont majoritairement acceptés et MLP est un succès involontaire du féminisme. Pareil sur l'écologie qui est désormais un enjeu transpartisan et ne devrait pas se faire en ignorant ceux et celles qui ont besoin de la voiture. L'immigration est à la fois le petit succès et l'échec de majeur de la Gauche. Petit succès lorsque Sarkozy fait passer sa drague de l'électorat frontiste en se présentant comme français de sang mêlé. Echec majeur car le discours de la Gauche sur le sujet est en porte à faux avec l'opinion publique. Il y a enfin le rapport contradictoire à la mondialisation économique de ses leaders oscillant entre irréalisme et reddition. Mais à leur décharge c'est encore pire chez ce qui lui reste d'électeurs. Internationaliste donc défendant une UE mondialisation miniature qui menace l'Etat-Providence, favorise l'évasion fiscale avec un Euro handicap pour la France. Et pleurant ensuite les reniements de son camp au pouvoir. La preuve: lorsque JLM a tenté de cibler Berlin il n'a pas rencontré d'écho dans son électorat. Ceci dit à Droite il y aurait à dire sur la contradiction entre la posture pro-business (et donc soutenant des milieux d'affaires à la philosophie internationaliste) et le discours sur l'immigration.
JZ
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RépondreSupprimer"Et sans une sortie de l’UE et de l’euro, il est difficile de voir comment cela pourrait bien être possible
RépondreSupprimerLe Brexit est une vraie réussite, la GB doit faire appel au FMI, bravo !
"L'inflation est actuellement de 9,9 %, la plus élevée depuis 50 ans et devrait culminer à 13 % l'an prochain. En conséquence, les salaires réels chutent plus rapidement qu'à n'importe quel moment depuis le début des records modernes et les dépenses de consommation se contractent. Il y aura, dit la Banque d'Angleterre, une récession de cinq trimestres, car elle augmente les taux d'intérêt, apparemment pour étouffer l'inflation et la demande."
https://socialeurope.eu/fresh-start-truss-faces-a-sudden-stop?fbclid=IwAR1EQaxDr36-xF5v9aqjy9YNogoyQDROysOEiUPKs6lmJUnWkiiFvu9Uqik
@ Moi
RépondreSupprimerLes 3 exemples que je cite sont superficiels et fait le buzz car ils réagissent un peu vite sur des propos complètement déformés, qui ne correspondent quand même pas à ce que dit Roussel. Bien sûr, ce qu’il dit est un petit peu provocateur, mais c’est surtout la déformation de ses propos qui est très provocatrice. Je pense qu’il a raison de dire que la gauche devrait davantage marquée sa préférence pour l’emploi : ce n’est pas évident aujourd’hui. Il est évident que ce n’est pas une attaque contre les allocations : il les défend. C’est juste qu’il dit qu’il faudrait d’abord essayer de donner un emploi à plus de monde. Et une telle analyse, trop rare à gauche comme ailleurs est extrêmement juste. Bien sûr, il souhaitait sans doute que sa déclaration fasse du bruit, mais pour qui reste uniquement sur les mots qu’il prononce, elle n’a rien de choquant. Restons sur le sens des mots, pas sur les déformations abusives qui en sont faites.
@ JZ
Roussel ne dénonce pas l’assistanat. J’ai bien écouté ce qu’il dit. Il dit seulement que la première priorité doit être de donner un emploi bien payé et épanouissant aux Français. C’est du bon sens, qu’une partie de la gauche a oublié… Bien d’accord sur les contradictions de la gauche, que je pointe depuis longtemps, mais je trouve que le discours de Roussel est intéressant, dans le sens où il mène rapidement à une vraie rupture.
@ Troll eurobéat
Parce que la zone euro va bien ? Au moins, les bas salaires ont bien monté depuis le Brexit : je vous rappelle que le SMIC a progressé bien plus vite que de notre côté de la manche, au point de dépasser le nôtre, pour la toute première. Certes, il y a nettement plus d’inflation, mais les salaires s’ajustent davantage à la hausse. Ce qui compte, c’est la différence entre la hausse des prix et la hausse des salaires.
L'expression ''gauche des allocs'' est problématique, il n'aurait pas dû employer ces termes. De nombreux chômeurs et précaires l'ont vu comme une attaque. Roussel cherche à se singulariser en flattant la droite, qui, d'ailleurs, lui fait des louanges, comme votre article en témoigne. Mais son propos est ambigu. S'il s'agissait juste de dire que le travail vaut mieux que le chômage, c'est enfoncer une porte ouverte. Mais que dit-il concrètement ? Quelles mesures prône-t-il qui seraient différentes de ce que propose la NUPES ? Mystère et boule de gomme ! Donc ce sont juste des propos creux et démagogiques destinés à attirer la sympathie des médias, à faire le buzz et à semer la zizanie à gauche. C'est le degré zéro de la politique.
Supprimer@ Moi
SupprimerC’est une expression polémique soit. Mais je pense qu’elle a le sens que j’expose dans ce papier, et que ce sens est très pertinent. Une trop grande partie de la gauche ne se pose plus vraiment de question sur l’emploi et se contente de défendre les allocations. C’est ce qu’il a expliqué au micro de Bourdin, sans trop vouloir incriminer ses collègues. Préférer l’emploi au chômage n’est pas si bateau à gauche. Certains ont juste abandonné le combat pour l’emploi. D’accord sur les mesures, comme je le pointe dans mon papier. Pas sûr sur les intentions. Je suis peut-être naïf, mais Roussel me semble plutôt quelqu’un de bien, ce qui n’est pas si courant. La pensée qu’il a pu développer avec Bourdin a une vraie cohérence, même si pour l’instant, comme vous le notez, cela doit encore se traduire en propositions plus concrètes
PS : désolé pour les horribles fautes de mon commentaire précédent, écrit un peu vite, sans relecture
Je ne suis pas d'accord : s'il est vrai que l'ancienne gauche du PS n'a rien fait contre le chômage, il y a en revanche des propositions dans le programme ''l'avenir en commun'' de LFI pour arriver au plein emploi.
SupprimerL'absence de propositions de la part de Roussel est quand même la preuve que ses propos sont juste polémiques.
Troll Brexitobéat, les salaires ont pourtant augmenté de 4,7% pour la période, mais l'inflation a atteint en juin 9,4% sur un an dans le pays et pourrait dépasser 13% en octobre selon les prévisions de la Banque d'Angleterre.
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