Pourtant, la Banque Centrale Européenne avait déjà remonté ses taux fin juillet. Mais apparemment, cela n’a pas suffi aux banquiers centraux qui se sont mis d’accord pour une nouvelle hausse des taux qui porte le taux directeur à un record depuis la mise de l’euro. L’accueil positif des marchés financiers montre encore une fois que la politique de la BCE ne sert que les intérêts de l’oligarchie.
Faire peser l’ajustement sur les classes populaires
En effet, au regard de la forte baisse de l’inflation depuis le printemps, on peut juger que cette hausse est inutile, alors que sous quelques mois, sans nouvelle hausse, on peut anticiper que l’inflation se sera bien rapprochée de l’objectif de la BCE. Mais plus fondamentalement, une telle politique revient largement à ignorer l’analyse des leviers de cette vague d’inflation. Tous les économistes soulignent que la hausse de l’inflation vient d’abord de la hausse du prix des matières premières et d’un effet d’aubaine de bien des grandes entreprises qui en ont profité pour augmenter les prix plus que de raison, pour gonfler leurs profits. Nous ne sommes pas dans une configuration de course entre les salaires et les prix, du fait de la persistance d’un chômage de masse dans bien des pays européens.
Dans ce contexte, monter les taux n’est même pas le bon moyen pour limiter l’inflation, si ce n’est de manière indirecte. La hausse des taux pèse modérément sur les prix des matières premières. En effet, il suffit aux pays producteurs de limiter leur production pour compenser une éventuelle baisse de demande. Et ce repli de la demande peut justement pousser à soutenir les prix pour le compenser. De la même manière, la hausse des taux ne va pas forcément réduire les hausses de prix destinées à gonfler les profits. Au contraire, la hausse des frais financiers et le repli de la demande peut pousser à une inflation tarifaire des entreprises qui sont en position d’oligopole… Bien sûr, indirectement, par l’effet dépressif qu’a une hausse de ses taux directeurs, cela peut peser sur l’inflation, en réduisant la demande.
Mais ce faisant, la BCE choisit de faire peser l’effort d’ajustement de manière très disproportionnelle sur les classes populaires. En effet, le prix de l’argent s’envole pour elles, qui n’ont peu ou pas d’épargne. L’effet dépressif sur l’économie pèse sur les salaires, qui tendent à croître moins rapidement que les prix (d’autant plus que leur structure de consommation fait que l’inflation des produits et services qu’elles consomment est plus importante que l’indice officielle), ce qui se traduit par une baisse de leur pouvoir d’achat. En revanche, les classes supérieures n’en soufreront pas, ou peu. Leur inflation est plus faible (l’électricité, l’essence ou l’alimentaire pèsent bien moins lourd dans leur budget) et elles bénéficient souvent du ruissellement des profits historiques des grandes entreprises d’une manière ou d’une autre.
Pour couronner le tout, cette hausse forte et rapide des taux d’intérêt a un impact colossal sur les budgets publics. Cela provoque une augmentation du coût du service de la dette (surtout quand on a la bêtise de continuer à émettre des bons du trésor indexés sur l’inflation), qui pèse sur tous les autres budgets. Non seulement les fonctionnaires risquent de continuer à voir leur pouvoir d’achat rogné par des revalorisations inférieures à l’inflation, mais ce sont tous les budgets sociaux qui vont être affectés. De la même manière, les budgets de soutien au pouvoir d’achat sont coupés du fait d’un contexte beaucoup plus difficile. En somme, l’effet budgétaire social sera tout aussi calamiteux pour les classes populaires et moyennes qui vont subir l’austérité budgétaire qui se met en place très clairement.
Bien sûr, cette hausse des taux fait quelques victimes parmi les financiers qui jonglaient avec la dette de manière déraisonnable (de Naouri à Drahi). Mais, globalement, le choix fait par la BCE consiste à faire payer aux classes populaires et moyennes l’essentiel de l’ajustement pour revenir à une inflation acceptable pour la sphère allemande. Pour couronner le tout, son efficacité est probablement très limitée.
HERBLAY
RépondreSupprimerComme j'ai déjà prouvé plusieurs fois sur ce même blog, à force de statistiques chiffrées, la poussée d'inflation que nous vivons n'a pas été provoquée par les hausses de matières premières (je rappelle en passant que le Brent est retourné à $93), mais par la politique décervelée d'aide ("quoi qu'il en coûte") fournie lors du Covid aux entreprises, grandes et petites, et à de nombreux salariés dont on finança du chômage partiel en contrepartie d'aucune prestation ou richesse produite.
Ces aides ne se sont pas complètement taries, et sont accompagnées maintenant de "boucliers énergétiques", d' aides à l'achat de véhicules, à la rénovation de bâtiment, et toute une panoplie de fiscalité négative qui dope la demande française.
Résultat: l'inflation prospère, et même son reflux ne doit pas faire oublier que ce ne sont pas les prix à baisser, mais le rythme de leur augmentation, alors qu'ils sont à des niveaux insoutenables pour les classes pauvres, qu'on parle d'achat de viandes et poissons, de véhicules dits "propres" ou de résidences principales.
Vu que ce gouvernement ne montre aucune intention de lutter contre cette inflation (par exemple en coupant toute aide et crédit d'impôt, pour les particuliers comme pour les entreprises, y compris à actionnariat étatique, tout investissement improductif fait pour financer entreprises bien pistonnées...), et ailleurs en Europe ce n'est pas mieux, seule la BCE se montre responsable et effectue les seules actions qui aient jamais été efficaces contre l'inflation : hausses de taux, si nécessaire jusqu'aux doubles chiffres déjà vus en 1980, quand l'inflation fut en effet vaincue.
Ces excès ne seraient pas nécessaires si les gouvernements cessaient d'alimenter eux-mêmes l'inflation par des distribution d'allocation, aides et crédit d'impôt.
C'est la demande qui alimente l'inflation: un prix ne monte pas si personne n'achète. Refroidissez la demande, et l'inflation va baisser.
Vu que les gouvernements continuent au contraire à aider et alimenter la demande, la seule action possible pour la BCE est celle de augmenter les taux d'intérêt, en rendant plus intéressant l'épargne, et en décourageant l'emprunt. Mais c'est un combat titanesque, contre un état qui augmente la demande solvable (de ménages et entreprises) en utilisant la ressource infinie de la fiscalité et de la dette étatique.