dimanche 18 juin 2023

Bruno Le Maire, l’impuissance faite ministre

Il est loin le temps où Bruno Le Maire pouvait se glorifier de la relative faiblesse de la hausse de l’inflation en France. Depuis, Madrid a fait beaucoup mieux que nous, avec une hausse des prix ramenée à 3% en mai, quand elle reste encore à 5% chez nous. Car outre-Pyrénées, le gouvernement ne se contente pas de parler, il a agi, une chose que semble incapable de faire le locataire de Bercy, dont la plupart des annonces sont au mieux des mesurettes, quand il ne sacrifie pas nos intérêts au statu quo européen.

 


Le ministre qui ne voulait pas vraiment agir

 

Pour qui se contenterait se prendre pour argent comptant ce que dit le ministre de l’économie, on pourrait croire qu’il y a quelqu’un aux manettes, qui agit. Quitte à se contredire (sur les superprofits notamment), il n’hésite pas à critiquer (le mécanisme européen de fixation du prix de l’électricité par exemple), annonce sans cesse des réunions et des mesures (sur l’inflation, avec les distributeurs, puis les industriels, avec les autres pays européens, pour réformer le marché de l’électricité). Il se fait même parfois menaçant, agitant une taxe, ou un affichage public, pour les industriels qui ne joueraient pas le jeu de la baisse des prix. Pour qui donne le moindre crédit à ses propos et ne les confronte pas à la réalité, l’assurance et le verbe maîtrisé du ministre peuvent, ou sans doute pouvaient, peut-être faire illusion…

 

Les innombrables contradictions et démentis que la réalité apporte à ses dires auraient du depuis longtemps avoir raison de son bail à Bercy, si les médias faisaient un minimum leur travail et le questionnaient comme ils devraient le faire, tant il a de casseroles économiques à ses pieds. Voilà deux ans qu’il continue à vendre d’extraordinairement coûteux bons du Trésor indexés sur l’inflation (la dernière émission était le 15 juin) et ne réagité aux alertes, lancées depuis longtemps par Charles-Henri Gallois. Ces bons, qui représentent environ 10% de nos émissions, et dont nous pourrions parfaitement nous passer tant les 90% restant sont sur-souscrits, représentent 90% du surcoût du coût de notre dette publique ! Mais monsieur le ministre regarde ailleurs. Pourquoi donc changer ce qui ne marche pas ?

 

Idem sur le prix de l’énergie, où il a fini par réagir devant l’envolée des prix déclenchée par l’incroyable mécanisme de fixation des prix concocté par les technocrates de l’UE et de la France, en contradiction complète avec l’évolution des coûts de production (assez stables en réalité du fait de notre mix de production d’électricité). Il y a 15 ans, l’envolée du prix du gaz n’aurait eu quasiment aucun impact, mais aujourd’hui, d’innombrables intermédiaires font des fortunes alors même qu’EDF perd des milliards. Et pour éviter une révolte des Français, le gouvernement a instauré un très coûteux bouclier tarifaire, qui évite de mettre à contribution les parasites du « marché de l’électricité », jeu de dupes pour les citoyens. Si nous évitons de payer l’électricité encore plus cher, nous payons par la poursuite de la dégradation de services publics toujours moins financés comme il le faudrait. Pourtant, il y avait une solution simple, celle choisie par Madrid : sortir du mécanisme de fixation des prix de l’UE. Cela aurait permis une forte baisse des prix sans même que cela soit financé par l’Etat, et donc in fine le contribuable. Le bouclier tarifaire ne protège en réalité que les producteurs de facture d’électricité, pour reprendre l’expression très bien trouvée de Nicolas Meilhan. Bruno Le Maire protège l’oligarchie et fait payer le peuple dans un marché de dupes.

 

Et sur les prix des produits de grande consommation, le ministre qui démentait, contre toutes les évidences, que le printemps ne serait pas « rouge », Bruno Le Maire ne cesse de faire un mauvais théatre. Après le mois « anti-inflation », qui s’est révélé être le moins le plus inflationniste depuis 4 décennies, il continue à s’agiter, dénonçant ce qu’il refusait de voir hier : les super profits de certains industriels qui en ont profité pour avoir la main un peu lourde sur les hausses de tarif. S’il avait annoncé en mai que les industriels allaient rouvrir les négociations sur leur tarif en milieu d’année, les conditions très restrictives fixées en limitaient grandement la portée, malgré les menaces verbales du ministre. Résultat, même s’il a annoncé une baisse des prix de centaines de produits, on lui rappelera que comme un hypermarché peut en compter plus de cent mille, cela montre surtout la portée très limitée de ces choix. Pour le patron de Système U, le compte n’y est pas : seuls 3 des 75 industriels ont (à peine) entamé les discussions

 

Bref, pas grand-chose ne se passera, d’autant que comme l’inflation est mesurée sur un an, et que des hausses de tarif avaient été passées en milieu d’année 2022, mécaniquement, la hausse des prix va ralentir dans les prochains mois. Les grands industriels et le gouvernement savent que dans un an, l’inflation sera très fortement retombée et pourront, pour les premiers, vanter leur modération et leurs « efforts », et pour le second vanter la réussite de sa politique, alors même que ce sera seulement la conjoncture qui sera venue à leur secours. En fait, comme pour la taxe dites sur les transactions financières (qui n’en concerne qu’à peine 1%, comme le rappelait Pierre Larroutourou sur Thinkerview), Bruno Le Maire n’agit pas, il communique et quand il est contraint de sortir du cadre étroit idéologique dans lequel il baigne, ce qu’il fait est toujours à la fois très tardif, souvent extrêmement anecdotique. Et quand cela ne l’est pas, l’arrosoire à euros profite un peu toujours aux mêmes, et pas assez à ceux qui en ont le plus besoin.

 

La question qui se pose tout de même, c’est pourquoi Bruno Le Maire est aussi passif ? Je ne crois pas à une question d’intérêts bien compris : pour des politiques, qui savent qu’à un moment, la majorité démocratique s’exprime, je ne pense pas qu’ils puissent consciemment mener des politiques qui ne servent que 1 ou 10% de la population au détriment de tous les autres. C’est un autre mécanisme qui est en place, développé dans mon livre : un mélange d’incompréhension de la réalité sociale par un mécanisme de bulle (parisienne) et d’ultra-conformisme intellectuel, qui fait que le bloc central (et même une bonne partie des alternatifs jugés extrémistes) s’enferme volontairement dans une camisole des possibles extrémement réduite, au mépris des leçons du passé et d’autres pays. Dans un tel contexte, les énarques peuvent règner en politique : ils ne sont pas de vrais politiques, mais des gestionnaires à la petite semaine, qui compensent par une communication de bas étage, sans rapport avec la réalité. Ils pensent probablement que la politique, c’est cela, avoir la capacité à faire le buzz et raconter n’importe quoi aux Français, d’autant plus que la plupart se croient largement supérieurs à la moyenne du fait de leur parcours scolaire…

 

Le plus effarant est que ce ministre au bilan calamiteux, parsemé de déclarations contredites par les faits, apparaît aujourd’hui comme le favori des sondages pour remplacer Elisabeth Borne. Mais qui sont les 30% de Français qui pensent qu’il ferait un bon Premier ministre ? Heureusement, 50% pensent le contraire. Notre époque est décidément bien superficielle et nos média bien complaisants pour que Bruno Le Maire n’ait pas été poussé à une retraite de Bercy, voir de la politique…

9 commentaires:

  1. C'est un bosseur(?) ! En plus de ses lourdes(?) fonctions de ministre, il trouve le temps d'écrire un bouquin ! ! !

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    1. Un bouquin passablement répugnant. Pour quelques tweets, René Chiche, professeur de philosophie et vice-président de mon syndicat (CFE-CGC), a été suspendu 3 mois.
      Mais pour Le Maire, c'est normal.

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  2. Le créateur de la chaine Youtube "Trouble fait" résume "l'action" de Bruno Le Maire avec l'expression "Bruno demande".

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  3. Il est pourtant très compétent !
    À défaut d'effondrer l'économie russe, il a effondré la française !

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