lundi 7 avril 2025

Le protectionnisme légitime, stratégique, et brutal, de Donald Trump

Les annonces de droits de douane du président des États-Unis cette semaine ont déclenché une vague de critiques quasi unanimes, certains demandant même s’il est fou, ou faisant un parallèle bien rapide avec la Grande Dépression. Pourtant, même si certains aspects du « jour de la libération » peuvent être critiquables, sur le fond, Donald Trump est très loin d’avoir tort.


 

Des intérêts des peuples et de l’oligarchie

 

Le concert de critiques des médias de milliardaires (ou des prétendus services publics qui suivent la même ligne) et le plongeon des marchés ne sont guère impressionnants. Il signifie seulement que les droits de douane annoncés par Donald Trump contrecarrent les intérêts de l’oligarchie. Et depuis plus de 40 ans, il est clair que les intérêts de l’oligarchie ne sont pas ceux des peuples. Et plus ceux des premiers sont la boussole des dirigeants, plus les peuples souffrent, comme le montre l’expérience Macron. Quel meilleur exemple que la gestion du commerce pour le démontrer : c’est l’Asie protectionniste, du Japon à la Chine, en passant par la Corée du Sud, qui s’est développée le plus rapidement et a réussi à le plus améliorer les conditions de vie de sa population. A contrario, la suppression des barrières dans l’UE et aux USA depuis près de 50 ans a très lourdement pesé sur le niveau de vie d’une majorité de la population.

 

Bref, pour qui prend un peu de recul historique sur le libre-échange, le choix de Donald Trump peut apparaître sensé. Mieux, le temps long économique s’aligne avec la situation actuelle des USA, dont le déficit commercial a battu un record en 2024, à plus de 900 milliards de dollars, plus de 3% du PIB. La division par deux du déficit commercial pourrait générer 450 milliards de dollars de richesse supplémentaire. Et cela semble une direction pertinente pour un pays qui s’est lourdement désindustrialisé, l’industrie passant de près de 25% des emplois à moins de 10% aujourd’hui. En outre, il y a certains secteurs (notamment l’automobile), où les capacités productives des USA sont suffisantes pour lui permettre de substituer les importations par des productions locales. En cela, un protectionnisme ciblé sur les produits, prenant en compte la capacité des USA à se substituer aux importations semblait une formule plus logique.

 

Mais malgré tout, la formule de fixation des droits de douane, présentée un peu rapidement comme aberrante, n’est pas totalement irrationnelle. Le principe qui la sous-tend, auquel je souscris, c’est que les échanges doivent être équilibrés, non seulement globalement, mais aussi, en grande partie, avec nos différents partenaires commerciaux. Il n’est pas sain de conserver un déficit commercial majeur avec un pays dans la durée : c’est un appauvrissement à son profit. Et en cela, la formule répond assez justement puisque le taux est proportionnel à l’ampleur du déficit commercial par rapport aux échanges. Les pays qui ont les droits de douane les plus élevés sont ceux qui ont le déséquilibre des échanges le plus fort. Et comme ces pays importent peu des États-Unis, les rétorsions seront dérisoires. La Chine vend trois fois plus à l’Oncle Sam que l’inverse : ce dernier a l’avantage dans le conflit commercial.

 

Et autant la course à la compétitivité par la politique de l’offre n’a eu aucun effet véritable sur les implantations industrielles en France, autant le discours de Donald Trump a provoqué des choix industriels majeurs : avant les dernières annonces, ArcelorMittal avait annoncé investir aux USA, comme CMA CGM. Samsung et LG avaient annoncé l’option de relocaliser aux USA des productions réalisées au Mexique, tout comme Audi et Porsche dans le groupe Volkswagen, tout comme l’avionneur français Daher. Cette année 2025 est la démonstration claire que la mise en place de droits de douane significatifs par une grande puissance économique permet de relocaliser l’industrie, que cela plaise aux marchés et aux grandes entreprises ou non. Même le Figaro a rapporté l’opinion des grands patrons qui « n’ont rien à cirer » de l’appel de Macron à suspendre les investissements aux USA, la nouvelle brillante idée de notre Jupiter de pacotille. En clair : hausse des droits de douane égale relocalisation et réindustrialisation.

 

Bien sûr, les défenseurs de l’oligarchie pointent le risque inflationniste des droits de douane. Ils oublient de rappeler que les précédents, limités, du premier mandat, n’avaient pas déclenché une forte hausse de l’inflation. En outre, les importations pèsent un peu plus de 10% du PIB des USA. Même une hausse moyenne de 20% des prix n’augmentera l’inflation que de 2%, et seulement sur une année, si tant est que les multinationales ne prennent pas en charge une partie de la hausse des prix pour protéger leurs ventes, ce que le niveau actuel des profits peut permettre, en partie. Bref, les inconvénients des droits de douane sont à relativiser, d’autant plus que les bénéfices sont très importants, avec l’ouverture de nouvelles usines, ou l’augmentation de la production des usines actuelles. Le marché états-unien est beaucoup trop important pour que les entreprises ne s’adaptent pas dans le sens voulu par Trump.

 

Pour couronner le tout, il ne faut pas oublier les effets de bord de telles mesures. La relocalisation devrait profiter aux cols bleus, qui seront davantage recherchés, et cela pourrait favoriser les hausses de salaire dans l’industrie. Plus globalement, la réaction négative des marchés n’est pas seulement porteuse de mauvaises nouvelles. D’abord, elle peut faciliter une baisse des taux de la Fed pour compenser le climat économique incertain. Ensuite, les taux d’intérêt à 10 ans ont sensiblement baissé depuis l’investiture : alors qu’ils approchaient les 5%, ils sont tombés à peine au-dessus de 4%, une sérieuse économie pour le budget et pour tous les ménages qui empruntent à taux variable. Plus globalement, le dollar a perdu de la valeur depuis l’investiture par rapport à l’euro : si cela peut accélérer l’inflation sur les produits importés, cela devrait aussi favoriser les exportations et les produits locaux à domicile.

 

Bien sûr, sur la forme, les choix très brutaux de Trump interrogent. Ainsi, il renforce encore le caractère arbitraire et brutal des USA et devrait nourrir la volonté de bien des pays de moins dépendre d’un tel partenaire. Et malgré les limites du choix de droits par pays, les prévisions cataclysmiques des défenseurs de l’oligarchie reflètent surtout leurs intérêts. La question qui se pose, c’est comment Donald Trump va gérer la séquence qu’il a ouverte : s’agira-t-il bien d’un vrai changement de fond ?

5 commentaires:

  1. J'attendais avec impatience votre billet sur ce sujet. Et pour cause, ce protectionnisme est la seule réforme de Trump que je soutienne. Cependant, je me demande s'il faut intégrer les échanges de services dans la balance commerciale, sinon les pays qui subissent les droits de douane peuvent prendre des mesures de rétorsion dans ce domaine. Ce n'est certes pas le cas de la Chine, mais de beaucoup d'autres pays asiatiques et surtout européens.

    Mais ce qui me choque le plus, c'est la façon dont cette réforme est présentée aux Américains. La note va être salée pour certains produits et va entraîner de l'inflation, sûrement au delà de 2%. Le gouvernement devrait intervenir pour aider les ménages les plus précaires à supporter la baisse temporaire de leur niveau de vie, et surtout expliquer clairement aux électeurs que la situation va être difficile dans un premier temps.

    De façon plus générale les droits de douane auraient gagné à être négocié avec la gauche anti libérale pour donner une assise populaire plus significative à sa décision et jouer la carte peuple VS elite plutôt MAGA VS reste des États-Unis et du monde.

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    1. "Les échanges doivent être équilibrés": mais quelle bêtise extraordinaire!!! Donc, entre un pays avec des travailleurs performants et compétitifs et un autre pays ou les travailleurs veulent travailler le moins possible (35h), avoir un SMIC élevé et refusent la compétition (parce qu'ils sont nuls), les échanges devraient être équilibrés! C'est la prime aux nuls que vous promotez!

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  2. "avoir un SMIC élevé"

    SMIC élevé e France ? Faites donc un tour en Suisse

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    1. Un SMIC élevé par rapport à ce que méritent les smicards.

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  3. "La note va être salée pour certains produits et va entraîner de l'inflation, sûrement au delà de 2%"

    pour que l'inflation augmente au delà de 2%, il faut d'abord que les salaires ou en général les revenus augmentent au delà de 2%
    Ce ne sont pas les prix demandés par les vendeurs qui font l'inflation, mais ceux que les acheteurs consentent de payer.

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