dimanche 6 août 2023

Faut-il un passeport US pour superviser la concurrence dans l’UE ?

Papier publié en avant-première sur Front Populaire

Le mois dernier, la commission européenne n’a rien trouvé de mieux que de vouloir nommer économiste en chef de la Direction générale de la concurrence européenne une économiste états-unienne ayant travaillé pour 3 des GAFAM… Le tollé unanime suscité en France a poussé au retrait de Fiona Scott Morton. Un nouveau candidat, autrichien, a été trouvé, mais Florian Ederer vient tout juste d’obtenir la nationnalité états-unienne. Comment ne pas voir à nouveau dans l’UE une europe états-unienne ?

 


Doublement non à Florian Ederer !

 

Bien sûr, nous sommes début août, le cœur des vacances pour la plupart des pays européens, ce qui pourrait rendre plus discrète une telle nomination, qui n’a pas pu passer mi-juillet. En outre, Florian Ederer est d’abord autrichien et ne vient d’obtenir la nationalité états-unienne qu’en mai. Mais comment ne pas s’interroger sur le fait que le deuxième candidat envisagé à ce poste si stratégique ait aussi un passeport US, même si ce n’est que le second dans son cas. Les Etats-Unis n’hésitent pas à imposer leur droit dans des pays étrangers, donc comment croire que quelqu’un qui aurait pris cette nationalité pourrait ne penser qu’aux intérêts européens dans ce poste ? Cette nationalité n’est pas neutre et les États-Unis ont un passif bien trop lourd pour donner la moindre place à un de leurs citoyens dans nos institutions.

 

Bien sûr, il a des qualifications académiques (aux États-Unis…) et s’est d’autant plus préparé à un tel poste qu’il avait essayé de l’obtenir outre-Atlantique, avant de se le voir refuser du fait de sa nationalité… Tout aussi inquiétant, son idéologie, qui semble parfaitement alignée avec celle de l’UE et du traité de Lisbonne, lui qui a déclaré « même si cela signifie que les entreprises européennes seront légèrement défavorisées par rapport aux entreprises chinoise, je persiste à penser que le principe fondateur doit être de protéger la concurrence et non pas les concurrents ». En clair, même si nos industriels pâtissent d’une concurrence déloyale avec les entreprises chinoises, il ne les protègera pas, au nom d’un principe purement théorique de concurrence. Autant dire qu’avec une telle déclaration, difficile de croire que Florian Ederer accepterait le bonus-malus excluant les véhicules chinois que la France prépare

 

Par conséquent, ce n’est pas seulement pour sa seconde nationalité qu’il faut s’opposer à la nomination de Florian Ederer, même si c’est un motif suffisant pour la bloquer, tant cela ne peut pas être neutre. C’est tout autant pour l’idéologie qu’il porte qu’il faut barrer la route à sa nomination à ce poste. Son opinion, si elle est cohérente avec l’idéologie de l’UE, signifie qu’il continuera à défendre la vision d’un continent européen terrain vague pour les intérêts du monde des affaires états-unien et chinois. Et même si Washington et Pékin continuent à aider leurs industriels au détriment des nôtres, monsieur Ederer préferera laisser faire une concurrence déloyale à nos industriels sur notre continent, même si cela se fait au détriment de nos emplois, au nom d’une idéologie mortifère et complètement coupée du réel.

 

On pourrait également se poser la question du profil pour ces postes. Outre le caractère gênant de vouloir prendre une personne installée depuis dix ans aux Etats-Unis, ce qui a forcément une influence sur sa vision du monde, est-il plus pertinent de prendre une personne au seul parcours académique ? Cela ne va-t-il pas favoriser une vision complètement coupée de la réalité et purement théorique ? Je ne crois pas que ce sont des rôles pour des intellectuels qui ne connaissent ni le monde des affaires, ni les questions politiques, et dont la richesse va les placer de facto en communion intellectuelle avec les élites globalisées sans la moindre attache avec l’économie réelle. Un Loïk Le Floch Prigent ou un Frédéric Pierucci, qui ont une vraie expertise industrielle et une vision politique, seraient bien plus pertinents.

 

Cette bataille sera plus dure à mener, car Florian Ederer est autrichien et n’a pas travaillé pour les GAFAM. Mais le même mouvement que pour Fiona Scott Morton pourrait encore lui barrer les portes de ce poste si important au sein de la commission européenne. Et c’est plus que souhaitable étant donné son profil tellement aligné avec les pires poncifs de cette construction européenne.

10 commentaires:

  1. Réponse à Laurent Herblay
    "Un Loïk Le Floch Prigent ou un Frédéric Pierucci, qui ont une vraie expertise industrielle et une vision politique, seraient bien plus pertinents."
    Même si la provocation est votre tasse de thé, les postes de supervision de la concurrence ne sont pas accessibles aux repris de justice.

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    1. Tout dépend de ce que l'on appelle justice, exemple la "justice" aux USA.

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    2. La moitié des commissaires européens ont des trains de casseroles judiciaires longs comme la ligne TGV du Thalys. Cela n'a jamais gêné personne.
      Faites l'effort de vous renseigner !

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  2. La notion de nationalité est très démodée et a de moins en moins de sens. Seuls ceux qui ont complètement échoué s'accrochent à leur nationalité car ils n'ont rien d'autre.
    Je suis à peu près sûr que dans 100 ans il n'y aura plus de nationalités et que tout le monde sera un citoyen de la terre.

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    1. C'est dormir toute sa vie que de croire en ses rêves.

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  3. Laurent Herblay9 août 2023 à 09:42

    @ Anonyme 20h38

    Pierucci, cela semble surtout une manœuvre politico-économique. Pour LLFP, il semble aussi qu’il ait surtout été le fusible d’une époque où beaucoup de politiques avaient des pratiques illégales.

    @ Anonyme 14h43

    Déjà que la notion de citoyenneté européenne ne progresse pas, alors…

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  4. Réponse à Laurent Herblay
    "Pierucci, cela semble surtout une manœuvre politico-économique"
    soit vous acceptez un simulacre d'ordre basé sur les règles juridiques internationales, et alors Pierucci et Le Floch sont finis, kaputt.
    soit c'est l'anarchie générale et dans ce cas là à quoi servent l'état et les impôts ?

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  5. Laurent Herblay12 août 2023 à 21:23

    Je suis pour des ordres nationaux et un minimum de règles internationales, tant leurs limites sont claires aujourd'hui. Dans le cas de Pierucci, ce sont des "règles" états-uniennes qui sont en cause, pas des règles internationales.

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  6. Reponse à Laurent Herblay

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  7. Réponse à Laurent Herblay
    Si l'on veut faire du commerce avec les USA, il faut accepter que nous citoyens respectent les normes commerciales USA, tout comme l'on demande à Twitter, Google, Microsoft etc de respecter les normes françaises et européennes.
    Ou alors on s'abstient de faire du commerce avec les USA, et l'on produit nous même tout ce qu'on leur achète

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