dimanche 8 septembre 2024

Barnier à Matignon : impasse logique et conformiste

Il aura fallu près de deux mois à Emmanuel Macron pour nommer Michel Barnier à Matignon. Un choix finalement assez logique, dans la configuration actuelle de l’Assemblée Nationale, malgré les rodomontades du NFP. Mais si le nouveau Premier ministre est bien moins arrogant sur la forme, sur le fond, derrière un discours prétendument ouvert, c’est la même impasse qu’il va poursuivre…


 

Une issue parfaitement prévisible

 

Finalement, dès l’après second tour des élections législatives, cette conclusion apparaissait comme la plus probable, comme je l’avais écrit les 9 et 14 juillet. Avec 190 députés pour le bloc de gauche, 160 pour le bloc central et 140 pour le RN et ses alliés, tout n’était pas acquis au NFP. L’échec de la gauche pour l’élection de la présidente de l’Assemblée Nationale montrait bien qu’entre laisser la gauche gagner et sauver le bloc macroniste, LR avait une claire préférence, logique tant le macronisme, qui comporte beaucoup de transfuges de droite, est proche. Les militants et les électeurs de LR ne comprendraient probablement pas que leur parti abandonne le pouvoir au NFP alors qu’en s’associant à Macron, ils bloquent l’arrivée au pouvoir de Lucie Castets, et indirectement, de LFI, et pourront pousser l’exécutif plus à droite encore. Un autre choix était-il seulement possible pour le parti de Laurent Wauquiez ?

 

Bien sûr, le NFP crie, bien iréalistement, au « coup de force ». Quand on a à peine plus de 30% des sièges (et encore moins des voix), on ne peut pas considérer que les Français vous ont donné un mandat pour diriger le pays, même si on est le premier bloc officiel de l’Assemblée. En outre, très tôt, un bloc plus important s’est manifesté, l’alliance des macronistes avec LR. Le NFP aurait dû négocier des contre-parties aux accords de désistement d’entre deux tours avec la macronie. Mais rien n’a été demandé avant le second tour, et rien n’a été fait après. Lucie Castets aurait pu négocier (ou demander à, a minima) avec le bloc présidentiel pour former une alliance stable et solide en faisant des compromis représentant les poids respectifs des deux blocs. Bien sûr, une partie non négligeable du programme aurait été renégocié, mais quand on est à 100 députés de la majorité absolue, on n’est pas dans la position d’imposer ses choix.

 

Bien sûr, les chances de faire aboutir, ou même de démarrer, ces négociations, étaient faibles, mais ainsi, le NFP aurait pu rejeter la faute sur le camp présidentiel. En exigeant le pouvoir, sans faire la moindre alliance, sans compromis, et en comptant sur une non censure du bloc central, c’était la position du NFP qui était proche du coup de force… En outre, il n’y avait pas grand-chose à perdre. Les macronistes auraient-ils seulement accepter de discuter ? Un compromis aurait été difficile à construire, tant le NFP veut déconstruire ce que Macron a fait. L’opposition à Bernard Cazeneuve était également discutable, car l’opposition de la droite imposait au bloc central un pas vers la gauche pour éviter la censure, ce qui lui donnait les moyens d’une légère réorientation à gauche de la politique suivie aujourd’hui. L’absolutisme peu démocratique du NFP a une grande part de responsabilité dans le choix de Michel Barnier.

 

Pour couronner le tout, Marine Le Pen s’est payé le luxe d’influer sur le choix du locataire de Matignon en opposant son veto à Xavier Bertrand, signe que le RN n’a pas perdu les législatives, à défaut de les avoir gagnées. Son influence est plus grande, comme son contingent de députés. Il faut noter que c’est l’intransigeance du NFP qui lui a permis d’influer sur le choix de Michel Barnier, et pourrait lui donner une influence sur les politiques à venir. Mais malgré tout, il ne faut pas croire à un grand chambardement politique. Au mieux, il y aura quelques inflexions à droite, sur l’insécurité et l’immigration sans doute. Sur l’économie, le cadre actuel, choisi, validé et défendu par Macron, LR, et le PS, est bien trop contraignant pour permettre un véritable changement de direction. En cela, le ton très ouvert du nouveau Premier ministre avait tout du rideau de fumée sachant son appétence pour l’agenda austéritaire de l’UE…

 

En somme, si le choix d’un Premier ministre LR était l’issue la plus probable des élections législatives, il n’y en aura pas grand-chose à attendre. Sur l’économie et l’UE, Michel Barnier va prolonger, et peut-être empirer l’impasse actuelle. Toute la question qui se pose aujourd’hui, c’est combien de temps il pourra tenir, sachant que le RN ne pourra pas rester longtemps dans une posture conciliante.

21 commentaires:

  1. Heureusement que le nouveau gouvernement va être très bien encadré par la Commission Européenne, la CEDH, la CJUE, le Conseil d’Etat, le Conseil Constitutionnel et le Président de la République pour éviter qu’il ne fasse des bêtises pour faire plaisir au bon peuple, notamment concernant l’immigration!

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    1. Oui, un peuple d'enfants capricieux comme le peuple français doit être sévèrement encadré pour l'empêcher de faire de grosses bêtises. Toutes les institutions anti-démocratiques que vous citez sont précisément là pour ça.

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    2. AUX ANONYMES précédents DU 8 et 9 septembre:
      vous ne connaissez pas la signification du mot "démocratie". Allez vivre en Suisse pour le comprendre.

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    3. N’importe quoi. Une démocratie n’est jamais absolue. Penser qu’un peuple souverain peut décider ce qu’il veut sans aucune limitation est complètement stupide.

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    4. Les droits de l’homme et la constitution sont notamment très loin au dessus du vote populaire.

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    5. Anonyme de 20h04
      Vous pensez qu'un peuple souverain est assez intelligent pour savoir à quel inconnu signer un chèque en blanc, mais trop stupide pour savoir s'il veut être confiné, rouler en voiture chinoise et faire guerre à la Russie.
      Drôle de contradiction !

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    6. La CEDH et la CJUE n'ont pas vraiment de pouvoir concernant les lois que la France vote sur l'immigration. La preuve la plupart des pays de l'UE n'appliquent pas le droit du sol et les conditions pour obtenir le regroupement familial sont beaucoup plus strictes. En fait vous passez votre temps à hurler la contre la France mais les pays de l'UE vont dans une direction de plus en plus stricte contre l'immigration. Mais bon j'écris ça pour les autres, vous vous en avez rien à faire de la réalité, votre haine de la France est claire et nette.

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  2. « En exigeant le pouvoir, sans faire la moindre alliance, sans compromis, et en comptant sur une non censure du bloc central, c’était la position du NFP qui était proche du coup de force… »

    Ces compromis nécessaires, Lucie Castets les aurait faits une fois nommée à Matgnon, ne serait-ce que par instinct de survie politique. On ne peut reprocher au NFP de ne pas avoir recherché d'alliance à priori, encore moins parler d'un "coup de force". Au fond, vous raisonnez comme Macron pour justifier son refus catégorique de nommer Castets qui était le meilleur choix possible (et laussi e plus logique).

    Une fois celle-ci écartée, il ne restait plus au Président qu'à se tourner vers une personnalité issue de LR, à la fois Macron-compatible et bénéficiant de la bienveillance du RN. Le "dinosaure" Barnier faisait l'affaire et sa nomination à Matignon ne pourra que rassurer tous les nostalgiques de la France de Jacques Chirac. La France d'autrefois ressucitée...

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    1. Faux. Les partis politiques auraient d'abord du negocier un accord de gouvernement, s'assurer de pouvoir construire une majorité au parlement et uniquement ensuite proposer un nom pour le poste de premier ministre.

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    2. Vous êtes fatiguant Marc Antoine, le Président a bien fait de ne pas nommer Castes qui allait se faire virer de suite et toucher un prime de départ de 45 000€, chauffeur à vie et pour ses ministres et SE 10 000€ pendant 3 mois

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  3. Le NFP servait à la macronie pour éviter une écrasante victoire du RN, en jouant sur les vices du système électorale français, où le nombre des députés n'est pas proportionnel à celui des électeurs.
    Il fallait créer un bloc capable de s'imposer dans les collèges où le macronie est haïe.
    Il fallait comme l'a fait Edouard Philippe, conseiller de voter communiste.
    Il fallait se désister là où le combat de la macronie contre le RN était perdu d'avance : les ennemis de mes ennemis sont mes amis.
    Peu importe les programmes, dans cette fausse démocratie française où les électeurs ne votent pas pour les programmes mais pour les vedettes de la politique, créées par des média solidement dans les mains de l'AFP et de 3 ou 4 tycoons.
    Une fois réussie la manœuvre, la magouille, le NFP peut aller se rhabiller. La macronie est restée aux manettes.
    Jusqu'aux prochaines élections, du moins.

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  4. Si c'est très bien ainsi laissez le juger aux marchés et au 10% de baisse du CAC40 depuis l'annonce de la dissolution. Pendant que ni DAX ni FTSE/MIB n'ont quasiment bougé. :-)

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  5. @LH:
    Et pendant ce temps, l'Allemagne ferme ses frontières. Une idée qui ne me pose aucun problème. Mais qui révèle une façon très américaine d'exercer son hégémonie sur l'Europe: les règles pour les autres pendant que je m'asseois dessus en fonction de mes intérêts. Sauf que dans ce cas des pays membres soumis à une forte pression migratoire pourraient légitimement demander le droit à l'unilatéralisme. On peut d'ailleurs rappeler que, si Berlin ferme ses frontières, l'Allemagne ne voyait en revanche aucun inconvénient à voir les Chinois racheter Le Pirée. A la limite le choix d'un parcours comme celui de Barnier a le mérite de rendre encore plus évidente la situation du vrai pouvoir.

    JZ

    PS: De façon plus anecdotique, le fiasco de la billetterie de la reformation d'Oasis fut l'occasion pour le Labour se soucier d'une tarification dynamique des places qui ne lui posait pas problème jusque là alors qu'elle existe depuis longtemps Outre-Manche et Outre-Atlantique. Est-ce parce que le pataqués concerne un groupe qui fut très aimé de la working class britannique dans les années 1990 (et fut alors un soutien de Blair) ? Quant à entendre la Commission Européenne déclarer qu'elle souhaite légiférer sur le sujet, c'est le syndrome du pompier pyromane, de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. Quant à ceux qui ont expliqué que le système de tarification indexé sur l'offre et la demande à un instant t existe en train et en aviation, j'ai envie de leur répondre qu'un voyageur peut éventuellement reporter un Paris-Bordeaux à une période moins chargée là où un concert d'artiste est à une date unique.

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    1. La France aussi a déjà eu recours au rétablissement des contrôles aux frontières comme l'Allemagne de façon temporaire. Rien n'empêche les autres pays de le faire

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  6. « Toute la question qui se pose aujourd’hui, c’est combien de temps il pourra tenir, sachant que le RN ne pourra pas rester longtemps dans une posture conciliante. »

    La réponse à cette question est simple : le gouvernement Barnier pourra tenir tant que le RN estimera qu'il est dans son intérêt politique qu'il reste en place.

    En écartant la solution NFP/Castets, Macron a préféré placer le sort du gouvernement dans la main du Rassemblement National, ce qui est, de sa part, une forme de "clarification"...

    Quant à l'anticipation qu'il n'y a « pas grand-chose » à attendre d'un gouvernement LR-Horizons dirigé par Barnier, c'est même pire que ça : il n'y a strictement rien à en attendre. La politique pro-UE, pro-OTAN, pro-Israël, et pro-oligarchie financière va continuer de plus belle.

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    1. Et c’est très bien ainsi, pas besoin de changer de politique !

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    2. Le gouvernement Castets n'aurait duré que quelques jours donc Macron en ne pas la nommant il nous a évité de lui payer des indemnités de départs à elle et ses ministres. Quant à la politique "pro-Israël", la majorité des français est contre la destruction d'Israël donc, t'as vraiment la haine de la France pour voter pour un parti qui crache en permanence sur la France uniquement parce qu'il crache aussi sur Israël

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    3. D'ailleurs LFI et EELV soutiennent la politique de l'Allemagne en matière de destruction du nucléaire français. Je vous rappelle que Dominique Voynet a été réélue alors qu'elle a été clairement trahi son pays
      https://www.youtube.com/watch?v=Vd6dXI36UkE&themeRefresh=1

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    4. Si elle a trahit son pays, le mieux serait si vous déposiez une plainte.

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