La panique budgétaire apparue en début d’année a gonflé jusqu’à la présentation d’un sévère budget d’austérité par Michel Barnier la semaine dernière. Si, derrière quelques grosses ficelles de communication, se cachent le plus souvent les vieilles recettes Sarkozy et Hollande, il convient de se poser la question des raisons de ce dérapage budgétaire, dont beaucoup ont à voir avec l’UE et l’euro.
Une faillite du bloc central et du projet européen
Mais outre une incapacité à seulement gérer notre budget, qui qui impose de savoir analyser et prévoir, c’est une faillite plus profonde que révèle ce fiasco budgétaire : la voie prise depuis des années est une impasse. Bien sûr, les oligarchistes retournent la crise actuelle en affirmant que ce serait parce que ceux qui sont au pouvoir ne seraient pas allés assez loin dans les « réformes » que notre pays irait mal. Cette inversion accusatoire, qui les fait dépeindre Macron et compagnie comme trop indulgents (!!!) avec notre modèle social et la fonction publique, aussi répandue soit-elle, est fausse. Cela fait depuis la commission Attali que ceux qui nous dirigent déconstruisent notre modèle social et le pressure. S’il n’est pas malhabile rhétoriquement, cet argument ne prend pas quand on considère le manque de professeurs ou de soignants, et leurs salaires dérisoires, tout comme les coupes dans les retraites et les allocations.
L’austérité est là depuis longtemps, quasiment en continu depuis 2010, à l’exception de la période Covid. Et on pourrait revenir plus loin en convoquant le tournant de 1983, l’austérité délirante du début des années 1990 pour maintenir la parité franc-mark stable, ou celle de 1995. Voilà pourquoi il faut revenir à la racine des raisons de ce dérapage budgétaire. Seulement incriminer l’inconséquence budgétaire des sortants est insuffisant, car une grande partie de nos services publics souffrent d’un grave manque de moyens depuis trop longtemps, sans qu’un effort particulier ait été fait dans les dernières années (à l’exception de la défense peut-être). On peut aussi insister sur la folie qui a consisté à continuer à émettre des bons du Trésor indexés sur l’inflation, qui ont généré des surcoûts monstrueux du service de la dette depuis trois ans. Et cela nous amène aux responsabilités de l’UE et de l’euro dans la situation actuelle.
Le choc inflationniste est une des raisons du dérapage actuel, sous la forme d’une très forte augmentation des coûts de l’électricité pour tous les services publics, même s’ils ont bénéficié du coûteux bouclier tarifaire. Et ce choc inflationniste est un choc complètement artificiel pour un pays comme le nôtre dont environ 90% de l’électricité vient du nucléaire ou est d’origine renouvellable. C’est parce qu’il y a un « marché » unique de l’électricité et un prix unique, que nos dirigeants ont accepté, que le prix de l’électricité est fixé sur le prix marginal de production des centrales à gaz, et non en fonction des coûts de production de chaque pays, que les prix ont tellement monté en France. Sans « marché » et prix unique de l’électricité, pas de choc inflationniste, pas de bouclier tarifaire, une meilleure croissance et une plus grande attractivité de notre pays pour produire, au détriment de notre voisin allemand notamment.
Et peu ou pas de choc inflationniste, ce sont des taux beaucoup plus bas, et donc un service de la dette qui ne progresse que lentement. Bref, le pseudo-marché européen de l’électricité, accepté et conçu par ceux qui nous dirigent depuis trop longtemps, a une grande part de responsabilité dans la crise actuelle. En outre, cela a poussé la BCE à monter les taux, ce qui augmente le budget des intérêts de la dette (alors que les banques centrales européennes ont cessé de racheter la dette de leur pays). Hors du pseudo-marché européen de l’électricité et hors de l’euro, chaque pays aurait pu mener une politique monétaire adaptée à sa situation. Hors « marché » unique européen de l’électricité, et hors de la monnaie unique, la France aurait été un ilôt de stabilité, avec moins d’inflation, des taux plus bas, nous épargnant l’envolée du coût des intérêts d’emprunt directement issue des choix européens et un budget plus serein.
Structurellement encore, l’appartenance à l’UE et à l’euro, ce sont aussi des frontières grandes ouvertes, aux produits venus de toute l’UE (et pas que), dont certains ont des prix de production souvent structurellement bien plus faibles que nous. Ceci provoque un déficit commercial structurel extrêmement fort, qui creuse directement notre déficit budgétaire. Tous les produits qui viennent de l’étranger contribuent bien moins à notre budget. Et l’accentuation du déficit commercial pèse doublement sur notre budget car s’y ajoutent toutes les sommes folles consacrées depuis plus de 10 ans à améliorer notre compétitivité : plus de 100 milliards d’euros par an de mesures qui ont été décidées à cette fin, dont le fiasco se lit autant dans le déficit commercial, qui reste à un niveau très élevé, que dans le déficit budgétaire.
Pour finir, l’appartenance à l’UE et à l’euro, c’est aussi la plongée de notre pays dans le paradis des parasites fiscaux. Tous les capitaux, produits et services circulent sans contraintes, ou presque, dans un espace comportant des parasites qui font un dumping fiscal monstrueux par les manipulations comptables permises par le cadre de l’UE. C’est ainsi que l’Irlande, 2% de la population de l’UE, 3% du PIB, capte à elle seule 100 milliards des 175 milliards de profits des multinationales étatsuniennes en Europe… Et avec des profits en hausse dans la valeur ajoutée, et dont une part grandissante échappe en grande partie à un pays comme le nôtre, cela créé un double appauvrissement... La désertion fiscale totale est estimée aujourd’hui entre 60 et 100 milliards d’euros par an, plus que le dérapage du budget.
En clair, ce ne sont pas des dépenses inconsidérées pour la population ou nos services publilcs qui expliquent la crise actuelle, mais deux raisons bien différentes. D’abord, les mesures de la politique de l’offre, environ 100 milliards par an, sans aucun effet sur notre commerce. Et plus encore, toutes les caractéristiques délétères de cette Union Européenne qui nous appauvrit de multiples manières.
Si les coûts de production dans d’autres pays sont plus bas, il suffit de les réduire fortement en France notamment en ajustant les salaires. Dire qu’un SMIC chinois serait acceptable pour un travailleur chinois mais pas pour un travailleur français est du racisme pur et simple.
RépondreSupprimeranonyme de 19h33
Supprimerseulement dans les économies communistes (s'il en reste) les salaires sont "ajustés" - comme vous écrivez - par le gouvernement.
Partout ailleurs les salaires sont formés par l'offre et la demande de travailleurs.
La politique de Brüning (reproduite en Grèce) n'a pas eu des résultats terribles.
SupprimerAprès mai 68 et les augmentations importante de salaire en France, est-ce que la balance commerciale française s'est effondrée? Un équivalent d'un CICE a t'il été mis en place?
Non car la monnaie française a été dévaluée et ce choc asymétrique (cf interview de M FRIEDMAN sur la sainte monnaie) a été encaissé facilement par l'économie française sans brûler des fortunes dans un CICE.
Milton Friedman :
"Les taux de change des différentes monnaies fournissaient un mécanisme pour s’adapter aux chocs et aux événements économiques qui affectaient des pays différents, différemment. En établissant la zone de monnaie commune, l’euro, les pays séparés rejettent essentiellement ce mécanisme d’ajustement. Qu’est-ce qui s’y substituera ?
Peut-être auront-ils de la chance. Il est possible que les événements, qui apparaîtront dans les 10 ou 20 années prochaines, seront communs à tous les pays ; il n’y aura pas de choc, pas d’événement économique qui affectera les différentes parties de la zone euro asymétriquement. Dans ce cas, ils s’entendront très bien et peut-être les pays séparés desserreront-ils progressivement leurs réglementations, se débarrasseront-ils de certaines de leurs restrictions et s’ouvriront-ils de sorte qu’ils seront plus adaptables, plus flexibles.
D’un autre côté, la possibilité plus vraisemblable est qu’il y aura des chocs asymétriques frappant les différents pays. Cela signifiera que le seul mécanisme d’ajustement dont ils pourront se satisfaire sera budgétaire et fiscal, avec du chômage : pression sur les salaires, pression sur les prix. Il n’y aura pas d’échappatoire."
Excellent s'il y a une pression sur les salaires!
SupprimerAnonyme de 19:18: L'Etat peut parfaitement ajuster (à la baisse) les salaires des fonctionnaires ainsi que le SMIC, cela aura certainement un impact.
SupprimerANONYME DE10h19
Supprimer"cela aura certainement un impact."
Si la baisse est significative (autrement elle ne servira à rien) l'impact sera le suivant:
1) chute des prix immobiliers
2) de milliers de postes de profs et infirmiers/aides soignants non remplis
A part de rares exceptions dans l'aérospatial, luxe et pneus, les produits français ne sont pas compétitifs pour une question de technologie/qualité, non pas de coût du travail
ANONYME DE 8h12
SupprimerLe problème prophétisé par Friedman est du au refus des gouvernements européens de construire une économie européenne intégrée, avec des lois communes, un marché du travail commun, des entreprises transfrontalières, une fiscalité commune, comme aux USA.
L'Europe économique a été faite à moitié. Nous sommes à moitié du gué. Soit nous revenons en arrière , plus d'Euro et retour des douanes, soit nous achevons la construction, en éliminant les particularismes nationaux (en économie bien entendu, je ne parle pas de la culture et de la langue).
La Suisse est un exemple d'intégration parfaitement réussie
@ 18 octobre 2024 à 18:51
Supprimer"On ne fait pas une omelette avec des œufs durs"
Le saut fédéral implique des transferts fiscaux colossaux du centre de la zone monétaire vers l'extérieur. Certaines unes des journaux du centre en 2015 envers la Grèce laissent songeurs sur l'acceptation de ces populations à ces transferts.
De plus au vue de la pyramide des ages allemande, la petite base de la pyramide aura déjà beaucoup de monde a aider sur son sol avant d'aider ses voisins.
La sainte monnaie aurait due disparaître en 2012, elle n'a été sauvée que grâce à la planche à billet ("Whatever it takes") utilisée pour faire baisser artificiellement les taux d’intérêts des états.
Des transferts fiscaux colossaux? N'importe quoi. Quel est le problème s'il y a des régions / pays riches dans l'UE et des régions / pays pauvres?
Supprimer"transferts fiscaux colossaux"
Supprimeril me semble que dans les autres fédérations (USA, Allemagne, Inde, Suisse) des régions/états richissimes (New York, Texas, Californie etc) cohabitent avec d'autres très pauvres (Mississippi, New Mexico, Alabama etc);
ces transferts fiscaux colossaux ne semblent donc pas indispensables...
Budget % PIB
SupprimerUE 1%
USA (état fédérale) 6%
Je doute que le Missouri donne plus qu'il ne reçoit de l'état fédéral amirequin.
Le parisien accepte qu'une partie de ses impôts aille en Corse.
L'allemand de l'ouest a accepté d'aider les allemands de l'Est au début des années 90.
Un italien du Nord accepte d'aider le Sud de l'Italie (Mezzogiorno) depuis 1861.
La colonie grecque doit rembourser 100% de "l'aide" reçut en 2015.
Dans le budget fédéral USA il n'y a pas de transferts significatifs d'un état à l'autre.
Supprimer42% est pour la sécurité sociale et santé (qui sont de compétence fédérale) 25% pour la défense (idem), etc
Chaque état lève l'impôt à son niveau, et finance ses propres compétences (écoles, routes, parcs, ..) par ses propres moyens.
La même chose se produit dans d'autres états fédéraux, comme la Suisse, où d'ailleurs beaucoup de lois varient d'un état à l'autre, comme les salaires, les fiscalités, etc etc.
L’Union Européenne est tellement en échec qu’Ursula a été facilement réélu en obtenant même plus de voix qu’en 2019!
RépondreSupprimeranonyme de 19h35
SupprimerUrsula ? Attendez au moins les résultats du procès qui la concerne sur les vaccins Pfizer.
LAURENT HERBLAY
RépondreSupprimerIl est un peu difficile d'attribuer la Bérézina budgétaire française à l'Europe, quand on voit le grand nombre de pays européens qui ont un meilleur budget que la France.
@ Anonyme 19h33
RépondreSupprimer« Il suffit de réduire fortement les coûts de production en France, notamment en ajustant les salaires » : cela sent le commentaire de quelqu’un qui ne fait pas partie de ceux dont on ajusterait le salaire… C’est monstrueux comme raisonnement : c’est la course permanente au moins-disant social, salarial et environnemental. On amène tout le monde au niveau des salaires du Bangladesh ? Tout le contraire de ce qu’il faudrait faire : les ajustements doivent être monétaires et il faut des écluses commerciales pour protéger les salariés.
@ Anonyme 18h51
Une plus grande intégration de la zone euro (déjà extrêmement intégrée) n’y ferait rien. Après 70 ans passés dans un même pays, les tchèques et les slovaques ont conclu qu’ils avaient besoin de deux monnaies distinctes au début des années 1990.
« élimination des particularismes nationaux » : vous vous rendez compte de la violence de vos propos et de l’extrémisme de vos positions ?
@ Anonyme 19h22
Si la Grèce et l’Italie ont un budget plus équilibré, le reste est dramatique : exode de la population, recul de la population, chute du PIB/habitant, niveau de dette préoccupant. Il n’y a aucun pays qui s’en sort vraiment bien dans l’UE (au niveau de la population). L’Espagne va un peu mieux que la moyenne en ce moment, mais parce qu’elle a fait un pas en dehors de l’UE, en sortant du marché européen de l’électricité.
Laurent Herblay
Supprimer"Si la Grèce et l’Italie ont un budget plus équilibré, le reste est dramatique : exode de la population, recul de la population, chute du PIB/habitant, niveau de dette préoccupant. "
En Italie il n'y aucune chute du PIB/habitant, qui a au contraire augmenté de plus de 10% dans le 10 dernières années (performance supérieure à la France). Le recul de la population est plutôt une bonne chose, dans un pays peuplé presque comme la France, dans un territoire de 40% plus petit. Et pourquoi parler de la Grèce quand il y a le Pays Bas, la Belgique, le Portugal, l'Autriche, l'Allemagne, etc etc, se portant tous mieux que notre pays du point de vue budgétaire, et parfois socio-économique.
" vous vous rendez compte de la violence de vos propos et de l’extrémisme de vos positions ?"
Si nous voulons construire un économie européenne intégrée, nous devons annuler les particularismes économiques nationaux, à savoir la prétention de Paris d'imposer en France une fiscalité, un code du travail, une politique économique et sociale radicalement différents que dans les autres pays européens.
Nombre de fédérations ont réussi ce pari, les USA bien sûr mais aussi la Suisse, tout en gardant des langues et cultures séparées, comme l'Inde, le Brésil etc etc
Il n'y a rien de violent, ce n'est que la logique conclusion du processus d'intégration économique commencé avec l'union douanière et la monnaie commune. Si on veut renoncer, mieux vaut renoncer aussi à l'Euro et au marché commun, avec un Frexit qui aurait les mêmes conséquences dramatiques que celles connues par la GB, mais sans avoir leurs rapports privilégiés avec le grands marchés US et Canada, et sans avoir leur contrôle sur le grand coffre fort de la richesse mondiale que sont les centres offshores (Cayman, Jersey, Bermuda etc)
À Laurent Herblay: « Protéger les salariés contre la concurrence « ? Je suppose que si un joueur de tennis professionnel est obèse parce qu’il mange trop de chocolat et ne s’entraîne pas, vous souhaiteriez également le protéger contre la concurrence au lieu de lui demander de faire des efforts pour devenir compétitif ?
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