C’est une surprise de la semaine : le RN, en s’abstenant dans la commission des lois mixte, a permis la confirmation de Richard Ferrand comme futur président du conseil constitutionnel, à une voix près. Autant la censure de Barnier me semblait cohérente et bien jouée, autant ce choix me semble une faute politique comme morale, qui reflète un peu trop la chiraquisation du parti de Marine Le Pen.
L’inquiétant refus de la confrontation avec le système
Mais cette ligne de défense est fragile. Christiane Taubira, si tant est qu’Emmanuel Macron ait véritablement envisagé de la nommer, ce dont je doute, n’aurait pu être soutenue que par les partis du NFP et lui aurait fallu l’abstention du camp présidentiel pour qu’elle passe. Mais les idées aujourd’hui défendues par le camp présidentiel, notamment le président de son premier parti, Gabriel Attal, sont devenues orthogonales à celles de l’ancienne ministre de François Hollande. Comment imaginer le président nommer une personne tellement à gauche sur les sujets de société, alors même que la société vire à droite, de même que le discours de tout son camp ? Eric Dupont-Moretti est occupé au théâtre et semble s’être attiré de nombreuses inimitiées qui en faisait un candidat peu solide. Et de toutes les façons, technocrates comme anciens politiques ont tendance à faire de la politique à la tête d’institutions qui ne le sont pas…
Laurent Fabius, au parcours proche de Richard Ferrand, a accentué la pente politique délétère du Conseil. Bref, l’argument n’est guère recevable et ce geste du RN semble un mauvais calcul. Si le Conseil confirme inéligibilité de Marine Le Pen, le RN aura quand même perdu sa meilleure candidate, et si le Conseil la remet en question, cela apparaîtra comme la conséquence d’une forme de marché, explicite ou non, entre le RN et le nouveau président du Conseil. Il sera dit que Richard Ferrand devait épargner celle qui lui a permis d’être là. En outre, en permettant cette nomination, le RN évite étonnament une nouvelle défaite politique à Emmanuel Macron. Si la commission avait refusé le candidat de l’Élysée, le président aurait continué son chemin de croix, et son affaiblissement aurait été encore renforcé. Bref, politiquement, le choix du RN me semble très contestable, à moins d’un accord sur inéligibilité...
D’autant plus qu’installer Richard Ferrand au Conseil Constitutionnel pose un sacré problème moral, avec cette affaire des Mutuelles de Bretagne où c’est la prescription qui lui a permis de s’en sortir, et il est choquant qu’il retrouve au Conseil Véronique Malbec, une magistrate qu’il a nommé lui-même, et qui avait décidé un premier classement sans suite de l’affaire en 2017... Tout ceci fait vraiment magouilles et compagnie au sommet de notre ordre institutionnel… Il est profondément malsain qu’il se retrouve dans la plus haute autorité qui dit le droit en France. Cela donne des airs de république bananière à notre pays, qui n’en avait pas besoin. Tout ceci, le RN en devient coresponsable. Bien sûr, c’est Macron qui choisit le candidat, mais le RN avait droit de vie ou de mort sur cette nomination. Richard Ferrand méritait-il moins d’être censuré que Michel Barnier ? Cela ne me semble vraiment pas évident.
Le discours de la responsabilité et du moindre mal ne doit pas faire illusion. Il s’agissait seulement du premier candidat de l’Élysée. Il était un peu tôt pour capituler en évoquant des candidatures fantômes. Si le RN vise à se normaliser de la sorte, on peut penser que le changement qu’apporterait Marine Le Pen serait finalement limité tant elle semble ne pas vouloir faire de polémique, pour ne pas dire autre chose.
Cette danse du ventre RN-macronie n'est pas nouvelle. Elle date au moins depuis des dîners de соns avec Edouard Philippe.
RépondreSupprimerPeu après, bizarrement, le RN avait retiré de son programme les mesures sociales et les mesures en faveur des campagnes et des villages face aux métropoles. Maintenant, le RN, c'est donc juste du macronisme avec en plus "z'aime pô les zzarabes" et en prime Julien Odoul qui ricane du suicide des agrisulteurs.
Le problème est que le corps électoral et a une grande inertie et n'infléchiera son votre que 10 ans après la bataille...
Encore que... La législative partielle de décembre dernier, sur ma circonscription en secteur rural du Nord-Est, a vu le RN perdre un siège. Mais a été élu à la place un crypto-macroniste qui a pris soin de se déclarer sans étiquette et, il est vrai, le descendant d'une dynastie de notables de la campagne argonnaise.
Évidemment qu’un changement de majorité ou de président ne changerait pas grand chose! Heureusement que nous avons la Commission européenne, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat, la CEDH, la CJUE, etc. pour le garantir !
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