lundi 7 octobre 2024

Israël un an après : les limites de la loi du plus fort

Il y a un an, Israël subissait la plus violente attaque terroriste de l’histoire moderne, dans des circonstances particulièrement barbares. Depuis, la démonstration de force offensive et défensive d’Israël a été impressionnante. Mais, comme le redoutait François Ruffin il y a un an, sa brutalité porte en elle les mêmes limites que celles de l’action des États-Unis après les attentats de 2001.

 


Joue-la comme l’Oncle Sam…

 

Bien sûr, il ne faut pas sous-estimer la violence extrême du choc subi par Israël il y a un an : 1200 personnes massacrées, dont 800 civils, dans de multiples actes terroristes coordonnés. Sachant qu’Israël compte dix millions d’habitants, proportionnellement, cela équivaut à 36 000 victimes aux États-Unis en 2001, douze fois plus que le 11 septembre ! Quantitativement, le bilan est effroyable, et à cela s’y ajoute le caractère encore plus horrible des circonstances d’une grande partie de ces morts, entre festivaliers massacrés, comme un écho aux victimes du Bataclan en France, et des familles décimées dans des kibboutz d’une manière trop souvent particulièrement inhumaine et barbare. A cela, s’y est ajoutée la prise de 251 otages, dont une centaine se trouveraient toujours dans la bande de Gaza selon l’AFP.

 

Le 7 octobre 2023, François Ruffin s’était distingué de sa famille politique d’alors en réagissant de manière équilibrée et en pointant déjà « que la réponse soit dans les mains du gouvernement israélien le plus brutal depuis 30 ans nourrit les plus grandes craintes pour les populations civiles palestiniennes et israéliennes prises dans le conflit, et vers qui nos pensées se tournent à cet instant». Un an après, la réaction d’Israël interpelle. Tel Aviv a montré sa force en décapitant les organisations terroristes derrière les actes atroces du 7 octobre, et le dôme de fer a montré sa capacité à se protéger des agressions de l’Iran. Le plus fort dans la région, c’est toujours Israël. La terrible menace existentielle qui pèse sur le pays l’a poussé, avec l’aide des États-Unis, à développer un arsenal militaire très puissant.

 

Mais, un an après, il faut quand même questionner la façon dont cet arsenal est utilisé. La chasse des terroristes du Hamas a provoqué la mort d’au moins trente à quarante mille personnes à Gaza, dont plus de dix mille enfants. Sachant qu’il a deux millions d’habitants à Gaza, cela est l’équivalent de 150 à 200 mille morts à l’échelle d’Israël. Ces comparaisons, aussi délicates soient-elles, posent tout de même la question de la proportionnalité de la réponse de l’État hébreu. D'autant plus qu'une grande partie de Gaza a été détruite, abandonnant les survivants à un champ de décombres. Bien sûr, il ne s’agissait pas de laisser les actes horribles du 7 octobre impunis. Mais là, le gouvernement de Benyamin Netanyahou ne va-t-il pas bien trop loin dans la destruction de la bande de Gaza et le nombre de victimes associées ? Yaïr Golan, leader de la gauche en Israël dénonce une politique « qui affaiblit l’Autorité palestinienne et renforce le Hamas » et appelle à « une solution à deux Etats avec une responsabilité sécuritaire ».

 

En somme, Israël semble se comporter de la même manière que les États-Unis de Georges Bush après le 11 septembre. En réponse aux attentats, en ciblant bien plus que les terroristes, l’Oncle Sam avait détruit l’Afghanistan et l’Irak, faisant des centaines de milliers de morts, et laissant ces pays dans un chaos complet, terreau propice au terrorisme et aux islamistes les plus obscurantistes. Il est triste qu’Israël suive ce sinistre exemple, qui indique que ce n’est pas ainsi que l’on vient à bout du terrorisme, bien au contraire. D’ailleurs, en conséquence, l’opinion publique internationale exprime une solidarité grandissante avec le terrible destin des Palestiniens, bombardés, tués, colonisés et occupés par Israël. Et malheureusement, beaucoup de juifs subissent le retour d’un antisémitisme que l’on espérait disparu.

 

Le problème du comportement d’Israël aujourd’hui, comme celui des États-Unis hier, c’est que ses dirigeants imposent la loi du plus fort, qui n’a que faire de l’opinion de la communauté internationale. Mais si cela est possible aujourd’hui, parce qu’Israël est le plus fort, cela pose un double problème. D’abord, cela créé un nouveau précédent détestable où le plus fort fait ce qu’il souhaite. Et cela revient à ignorer qu’un jour peut-être, Israël ne sera peut-être plus le plus fort dans la région…

12 commentaires:

  1. Laurent , vous dites : « La terrible menace existentielle qui pèse sur le pays l’a poussé, avec l’aide des États-Unis, à développer un arsenal militaire très puissant. Mais, un an après, il faut quand même questionner la façon dont cet arsenal est utilisé. »

    Après un an de pilonnage intensif à coup de bombes JDAM dévastatrices qui ont déjà détruit 59% du bâti de l'enclave palestinienne (74% de la ville de Gaza est détruite), il est temps de commencer à se poser ce genre de question !

    D'autant plus qu'Israël entend bien utiliser cet arsenal surpuissant pour « remodeler » le Proche/Moyen-Orient à son avantage (jusqu'à provoquer un changement de régime en Iran...). Oui, tout cela rappelle fâcheusement les Etats-Unis de George Bush post 11 septembre et leur « guerre contre la terreur » qui a (notamment) plongé l'Irak dans un chaos dont ce pays n'est jamais sorti.

    Quant à la « terrible menace existentielle » qui pèserait sur Israël (et justifierait cet arsenal), c'est surtout un fantasme anxiogène qui pourrait bien, à terme, se transformer en prophétie auto-réalisatrice.

    RépondreSupprimer
  2. @ Marc-Antoine,

    Bien d’accord. D’ailleurs, je souligne et dénonce depuis les débuts du blog les excès d’Israël.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je sais. Mais la critique des "excès" est-elle suffisante ?

      Supprimer
    2. @ Laurent Herblay
      Vous êtes "bien d'accord"' avec Marc Antoine quand il affirme que " terrible menace existentielle" c'est surtout "un fantasme" ? La volonté de détruire Israël de la part des mouvements ou Etats islamistes ce n'est pas un fantasme ?
      @Marc-Antoine
      Vous voulez qu'il fasse quoi exactement? Qu'ils fasse comme vous la promo d'hommes ou femmes politiques qui crachent tout autant sur la France en l'accusant d'islamophobie dans les institutions internationales ?

      Supprimer
    3. L’islamophobie et le racisme systémique en France sont une réalité qu’il faut dénoncer avec beaucoup d’énergie.

      Supprimer
    4. Non. Ce n'est pas Edogan le président d'un Etat réellement raciste et négationniste du génocide arménien qui fait la loi en France. On n'est donc pas obligé de dénoncer quoique ce soit avec les immenses hypocrites qui hurlent au racisme systémique et à l'islamophobie comme Erdogan mais n'ont pas dit un mot sur la tentative de viol antisémite et homophobe à Pantin cette semaine. C'est pas l'islamophobie qui tue en France mais l'islamisme antisémite et homophobe.

      Supprimer
  3. "Et cela revient à ignorer qu’un jour peut-être, Israël ne sera peut-être plus le plus fort dans la région…"
    Admettons, en quoi le fait d'avoir respecté à la la lettre le droit international ça va lui garantir que ses voisins vont pas l'attaquer ce jours là? La loi du plus fort à l'international ce n'est pas qu'Israël qui l'applique. USA, Russie, Turquie aussi. Mais si non vous ne vous interrogez pas du tout sur la situation en France. L'opinion publique française est loin de manifester une solidarité grandissante envers les Palestiniens, parce qu'elle sait très bien que les mouvements pro-palestiniens nourrissent généralement la même haine envers la France qu'envers Israël, donc il s'agit d'une cause devenue essentiellement identitaire. L'extrême gauche LFI est de plus en plus contaminé par cette cause et au final c'est pas à Israël que le problème va se poser, mais à la France elle même car autant ces militant ne peuvent faire grand chose contre Israël, contre la France ils ont une capacité de nuisance très importante.

    RépondreSupprimer
  4. Vous vous inquiétez pour l'avenir d'Israël mais quand on regarde les données démographiques le risque d'islamisation en France est bien plus fort qu'en Israël. En 2065 le pourcentage de musulmans israéliens diminuera même selon les projections. En France en revanche il ne cesse d'augmenter, contrairement à ce qui se passe en Israël ou les indices de fécondité sont plus au moins les mêmes chez les Juifs et les musulmans et l'immigration musulmane est presque nulle, en France la fécondité des musulmans est supérieur à celle des non musulmans et l'immigration musulmane très importante. Bref si j'étais vous je m'inquiéterais plus pour l'avenir de la France quoi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. La transition démographique fera évoluer la France, mais il n’y a pas de raison particulière de s’inquiéter, à moins d’être raciste!

      Supprimer
    2. D'ailleurs il suffit de regarder le comportement des députés LFI élus dans les circonscriptions islamisées. Pas un pour dénoncer la tentative de viol antisémite et homophobes à Pantin cette semaine. Les mêmes qui sautent sur n'importe quel fait divers pour hurler aux "racisme systémique" et à l'"islamophobie". Des immenses fraudes qui font du clientélisme électoral religieux, des immenses fraude comme Erdogan qui accuse la France de "racisme systémique" et d'"islamophobie" alors qu'il est a la tête d'un Etat RACISTE et négationniste du génocide arménien

      Supprimer
  5. @ Marc-Antoine,

    Bien d’accord pour dire que la critique n’est pas suffisante. Je pense qu’Israël mérite des sanctions : c’est un discours que j’ai déjà tenu sur le blog. Les chiffres que vous mentionnez sont tristement parlant. Qui va payer pour reconstruire Gaza ? Nous pourrions aussi reprendre les déclarations de certains ministres ou parlementaires israéliens particulièrement choquantes (que ce soit sur les palestiniens, ou le territoire qu’Israël occupe).

    Sur la menace existentielle, en revanche, je pense qu’elle existe. Le pays a vécu des agressions et la guerre. Bien sûr, cela commence à remonter, et on peut croire aujourd’hui que cette menace n’est plus réelle, dans le sens où personne n’a les moyens de véritablement la mettre à exécution. Mais certains israéliens l’ont vécu dans leur chair il y a plus de 50 ans, et il y a tout de même des courants de pensée, et même des dirigeants d’autres pays qui la profère. Certes, c’est largement virtuel aujourd’hui. Mais avec l’Iran qui veut accéder à l’arme nucléaire, cela pourrait devenir plus concret. Cela justifie l’arsenal, mais cela ne devrait pas justifier les abus de la loi du plus fort. Car, et je suis bien d’accord avec le caractère auto-réalisateur, que se passera-t-il le jour où Israël ne serait plus le plus fort.

    @ Anonyme 22h06

    Respecter le droit international dans la durée créé un précédent : ceux qui pourraient vouloir ne pas respecter ce doit contre Israël seront forcément moins enclin à le faire si, précédemment, Israël l’a fait. Le fait qu’Israël n’en tienne pas du tout compte depuis si longtemps créé un fâcheux précédent.

    D’accord poru dire que la porosité de certains soutiens de la Palestine avec des idées antisémites ne facilite pas les choses. Les extrémistes ne servent que leur cause personnelle, pas l’intérêt général. Il me semble cependant que l’opinion publique française, constatant les dégâts causés à Gaza, est de plus en plus sensible à la cause palestinienne (cf la jeunesse et les campus).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Laurent Herblay
      La jeunesse française, la même qui, selon les sondages, est favorable à la suppression de la loi de 2004 considérée comme islamophobe et au rétablissement, de facto, au délit de blasphème ? Quant aux campus, les activistes pro-palestiniens sont très minoritaires, mais avec leurs actions spectaculaires (occupations de la Fac, arrachage des affiches avec les otages) attirent plus l'attention que la majorité silencieuse qui est indifférente. Alors bien sûr les jeunes sont souvent en désaccord avec leurs aînées et puis la plupart du temps changent d'avis, lâchent les modes et se font leur propre avis, c'était déjà comme ça il y a vingt ans quand la majorité des jeunes était favorable à l'entrée de la Turquie!!! Cependant en matière de laïcité c'est aussi le résultat d'un changement démographique, la population musulmane étant bcp plus jeunes que la moyenne est surreprésentée dans cette tranche d'âge et la porosité n'est pas uniquement avec l'antisémitisme ma avec la haine de la France. Quant aux sanctions, tant que la France demeure incapable d'assurer la sécurité à ses citoyens Juifs, elle ne pourra en prendre aucune.

      Supprimer