Ventes à perte d’essence : l’effarante proposition de l’exécutif

Ce n’était donc pas un ballon d’essai, mais bien une mesure que le gouvernement défend et semble encore vouloir transformer en loi dans les prochaines semaines : la possibilité pour les distributeurs de vendre l’essence à perte. Mais derrière ce coup de communication d’Elisabeth Borne, l’exécutif démontre à nouveau sa profonde incompétence, tant sur le fond, que dans la méthode.

 

Tenter de reporter la responsabilité sur d’autres

 

Il y a plus d’un an, avec les élections présidentielles en vue, Macron n’avait pas hésité à ouvrir le porte-monnaie en décrétant un bouclier tarifaire pour limiter la hausse du prix de l’énergie. Il faut dire que cela avait été un des leviers de la mobilisation des gilets jaunes, et que les sondages indiquaient alors que sa réélection n’était pas acquise. L’état avait donc réduit le poids des taxes dans le prix de l’essence, malgré le coût de la mesure, d’autant plus que nous étions encore à une époque où le coût de l’argent était presque marginal pour l’Etat. Aujourd’hui, le prix de l’essence atteint, voir dépasse, pour certains carburants, des records historiques. Mais le contexte politique et économique n’est plus le même : la forte remontée des taux d’intérêts, imposé par une monnaie unique taille unique, avec une BCE aux penchants trop monétaristes, fait que le coût d’une nouvelle réduction des taxes pesant sur l’essence devient prohibitif.

 

Voulant sans doute absolument prendre une initiative pour ne pas être accusé de ne rien faire, mais sans le moindre coût pour le budget, l’exécutif a donc eu cette idée extravagante de permettre la vente à perte des carburants, en faisant une exception aux règles du commerce. Cela pouvait paraître habile, les distributeurs se plaignant parfois d’être limités dans les promotions qu’ils pratiquent. L’exécutif comptait sans doute sur Leclerc pour déclencher une guerre des prix en saisissant l’occasion de vendre un peu moins cher que les autres. Mais ce faisant, la majorité révèle surtout son incompréhension totale des réalités du monde des affaires et s’est complètement fourvoyé dans la méthode, bien trop jupitérienne. Avant d’être rendue publique, une telle mesure aurait du être étudiée avec quelques distributeurs. Et c’est si et seulement si un distributeur, comme Leclerc, avait dit être intéressé qu’il fallait avancer

 

Les patrons de la distribution ont probablement été totalement effarés par la méthode, qui consiste à annoncer la mesure un dimanche et les convoquer le mardi suivant pour en parler, d’où leur rare refus commun. Ce n’est pas à l’Etat de décider que Leclerc ou Carrefour, au lieu de vendre l’essence avec une très faible marge, devrait la vendre sous leur prix de revient ! Tout le monde sait que l’essence est déjà un produit d’appel pour les distributeurs, vendu avec une marge très faible, nettement inférieure aux marges des autres produits. Aller plus loin, à moins de réduire des profits dont le niveau est déjà plus faible que dans la plupart des secteurs économiques, c’est s’exposer à une remontée des prix en magasin, alors même que l’inflation a déjà poussé les volumes à la baisse. Pas étonnant que Michel-Edouard Leclerc ait envoyé une fin de non recevoir au gouvernement en incriminant habillement les raffineries…

 

Pour couronner le tout, le gouvernement a été contraint d’annoncer des mesures d’accompagnement pour les petites stations indépendantes, déjà victimes de cette guerre des prix, que cette mesure pourrait achever… Et le seuil de revente à perte est totalement aberrant car les 25% sur un prix TTC représente en réalité plus de 50% du prix hors taxe ! Comme si les distributeurs allaient vendre 50 un produit qu’ils achètent 100, pour compenser le choix du gouvernement de laisser monter les prix de l’essence ! Ici, la question qui se pose, c’est l’injustice de la fiscalité des hydrocarbures, avec une essence pour les particuliers largement taxée quand le kérosène, le fuel maritime ou le gasoil professionnel sont beaucoup moins, voir pas taxés du tout. Un geste du gouvernement aurait pu être financé par un rééquilibrage de la taxation des hydrocarbures, largement et injustement concentrée sur les véhicules particuliers.

 

« Soyez fiers d’être des amateurs » : la phrase de Macron à ses troupes, résonne bizaremment. Combien d’annonces et de mesures complètement aberrantes ? La macronie, ce n’est pas seulement un conformisme idéologique, confinant à la paresse intellectuelle, une théorie du ruissellement fausse, et des menteurs pathologiques n’ayant peur d’aucune posture invraisemblable, ce sont aussi de si mauvais gestionnaires qu’il est difficile d’imaginer qu’il soit possible de faire pire que ce qu’ils font depuis 2017.