samedi 7 décembre 2024

Une censure pleinement logique et bienvenue

Depuis la censure, la plupart des commentateurs tournent en boucle sur l’irresponsabilité de notre personnel politique qui aurait créé une situation de crise. Pourtant, cette motion de censure n’est que le reflet du vote des Français, qui ont envoyé à l’Assemblée une majorité de députés qui ne pouvaient pas cautionner le budget présenté par Michel Barnier, malgré ses maigres concessions. Mieux, cette censure pousse le PS à rompre avec LFI et à constituer une majorité parlementaire stable.

 


Clarification et cristallisation du bloc central

 

La censure était prévisible au regard de la configuration de l’Assemblée Nationale : une minorité a voulu passer en force, et la majorité, opposée à ses projets, lui a logiquement barré la route par la censure. La majorité de blocage du duo NFP-RN, si elle ne peut pas aboutir à un gouvernement, ne pouvait que s’opposer au projet de loi de financement de la Sécurité Sociale présenté par le Premier ministre. Il était contradictoire avec les programmes qu’ils avaient présentés aux Français en juin. Si le RN avait fait miroiter la possibilité de ne pas voter la censure, cela reposait sur de nombreuses lignes rouges, dont la grande majorité a été franchie. Idem pour le NFP dont le programme n’avait pas grand-chose à voir avec les projets de l’équipe démissionnaire, même s’ils n’étaient pas si éloignés de ce que fait le PS au pouvoir. Olivier Faure a donc choisi de réaliser une cascade politique audacieuse, en faisant tomber le gouvernement Barnier, tout en faisant juste après des offres de service au bloc défait sur France 2 !

 

Bien sûr, le discours sur le manque de responsabilité des députés peut s’appuyer sur les nombreux travers de certains députés, notamment ceux venant de LFI, mais sur le fond, ce vote est logique. Et que le bloc oligarchiste, dont les idées sont au pouvoir depuis Nicolas Sarkozy en appelle au soutien des autres partis à ses politiques en échec a quelque chose de contradictoire et ridicule. C’est un point malheureusement bien peu souligné par des journalistes trop proches de ce bloc. La contradiction est surtout claire pour le PS, qui, de 2012 à 2017, s’est inscrit dans la continuité, et même l’accélération de l’agenda de Nicolas Sarkozy, enfantant un Emmanuel Macron qui a continué à accélérer. Et face à l’absence d’une majorité solide, absence qu’il pourrait combler, le PS tourne casaque, à peine six mois après la campagne des législatives, rendant encore plus ridicule les appels d’alors à un gouvernement NFP…

 

Et ce faisant, une telle issue aurait le grand bénéfice de la clarté. Car l’alliance de la chèvre mélenchoniste et du chou socialiste était extravagante. Au pouvoir, les socialistes, c’est Macron en à peine moins arrogant et un peu plus timoré, mais sur le fond, c’est presque la même chose. Si le vrai bloc central finissait par se cristalliser, c’est tout le débat public qui gagnerait en clarté. De toutes les façons, l’alliance de circonstances du NFP était vouée à l’explosion du fait des ambitions présidentielles de Jean-Luc Mélenchon et de l’incapacité du PS à le soutenir dès le premier tour. En outre, je ne suis pas sûr que le NFP ait vraiment réussi cette séquence : LFI a éclipsé les autres partis par ses outrances, sa volonté affichée de prendre le pouvoir et d’appliquer tout son programme, avec à peine plus de 30% des députés. La pique au RN dans sa motion de censure montre un caractère assez détestable, à rebours de l’objectif de faire tomber le gouvernement et son budget : souhaitaient-ils faire échouer leur motion de censure ?

 

La censure gagne le RN, qui gagne la censure

 

Ce faisant, c’est l’opposition du RN qui est apparue bien plus habile et responsable pour le coup. C’est Marine Le Pen qui a négocié avec Michel Barnier, obtenant un recul sur la hausse des taxes sur l’électricité et sur le déremboursement des médicaments. Et c’est elle qui a voulu protéger le pouvoir d’achat des retraités (qui a reculé d’environ 10% depuis une dizaine d’années, entre les non-revalorisations et la hausse de la CSG), se permettant de défendre un électorat qui penchait encore pour le bloc central cet été. Ce faisant, c’est elle qui était à la manœuvre, et pas le NFP et c’est elle qui est apparue comme celle qui défend le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes dans la dernière ligne droite. Loin de se désinstitutionnaliser comme le rêvent les éditorialistes du bloc oligarchiste, j’ai tendance à croire qu’elle a marqué des points en trouvant le bon équilibre entre ouverture au dialogue et capacité à s’opposer.

 

En outre, le NFP, assemblage hétéroclite et incohérent, est en cours d’explosion et devrait perdre sa frange sociale-démocrate, qui logiquement, pourrait passer dans le bloc central. Ce faisant, avec une gauche coupée en deux entre une frange radicale devenue l’offre politique majeure la plus repoussante du pays, et une frange modérée qui finit par assumer sa proximité avec la macronie, le RN pourrait bien renforcer sa position de première force d’opposition au bloc central. Le chemin que nous prenons avec cette censure et toutes ses conséquences, semble nous mener plus que jamais à un affrontement entre ce bloc central, qui pourrait retrouver une petite majorité parlementaire, avec l’adjonction du PS, et un RN qui n’aurait plus à craindre un bloc de gauche réduit à sa frange radicale et marginale.

 

En effet, c’est LFI qui reste dans une opposition à la radicalité bien peu rassurante, et qui refuse le dialogue et tout compromis, que devrait lui imposer la configuration de l’Assemblée. Cela pousse le PS à la rupture avec le NFP pour aller à la soupe, dans une clarification bienvenue du paysage politique. Mais on peut aussi se demander si le RN n’a pas marqué de gros points dans cette séquence.

17 commentaires:

  1. Je ne crois pas à une coalition EPR+LR+PS+PCF+VERTS.

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  2. Bien d'accord sur le PCF et les Verts. En revanche, le PS semble mûr pour le basculement, logique sur la pratique du pouvoir, mais assez extravagant 6 mois après le NFP

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  3. Si j'étais un dirigeant du Parti socialiste, j'y réfléchirai quand même à deux fois avant de rallier le "bloc central" dans une coalition élargie car la "soupe" (comme vous dites) risque d'être très indigeste. Il faudra alors assumer la politique d'austérité exigée par l'UE et les créanciers qui va faire des ravages.

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    1. Il n'y a aucune alternative à une politique d'austérité.

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  4. Protéger le pouvoir d'achat des retraités? Mais c'est n'importe quoi. Pour restaurer les finances publiques, les retraités auront une baisse très significative de leur pouvoir d'achat, de même que toutes les autres catégories sociales françaises. Et on aurait deja du faire cela il y a longtemps......

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  5. @ Marc-Antoine,

    En même temps, ils peuvent apporter leur expérience de la gestion de l’austérité, pratiqué en 83, 91/2, sous Jospin et sous Hollande. Le problème, c’est le grand écart qu’ils ont fait dans leur discours avec le NFP, totalement contradictoire avec leur comportement au pouvoir. Faure s’est déjà beaucoup avancé là : pas sûr qu’il puisse revenir en arrière maintenant. J’ai l’impression que le Rubicon de la rupture avec LFI est passé, paradoxalement le soir de la censure, sur France 2. Et au final, ce serait sans doute plus cohérent, même si ces aller-retours n’aideront pas le parti à se relever.

    @ Trolls

    Bien sûr que si : le Japon de Abe, avec 8% de déficit et 250% de dette, a relancé son économie en 2012 au lieu de choisir l’austérité. Mais il faut quitter l’euro (et l’UE) pour le faire…

    Et quelles seraient les conséquences d’une baisse très significative du pouvoir d’achat des retraités (et des autres catégories sociales française) : un effondrement économique, un recul du PIB, et donc un alourdissement de la dette, sans forcément que les déficits baissent beaucoup… Ce ne serait même pas efficace économiquement

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  6. Quelle que soit l'alliance la crédibilité de notre personnel politique va se jouer sur ce qu-il nous reste de souveraineté à propos du Mercosur et du prix de l'électricité qui peut être un élément essentiel de notre attractivité lJ'ai dit crédibilité par politesse ,disons utilité

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  7. "il faut quitter l'euro"... Mais vous savez bien que cela n'arrivera pas ! Vous me faites penser à Sapir, dont les analyses sont toujours très brillantes, mais les solutions qu'ils préconisent sont toutes improbables, sinon impossibles. Il faut partir des réalités, c'est un principe du gaullisme, non ?

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    1. OK, OK... la réalité, ce sera donc - si l'on reste ad vitam dans le roro - le déclin sur 30-40 ans, jusqu'à un niveau tiers-mondiste ou alors le brillant niveau d'un pays comme l'Argentine pré-Milei...
      ...tout en restant accouplé (dans quel sens ?) avec la Bochie qui coule, elle-même crucifiée sur le pont du porte-avions US ... qui coule, lui aussi sur l'horizon du siècle. Bel avenir "réaliste" !

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  8. Bien sûr que cela n’arrivera pas, il y des gens qui délirent complètement !

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  9. La sortie de l’euro est tout sauf impossible : toutes les études sérieuses (j’en ai chroniqué beaucoup) concluent unanimement que cette sortie est simple, a déjà été faite (ne serait-ce qu’en Tchécoslovaquie à la chute du mur de Berlin, quand le pays a choisi de se couper en 2, après 7 décennies de vie commune.

    Improbable à court terme, c’est sûr, aucun grand parti n’en parlant. Mais ce que je crois plus improbable, c’est surtout à la survie de l’euro à long terme. Il ne passera pas ce siècle, c’est sûr, et je pense que son espérance de vie sera plus courte. Des graines ont été semées il y a 10 ans, les méfaits de l’UE sont de plus en plus apparents. C’est une machine folle qui nous fait du mal. Elle finira par exploser.

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    1. Quelles bêtises !

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    2. Je laisse les lecteurs juger où se situe la bêtise. Quelques références sur l’euro :
      http://www.gaullistelibre.com/2013/02/fin-dune-monnaie-unique-le-precedent.html
      http://www.gaullistelibre.com/2013/03/le-demontage-de-leuro-possible.html#more
      http://www.gaullistelibre.com/2012/07/quand-natixis-et-merrill-lynch.html
      http://www.gaullistelibre.com/2012/02/la-sortie-de-leuro-cest-possible-et-pas.html

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    3. Cela fait 20 ans que l'on parle de la fin de l'euro, mais la zone euro a traversé de nombreuses crises et elle est toujours là.
      Crise financière de 2008, crise de la dette en 2010, crise grecque en 2015...
      Peut-être que l'euro ne passera pas ce siècle, mais nous ne serons plus là pour le voir !
      Oui, peut-être que si la France connaît le destin de la Grèce, elle entraînera l'euro dans sa chute. Mais faut-il le souhaiter ? Ce serait un séisme financier.

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  10. Herblay va continuer à écrire chaque semaine pendant les 30 années à venir que la fin de l’Euro viendra bientôt, c’est son fond de commerce !

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  11. HERBLAY
    "le Japon de Abe, avec 8% de déficit et 250% de dette, a relancé son économie en 2012"

    Le Japon a relancé son économie ? Dans quel monde ?
    Dans le nôtre il a une croissance de 0.3% bien pire que la France, et 187^ sur le 200 pays du classement du FMI 2024
    Parmi les grands pays, ne font pire que l'Allemagne, le Soudan et l'Argentine.

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