Tout ça pour ça : François Bayrou à Matignon… La configuration de l’Assemblée appelait depuis juillet à une telle solution, mais Emmanuel Macron a beaucoup tergiversé, et voulait rester en position de force. Il a fini par céder à son soutien de la première heure. Mais l’intérêt des six derniers mois a été de clarifier le paysage politique en accélérant le rapprochement du bloc central, tout en en accentuant l’affaiblissement, tant ses postures ont semblé mal venues, malhonnêtes et exagérées.
Champ de ruine politique et crépuscule de la gauche
Au final, le virage à 180 degrés n’était probablement pas possible juste après les élections législatives. Les élus PS l’ont été sur un programme de rupture avec Macron, et sur la base d’une alliance avec LFI. Mais sur le fond, c’est bien le PS qui a enfanté Macron, et lui a fourni une bonne part de ses troupes, tout en lançant la plupart des chantiers que le président de la République a seulement poursuivi et amplifié une fois élu. Et juste après avoir fait tomber le premier gouvernement depuis 1962, avec LFI et le RN, le PS a totalement changé de position en se déclarant ouvert à de vrais compromis. Ce faisant, le PS a probablement coupé avec LFI pour très longtemps, tant ce changement de bord apparaît comme une trahison. Bien sûr, le score des élections européennes peut pousser le PS à vouloir voler de ses propres ailes, mais seul, entre LFI et le bloc central, après de tels revirements, je ne donne pas cher de sa peau.
L’option la plus crédible, c’est, qu’après avoir fait un grand premier pas vers le bloc central, le PS finira par intégrer ce bloc central, même s’il se contente d’une promesse de non censure dans un premier temps, qui protégera le gouvernement de François Bayrou. Face aux macronistes, au RN et à LFI, le PS risque trop l’annihilation s’il se lance seul. Et dans ce contexte, le parti à la rose doit redouter de nouvelles législatives, sans alliance avec LFI, qui pourraient être un désastre. Cela devrait l’empêcher de voter la censure, à moins de perdre toute lisibilité après tant de revirements politiciens. Enfin, avec un RN donné entre 34 et 38% au premier tour des présidentielles, le PS a intérêt à joindre ses forces avec le bloc central plutôt qu’avec LFI, le total du bloc de gauche, de moins en moins soluble, n’étant que de 25%.
Tout indique désormais que le bloc central et la gauche sont les perdants des six derniers mois. Le premier est totalement déconsidéré par son fiasco budgétaire et l’impasse économique dans laquelle il nous a mis. Et sa position est aggravée par l’impopularité massive du président avec sa décision incompréhensible de la dissolution et son comportement toujours aussi arrogant. La gauche n’a pas su gérer son score correct des législatives en faisant des demandes effarantes pour un groupe comportant à peine plus de 30% des députés, sans jamais faire la moindre ouverture pour construire une vraie majorité. Et la rupture entre ses deux pôles pourrait bien aboutir à un désastre électoral complet en 2026 et 2027 si ses deux composantes font chemin à part, ce qui semble aujourd’hui la seule possibilité avec le retournement complet de veste du PS, qui semble s’être engagé dans un chemin sans retour à l’égard de LFI.
Ce faisant, contrairement à ce dont rêvent les éditorialistes de France Inter, qui essaient de convaincre leurs auditeurs que Marine Le Pen se serait trompée en votant la censure et aurait perdu tous les acquis de sa dédiabolisation, c’est le RN qui tire les marrons du feu, de manière spectaculaire dans les sondages. Marine Le Pen a trouvé un certain équilibre entre franche opposition et ouverture au dialogue, là où LFI se cantonne à faire des demandes totalement irréalistes et inconsidérées.
Vous faites erreur sur la position du PS : il n'a jamais parlé de coalition avec la macronie ni encore moins avec la droite LR. Olivier Faure et Boris Vallaud ont dit et répété qu'ils demandaient la nomination d'un Premier ministre de gauche qui ferait des compromis en partant du programme de la gauche, et en s'engageant à ne pas utiliser le 49-3.
RépondreSupprimerJe pense que le PS veut apparaître comme constructif, mais qu'en réalité, il n'a pas l'intention de s'affranchir du NFP dont il a besoin électoralement. Il a donc fait semblant de se montrer ouvert sachant que ses conditions ne seraient pas acceptées par Macron.
Pourtant, la nomination de Bayrou n'a rien de logique, car il n'a pas plus de députés à l'Assemblée que n'en avait Barnier, et il sera renversé assez rapidement comme son prédécesseur. Macron se retrouvera alors en première ligne.
@ Anonyme
RépondreSupprimerC’est juste, ils ont parlé de compromis, y compris sur la réforme des retraites, et précisaient qu’ils demandaient un Premier ministre de gauche. Et en effet, une telle nomination étant une ligne rouge, pas illogique pour LR, cette idée n’était guère crédible. Votre interprétation a donc du sens, et je n’avais pas pensé à un tel calcul qui peut paraître crédible. Néanmoins, j’ai l’impression que la rupture est consommée avec LFI et que le Rubicon est passé, mais on ne peut pas totalement exclure qu’ils se soient arrêtés juste avant de le passer. Cela me semblerait assez extravagant, mais je ne peux pas totalement l’exclure. Après, la question qui se pose, c’est comment les Français prendraient ses aller-retours. Dans ce cas, on pourrait quand même imaginer que le PS s’abstienne de censurer en 2025 pour éviter de revenir aux urnes, reviendrait au NFP pour les municipales de 2026 et selon comment cela se passe (reconstitution du NFP ou pas, score), pourrait alors choisir de rester allié avec LFI ou changer d’alliance. J’imaginais plutôt une alliance avec les macronistes dès 2026, mais votre point est intéressant.
En revanche, je trouve que la nomination de Bayrou a vraiment une logique. Il est au point d’équilibre qui devrait permettre de rassembler du PS à LR et il est probablement le seul à l’être à ce point car il est assez indépendant du président, marquant (en partie) la défaite du camp présidentiel. Un affidé centriste du parti présidentiel ne pourrait pas embarquer les autres partis il me semble. Le nombre de députés n’est pas le seul critère, c’est aussi la position dans la possible coalition qui peut être déterminante.