C’est un anniversaire qui est bizarrement passé inaperçu. Pourtant, la commission Attali était le prélude à l’avènement d’Emmanuel Macron. Non seulement Jacques Attali l’avait choisi, mais elle marquait une étape de plus dans la convergence PS-UMP, Sarkozy demandant les conseils d’un ancien conseiller de Mitterrand, ainsi que l’accélération de l’alignement de notre pays sur l’idéologie dominante anglo-saxonne.
Technoligarchisme et déconstruction sociale
Mais la commission Attali marque une double accélération fondamentale, symbolisée par le rôle qu’y joue Macron, rapporteur des premiers travaux, livrés en janvier 2008, et membre à part entière des seconds travaux commandés en 2010 . Première accélération : la convergence PS-LR. Cette commission, lancée dès la rentrée 2007, renforce le surprenant et non annoncé parti-pris d’ouverture à gauche de Sarkozy, qui en troubla beaucoup. Pourtant il avait fait campagne à droite, mais, au pouvoir, il prit le contre-pied de son positionnement de 2002 à 2007, en nommant des ministres venus de la gauche, et en demandant au conseiller le plus en vue de François Mitterrand d’animer une commission chargée de le nourrir en idées, soulignant a posteriori le vide de sa pensée, le ministre, puis candidat, n’étant que dans des postures. Cette commission était le prélude à la grande convergence qu’a orchestré Macron à partir de 2016.
Deuxième accélération : la convergence idéologique avec la pensée oligarchiste globalisée, dont les propositions de la commission Attali sont une compilation. Bien sûr, le processus avait commencé dès les années 1980 avec la séduction exercée par les idées de Thatcher et Reagan sur la droite comme le PS, acquis au monétarisme et à la libre-circulatoin des biens, des capitaux et des personnes. Mais ici, voici plus de 300 propositions venues des deux côtés du spectre politique : mises en place ensemble, comme ses promoteurs le recommandent, cela représente une forme d’alignement de grande échelle de la France à l’agenda oligarchiste. Si Sarkozy refuse certaines propositions, comme la suppression des départements, bien de ces propositions, mais pas toutes, finiront par trouver une concrétisation, sous Sarkozy, et bien plus encore sous Hollande, qui prit les conseils de Louis Gallois, et efin Macron.
Pour couronner le tout, il faut rappeler le rôle de McKinsey, qui orchestra les travaux, même si Wikipédia semble avoir oublié de mentionner le point, se contentant de rappeler que le patron d’alors du cabinet de conseil en stratégie faisait partie des membres de la commission. Ce faisant, ce rapport distille une pensée que l’on pourrait qualifier de technoligarchisme, l’idéologie d’une élite technocratique qui croit sans doute sincèrement qu’il faut servir les intérêts des multinationales et des plus riches, en espérant vainement qu’un ruissellement s’en suive… C’est ce qui a mené à la création du « marché » européen de l’électricité et au début du démantèlement d’EDF, avec le succès que l’on sait aujourd’hui. C’est aussi ce qui a mené à l’appauvrissement dramatique de notre système de santé ou de notre éducation nationale, notamment en permettant aux multinationales de ne plus payer une juste part.
La commission Attali, c’est à la fois l’uberisation, à travers d’innombrables déconstructions du droit du travail, et donc la précarisation d’une immense partie de la population active, et une envolée des aides aux entreprises, passées de 100 à 200 milliards dans le même temps. Quinze ans après, le bilan est calamiteux : le coût social colossal n’a pas produit de richesse ou redresser notre commerce, au contraire.
Bonjour
RépondreSupprimersi l'on regarde l'évolution du revenu personnel disponible, qui devrait être un bon indicateur de la prospérité d'un pays, on ne voit pas de changement récent notable dans un accroissement qui continue en France depuis la fin des calamiteuses années 70 et de la stagflation induite par les suicidaires politiques keynésiennes.
Attali et son réseau ont continué peu ou prou les mêmes politiques socialistes de pilotage étatique de l'économie qui ont fait croître la prospérité française, mais moins que d'autres pays, comme la Suisse.
La seule et unique différence de fond entre le socialisme affirmé de Mitterrand Holland et Macron d'un côté et le socialisme partiel et inavoué de Chirac, Sarkozy. etc se trouve peut-être dans l'évolution de la dette étatique, qui explose littéralement de 1980 à 1996 de 20% à 60%, reste autour de 60% de 1996 à 2008, puis avec les attaliens reprend son ascension fulgurante pour dépasser aujourd'hui largement le PIB.
"même si Wikipédia semble avoir oublié de mentionner le point, se contentant de rappeler que le patron d’alors du cabinet de conseil en stratégie faisait partie des membres de la commission".
RépondreSupprimerN'oubliez pas que vous pouvez modifier les articles Wikipédia et ajouter cette information.
Tu as vu ce qu'il vient de déclarer Attali sur Twitter? :
RépondreSupprimer"Sans la protection de l’euro, dont elle est devenue un passager clandestin, la France serait dans la situation de l’Argentine.:
"
Le type a carrément le culot d'inverser causes et conséquences. Ses idées ont tout détruit mais il chante en disant que l'Europe nous protège quel clown. C'est à ce demander si ce type n'est pas un agent étranger chargé de couler le pays depuis le début. C'est à en devenir complotiste, même si la bêtise idéologique à toute sa place dans l'affaire.
@ Anonyme
RépondreSupprimerAttali & co n’ont pas du tout continué les politiques du passé. Ils ont fait l’inverse : fin de la politique industrielle, déconstruction de bien des services publics, confiés à des intérêts privés, baisse de la fiscalité pour les plus riches, démultiplication des aides pour les entreprises dans une quête sans fin de compétitivité totalement illusoire dans un espace trop ouvert…
@ Rodolphe
Juste, mais je trouve étonnant cet oubli
@ Yann
En même temps, ce sont les mêmes salades depuis 30 ans. Le SME ne marche pas, il faut la monnaie unique, l’UE ne marche pas, il faut le TCE… C’est le réflexe puéril de quelqu’un incapable de recul sur ce qu’il propose et qui refuse d’admettre ses erreurs.
réponse à M. Laurent Herblay par Anonyme 6 février 20h25
RépondreSupprimerMonsieur,
merci pour votre réponse.
Il est difficile de dire que les attaliens ont décrété la fin de la politique industrielle
Pour rappel, selon l'INSEE https://www.insee.fr/fr/statistiques/2121532
le poids de l'industrie manufacturière dans l'economie est passée de 22,3 % en 1970 à 11,2 % en 2014
Voilà donc ce que les gouvernements des deux couleurs du keynésianisme ont réussi à faire de notre industrie. Les attaliens n'ont certainement pas su faire pire, au contraire ce pourcentage a depuis légèrement augmenté, même si moins que pour nos voisins du Nord et du Sud.
Privatisations ? De Chirac en 1986 (Saint Gobain) à Villepin en passant par Rocard, Cresson, Balladur, Juppé, Jospin, Raffarin, ils se sont tous bien appliqués à transformer le socialisme français en social-démocratie. Qu'aurait fait de plus ou de pire le binôme Hollande-Macron ?
Baisse de la fiscalité pour les plus riches ? A croire que les plus riches ne paient pas de CSG, que M. Macron a relevé de 20% environ, de 7.5% à 9.2%, en parfaite continuité des hausses sans fin de cet impôt payé par tout le monde, qui était de 1.1% en 1991
@ Anonyme
RépondreSupprimerMerci pour ce débat civilisé. Bien d’accord pour dire que PS et LR sont co-responsables de la situation. Par contre, ce ne sont pas les restes de pensée keynésienne qui les y ont poussé, mais bien plus le laisser-fairisme et le laisser-passer ambiant, qui a laissé rentrer avec de moins en moins de restrictions des produits étrangers produits dans des conditions beaucoup plus favorables. C’est aussi l’adoption de règles poussant nos entreprises à produire ailleurs, en laissant des entreprises étrangères racheter nos entreprises, ce qui a accéléré les délocalisations. Toutes ces règles et ce laisser-passer sont l’idéologie qu’ont défendu Attali, le PS et LR. Le record de déficit commercial hors énergie en 2022 démontre bien qu’il n’y a aucun redressement actuellement. Les privatisations, ce n’est pas de la social-démocratie, c’est plutôt un ultra-libéralisme et un oligarchisme quand les conditions de ces privatisations aboutissent à des rentes indues (cf autoroutes).
Baisse de la fiscalité sur les plus riches : lisez Piketty qui montre bien que les taux de prélèvement baissent fortement pour les 1% les plus riches, du fait d’une baisse des taux marginaux (56,8% avant), une baisse encore plus rapide de la fiscalité sur les revenus du capital (30% cotisations sociales et CSG incluses maintenant…) et le recours aux mécanismes de déduction ou à la fraude.
Reponse à M. Herblay
RépondreSupprimermerci encore pour la suite du débat
Les règles commerciales que vous appelez du laissez-faire sont décidés au sein du FMI, ou de l'UE, organismes qu'il faudrait quitter pour faire notre politique commerciale à nous. Ce serait le suicide d'une France désormais émarginée du commerce mondial (ou alors croyez-vous qu'on pourrait encore vendre nos produits tout en refusant ceux des autres ?)
Quant aux privatisations, je trouve extraordinaire que vous parliez de "ultralibéralisme" dans un pays comme le nôtre où l'état demeure de loin le premier actionnaire du CAC40. Quoiqu'il en soit, ces privatisations ont été menées à rythme bien plus important par les prédécesseurs des attaliens.
Si une baisse de l'imposition des plus fortunés peut permettre de contenir leur fuite massive et continue du territoire français, ceci ne peut qu'être bénéfique pour l'économie.
Pour en finir, je concorde avec vous sur l'échec de l'économie macroniste, mais cet échec n'est que la suite de 40 ans d'échecs : le keynésianisme appauvrit la France de plus en plus, il suffit de traverser le Léman pour voir ce qu'une autre politique économique peut faire ici en Europe, sans même pas besoin d'un héritage colonial avec ses avantages (CFA, ressources bradées, marchés captifs...)
@ Anonyme
RépondreSupprimerVotre présentation de l’alternative sur le commerce est trop binaire : ce n’est pas tout ouvert ou tout fermé. L’Asie nous montre depuis des décennies que la bonne stratégie, ce sont les nuances de gris : vraie fermeture sur certains secteurs jugés stratégiques, et ouverture sur sur d’autre. C’est aussi ce que font les USA, qui savent parfois être protectionnistes, ainsi même que les Allemands dans l’UE : je n’imagine pas les policiers allemands rouler en Peugeot ou Alfa… Notre énorme déficit commercial nous permet justement des mesures protectionnistes bien ciblées.
Attali a conseillé Mitterrand et Sarkozy, et comme je le pointe, cette idéologie remonte au début des années 1990 : elle a imprégné le gouvernement Jospin, qui est celui qui a le plus privatisé…
Il n’y avait pas de fuite massive des plus riches avant : c’est un mythe.
La Suisse est un parasite fiscale protectionniste : c’est ce qui explique sa richesse.
@Laurent Herblay
Supprimernon, la Suisse n'est pas un parasite fiscal protectionniste.
D'abord, c'est la 7eme économie européenne (la France est 3eme, mais uniquement en raison de sa taille, vu que notre PIB par tête est la moitié que le suisse).
La fiscalité suisse, si elle est plus rationnelle que la française, n'en fait pas un paradis fiscal bien au contraire;
Quant au protectionnisme je ne sais pas à quoi vous pensez: il suffit de voir le nombre de banques étrangères de détail qui ont obtenu une licence en Suisse, et celles à qui notre gouvernement socialiste à daigné octroyer un tel privilège, pour comprendre quel est en réalité le pays le plus protectionniste.
C'est la France le pays le plus protectionniste d'Europe: nous le voyons dans le rail, dans l'énergie, dans la grande distribution, dans les télecom, dans la banque : vous dites que les policiers allemands ne roulent pas en Alfa, quid des nos policiers et tous fonctionnaires en général ?
Le protectionnisme, comme Adam Smith l'explique, n'avantage pas le pays qui le pratique.
Il ne fait que augmenter le prix des biens et services faute de concurrence, et rendre moins compétitifs les champions nationaux, bénéficiaires d'un marché captif. Encore pire quand ces champions sont détenus en partie considérable par l'état, qui n'investit pas mais utilise les bénéfices pour son propre fonctionnement
Pour comprendre l'ampleur des dégâts de 40 ans de socialisme en France, demandez vous quelle serait notre situation sans
1° le pillage sur les ressources africaines grâce à nos forces armées sur places et au CFA
2° la distorsion des aides de Bruxelles qui ne sont pas équitablement distribuées : pour la nouvelle distribution à venir Berlin et Paris raflent 80% des aides, avec un tiers seulement de la production industrielle.
Le comparatif avec l'Italie peut vous éclairer:
22% d'aide à la France qui produit 11% du produit industriel européen, et 8% à l' Italie qui produit le 16%
On comprend mieux pourquoi les anglais ont voulu sortir de l'UE et pourquoi les Suisses n'ont jamais voulu y rentrer !
@ Anonyme
SupprimerJe persiste : la Suisse est un parasite fiscal protectionniste. Protectionniste car il y a de fortes protections de pans entiers de son économie, notamment l’agriculture, permettant un niveau de prix plus élevé que dans le monde, et donc suffisamment rémunérateur pour ses agriculteurs. Le protectionnisme, ce n’est pas l’autarcie, ce sont des nuances de gris : des secteurs assez fermés (l’agriculture), d’autres totalement ouverts, et d’autres largement, mais pas totalement. La Suisse s’ouvre quand cela l’arrange.
La France, pays le plus protectionniste d’Europe : non, du fait des règles de l’UE. L’Allemagne, par exemple, est bien plus protectionniste que nous, en utilisant sa réglementation DIN par exemple. Nos policiers ont été équipé de VW ou de Ford (sans compter Dacia). Les policiers allemands n’ont sans doute jamais roulé dans des voitures qui ne soient pas allemandes.
Le protectionnisme est la base du modèle de développement asiatique :
http://www.gaullistelibre.com/2016/02/du-riz-du-libre-echange-et-du-modele.html
Parasite fiscal, c’est juste une évidence : de Gabriel Zucman, spécialiste de la question, à The Economist, qui défend ces pratiques, il y a un consensus sur ce sujet. La base, c’est avoir une fiscalité nettement plus basse que ses voisins pour attirer leur base fiscale en proftant de la libre-circulation des capitaux, mais aussi des biens (d’où certaines centrales d’achat basées en Suisse par exemple).
Les dégâts du PS (et de l’UMP), oui. La distorsion des aides de Bruxelles : vos chiffres me semblent étrangers. Sur le fond issu de la crise covid, nous garantissons 70 milliards et en recevont 40 milliards. Ce plan nous coûte encore de l’argent. Si la Suisse ne veut pas de l’UE, c’est notamment parce qu’elle veut rester protectionniste
J'insiste: une fiscalité plus douce pour un état aussi efficace si non mieux n'est pas du parasitisme fiscal, mais une meilleure réussite, qui attire des résidents
SupprimerDans un autre domaine, la France est un champion des investissements étrangers directs (IDE). Devrions nous dire que c'est du parasitisme entrepreneurial ? Voire fiscal, à cause du crédit d'impôt recherche ?
Vous dites en suite que Allemagne et Suisse sont plus protectionnistes que la France. Encore une fois, laissons parler les chiffres
La France a une population de 4/5 de l'Allemagne et importe seulement la moitié des biens et services importés par l'Allemagne
La France a une population 8 fois supérieure à la Suisse et importe seulement le double des biens et services importés par la Suisse.
La réalité est que tous les gouvernements socialistes et UMP ont fait une guerre sans quartier aux importations, suivant la même politique colbertiste qui ruina l'ancien régime et qui ruine notre actuel socialdémocratie.