lundi 17 mars 2025

Bitcoin : l’un des nombreux pièges du trumpisme

Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan et François Asselineau ont tous les trois pris position en faveur du Bitcoin ou des crypto monnaies, au nom de la souveraineté et l’innovation, prenant la suite de Donald Trump, qui veut y consacrer une part des réserves de la Fed. Difficile de ne pas y voir une dérive de la sphère alternative qui imite un peu vite le locataire de la Maison Blanche.


 

L’ennemi de nos ennemis n’est pas forcément notre ami

 

Je vous renvoie à mon papier du dernier numéro de Front Populaire, consacré à « l’effarante envolée du Bitcoin » pour approfondir la question dans un sens différent des fans de cryptos. J’ai toujours pensé que ce ne sont pas des actifs de confiance, et que leur valorisation tient plus d’un exercice habile de communication, et de la propension des marchés financiers à s’enflammer pour de nouveaux placements, au-delà de la raison. Un jour, le Bitcoin pourrait ne plus rien valoir, car en réalité, sa valeur ne repose sur rien, une astuce indéniable de ceux qui l’ont créé, qui a retiré tout plafond rationnel à sa valeur, permettant de faire croire qu’il y aurait encore moins de limite à sa valeur que pour les actions Tesla. Mais les krachs du passé indique qu’il faut être prudent avec un actif qui peut perdre 80% de sa valeur assez vite.

 


François Asselineau y voit « un instrument de souveraineté pour la France et de liberté pour les Français ». NDA dénonce les taxes sur les entreprises crypto, « un coup dur pour l’innovation ! Ils veulent tuer la crypto parce qu’elle menace leur système corrompu (…) La blockchain et les cryptos sont les armes de notre souveraineté financière ». J’ai du mal à voir comment les cryptos pourraient être des armes de notre souveraineté financière : au contraire, leur volatilité pèserait sur notre souveraineté et nous mettrait plus encore à la main des marchés. Et cette innovation profite surtout aux très riches spéculateurs… Enfin, Marine Le Pen suggère de « constituer des réserves stratégiques (de Bitcoin) pour EDF qui aideront à financer la maintenance et la rénovation des réacteurs ». EDF serait bien avancé si la valeur de ses surplus de production était divisée par 5 en quelques mois et perdait des milliards de la sorte…

 

Ce faisant, les trois prennent la suite de Sarah Knafo, qui, si elle peut être solide sur certains sujets, avait montré une propension assez stupéfiante à se transformer en fan des cryptos à l’investiture de Donald Trump. Mais tout ceci donne largement l’impression que ces dirigeants politiques cèdent à une forme de mode dans les milieux alternatifs, lancée par Donald Trump. Il n’est pas inutile de rappeler ici que le nouveau président des Etats-Unis n’était pas spécialement positif à l’égard des cryptos, mais qu’il a opportunément changer de fusil d’épaule quand les milieux favorables aux cryptos l’ont soutenu, et qu’il a gagné des millions en créant son actif numérique, dans un exercice qui montre pourtant bien le caractère profondément artificiel des cryptos. Les vrais gagnants sont les premiers investisseurs, souvent très riches, qui profitent de l’arrivée des investisseurs particuliers, qui font monter les cours, avant un krach…

 

Mais ce n’est pas parce que Donald Trump s’est opposé à l’oligarchisme cosmopolite des démocrates et qu’il se montre bien plus soucieux des intérêts nationaux qu’il défend l’intérêt général, loin de là. On peut penser que chez lui, c’est surtout la forme qui est populiste, quand le fond reste largement oligarchiste. De même, comme on pouvait le craindre, celui qui défendait la liberté d’expression quand il était victime des abus du camp d’en face, semble finalement enclin aux mêmes abus une fois au pouvoir, éliminant les journalistes qui lui sont opposés pour s’entourer de plus en plus de courtisans, par exemple. Ce n’est pas parce qu’il affronté, et battu l’oligarchisme cosmopolite de son pays qu’il est forcément un modèle pour nous. Son parcours erratique et ses abus montrent bien qu’il faut prendre du recul sur ses positions. Si certaines sont justes (protectionnisme, immigration), d’autres ne le sont pas. Pire, parfois, elles révèlent des conflilts d’intérêt majeurs, une des marques de fabrique de son administration.

 

Bref, ce n’est surtout pas parce que le trumpisme est enthousiaste à l’égard des cryptos qu’il faut également y céder. Déjà, on peut penser que cet enthousiasme n’est pas désintéressé. Et avant de reprendre une des lubies de la Maison Blanche, il convient de prendre du recul sur toutes les implications, ce qui ne semble vraiment pas le cas des trois leaders souverainistes sur les cryptos…

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