samedi 16 novembre 2024

Le fiasco du soi-disant modèle allemand

Cela fait depuis près de vingt ans qu’une grande partie des élites de notre pays présente l’Allemagne comme le modèle à suivre, malgré les remises en perspective de nombreuses personnes. Un graphique du Financial Times repéré par Philipp Heimberger achève de mettre à bas ce faux modèle que plus de vingt ans de recul disqualifient de plus en plus, avec la stagnation des 5 dernières années.


 

Réussite oligarchiste temporaire à coût social immense

 

Bien sûr, l’Allemagne peut se glorifier de ses excédents commerciaux et la bonne tenue de son budget et de son endettement. Mais si un excédent commercial et un budget plus équilibré ont des vertus, qui peuvent ruisseler (le premier est synonyme d’un plus grand nombre d’emplois, et le second évite les dangers d’une gestion trop laxiste), nous voyons bien aujourd’hui les limites de ce prétendu modèle. Le Financial Times rappelle que si l’Allemagne a connu un boom de 2006 à 2008, puis une bonne croissance de 2010 à 2018, le pays a beaucoup souffert depuis l’an 2000. D’abord, il faut rappeler que l’Allemagne était vue, au début des années 2000, comme le pays malade de l’UE, du fait d’une absence de croissance, pénalisée par les mesures des lois Harz et la précarisation des salariés qui est venue avec.

 

Ensuite, parce que le modèle économique du pays est tourné vers les exportations, les crises économiques, qui affectent généralement fortement le commerce, ont un impact disproportionnellement élevé sur le pays. C’est ce que l’on voit avec la chute forte du PIB en 2008-2009, puis lors du Covid. Ce prétendu modèle manque de résilience et accentue les crises au lieu de les amortir. Pire, pour qui prend du recul, une dizaine d’années de bonne performance économique sur près d’un quart de siècle, ce n’est pas une grande réussite. Notre voisin a payé la compétitivité qui l’a porté pendant une grosse dizaine d’années d’une stagnation au début du siècle, et depuis 2018, son modèle est en panne. Logiquement, les excédents commerciaux ne montent pas jusqu’au ciel, et des concurrents, notamment asiatiques, émergent…

 

Qui plus est, le coût de cette réussite temporaire a été énorme. Comme l’avait bien pointé Olivier Berruyer, très tôt, la compétitivité du pays s’est construite sur un appauvrissement des classes populaires, précarisées par les lois Harz, qui ont fait diverger le haut et le bas de la pyramide sociale allemande sur le modèle anglo-saxon. En clair, les bons résultats économiques ne profitaient qu’à une minorité. En outre, la rigueur budgétaire allemande s’est aussi traduit par un manque d’investissement dans les infrastructures, y compris dans les infrastructures, qui pénalise le pays et la population. Sans le gaz russe et sans filière nucléaire, l’industrie du pays souffre d’une énergie beaucoup trop chère face à l’Asie et à l’Amérique, même si les règles européennes lui ont permis de se prémunir de la concurrence de la France

 

D’ailleurs, l’instabilité politique et la montée des partis radicaux montrent bien que la situation du pays est loin d’être bonne et qu’une grande partie de la population ne tire guère de profit de ce modèle. On peut aussi pointer l’explosion des arrêts maladie dans le pays, conséquence des côtés obscurs de ce prétendu modèle. Bien sûr, tout est fait, depuis les lois Harz, pour la compétitivité, mais le coût social a été énorme, et ce modèle pose deux problèmes majeurs. D’abord, il est non réplicable et non coopératif car si tous les pays de l’UE le suivent, il finit par être vain : le premier qui démarre est temporairement gagnant, mais si les autres pays s’alignent, alors tout est remis à zéro. C’est une des raisons du ralentissement actuel. Et il est vain dans un monde où le SMIC reste inférieur à 100 euros dans certains pays.

 

Bref, les nuages qui s’accumulent sur l’Allemagne pourraient bien être là pour longtemps, et entre un bilan passé loin d’être si enchanteur, et un avenir de plus en plus sombre, il convient de constater que le « modèle allemand » qui a servi d’inspiration à Sarkozy, Hollande et Macron, est une impasse complète, un chemin qui ne profite qu’à une minorité. Il est vraiment temps de tourner la page.

10 commentaires:

  1. @laurent herblay
    vous aimez les longs discours, je préfère les chiffres
    Evolution du revenu median en Europe 2000-2024 (source Eurostat)
    Roumanie 200%
    Pologne 150%
    Tchequie 140%
    Norvège 92%
    Suède 83%
    Danemark 81%
    Grèce 50%
    Royaume Uni 47%
    Allemagne 39%
    Italie 34%
    France 20%
    Après consultation des chiffres, on peut conclure que si le modèle allemand est un fiasco (possible), alors le modèle français est un double fiasco, et le pire d'Europe

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    1. @ Anonyme

      Merci de m’avoir poussé à chercher quelques données complémentaires. Ce que nous mentionnez, c’est une augmentation du salaire média, sans prendre en compte l’évolution des prix. Certes, en Pologne, le salaire médian a progressé de 150%, mais l’inflation a été de 106,8% de 2000 à 2023 (je n’ai pas trouvé 2024), donc le salaire média réel n’a progressé que 20,9% (et même moins en prenant en ajoutant l’inflation 2024). Cela ne change rien à la mauvaise performance de la France, malheureusement cohérente avec ce que je décris depuis trop longtemps sur mon blog. Merci pour l’idée d’analyse que je vais ajouter à mon prochain papier : le recul du pouvoir d’achat du salaire médian dans de nopmbreux pays européens est accablant.

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    2. Pourquoi vous donnez le batôn pour vous battre ?
      Si vous prenez en compte l'inflation, qui est en France de 56.7% de 2000 à 2024, vous avez un RECUL de salaire médian réel français de 36% dans la même période.

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    3. @ Anonyme

      Visiblement, vous ne savez pas lire. J’ai écrit « cela ne change rien à la mauvaise performance de la France ». Et soit dit en passant, le salaire médian en Allemagne a reculé de plus de 10% sur la période, signe que leur modèle n’en est pas un.

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  2. Merci d'illustrer mon papier du jour et de lancer le 2ème papier de suite, qui va traiter du cas français. Je n'ai jamais dit que les politiques menées en France sont les bonnes. En revanche, cette statistique (dont je veux bien la source), me semble étrange : 50% de progression du revenu médian en Grèce, cela semble très surprenant. Peut-être avant inflation ?
    Et en tout cas, cela illustre le fait que le modèle allemand n'en est pas un puisque le revenu médian progresse de manière médiocre malgré les excédents extérieurs énormes qu'ils réalisent

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    1. “Pénalisée par les Lois Hartz”: mais c’est totalement faux. C’est exactement le contraire : l’Allemagne était l’homme malade de l’Europe et ce sont justement les lois Hartz qui ont permis à l’Allemagne de devenir plus forte.

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    2. La force d'un pays ne se mesure pas uniquement à sa situation commerciale ou budgétaire. Le destin de sa population est au moins aussi important et il n'est pas bon.

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    3. Quand vous parlez du destin de la population, il est évident qu’il ne faut pas prendre pour référence ceux qui sont nuls et ont complètement raté leur carrière professionnelle.

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  3. Merci d’illustrer mon papier précédent sur les différentes formes de xénophobie, avec votre xénophobie sociale marquée

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    1. Et que ces gens-là sont incultes !
      Tous leurs raisonnements tournent autour d'un ou deux concepts sortis d'une école de gestion du bas du tableau.
      Dans n'importe quel cours d'une unité d'enseignement de base de première année en physique ou en maths, il y a déjà plus de richesse conceptuelle que dans tout le vomi que ces gens-là produisent en une vie entière de commentaires...

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